Idleb, le vrai visage des « rebelles » islamistes
Par Hassane Zerrouky
L'Humanité
Après Alep, cette ville frontalière de la Turquie, sous contrôle d’une coalition djihadiste dont certains groupes sont aussi violents que Daech, est la prochaine cible de Damas.
A près Alep, Idleb, distante de 65 km et proche de la Turquie, est la prochaine cible de l’armée syrienne appuyée par la Russie et ses alliés iraniens, irakiens et du Hezbollah. Début novembre, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé une opération militaire « majeure » contre cette province sous contrôle de Djeich al-Fatah (Armée de la conquête) depuis fin mars 2015. Cette coalition regroupant plusieurs groupes djihadistes, dont Fatah al-Cham, Ahrar al-Cham, Nour al-Dine al-Zenki (rendu célèbre par la décapitation d’un enfant de 12 ans en juillet dernier), Jund al-Aqsa, Liwa al-Haq, Jaysh al-Sunna, Ajnad al-Cham, a été mise en place sur insistance des parrains turcs, qataris et saoudiens. Si Idleb tombait à son tour, cela constituerait une défaite surtout pour l’Arabie saoudite, le Qatar et Washington qui a livré des armes sophistiquées ayant permis aux djihadistes de conquérir Idleb.
Depuis, Ankara semble avoir quelque peu infléchi sa position. À en juger par la déclaration faite hier à Moscou par le premier ministre turc, Binali Yildirim, l’opération « Bouclier de l’Euphrate » visant à la fois Daech et les Kurdes, n’est nullement liée « à une volonté de changer de régime en Syrie » ! Or, on voit mal comment l’imprévisible Erdogan pourrait lâcher ses protégés islamistes sans contrepartie, notamment à propos des Kurdes syriens assimilés à des « terroristes ». Quant à la nouvelle administration américaine qui succédera à celle de Barack Obama, personne n’est en mesure d’affirmer avec certitude quelle sera la politique de Donald Trump sur la crise syrienne.
Toujours est-il qu’à l’origine, dans le dispositif stratégique visant la chute du régime de Damas, Idleb et sa province représentaient un enjeu majeur. C’est par cette région que transitent renforts, armes et munitions en provenance de la Turquie. Ankara et Doha ont alors convaincu les différents groupes islamistes de mettre fin à leurs différends et de former une coalition. Et dans cet ordre d’idées, Idleb devait être l’alternative sunnite à l’« État islamique » (EI, Daech), plus acceptable par les capitales occidentales. Turcs et Qataris ont aussi conseillé à leurs protégés djihadistes de cesser de diffuser par vidéo les exécutions publiques. Mieux, les Qataris en particulier ne sont pas étrangers au fait que le Front al-Nosra (filiale syrienne d’al-Qaida) change d’appellation – il a pris le nom de Fatah al-Cham – et prenne ses distances avec la Qaida. Ce qui fut fait en théorie avec l’accord et la bénédiction d’Aymen Zawahiri le chef d’al-Qaida et successeur de Ben Laden !
« Soit vous êtes d’accord avec leurs règles sociales et leurs politiques, soit vous disparaissez »
Reste que la tolérance affichée au début à Idleb par Fatah al-Cham, Ahrar al-Cham et le groupe Nour al-Dine al-Zenki, les trois principaux groupes armés, n’a duré qu’un temps. Une fois la ville conquise, la situation stabilisée dans la province, ces groupes ont imposé leur ordre social-religieux. Application de la charia, mise en place de tribunaux islamiques, imposition du voile total (abaya) et du niqab aux femmes et même aux gamines dès l’âge de 10 ans. Interdiction d’enseigner certaines matières comme la philosophie, de diffuser de la musique, et traque impitoyable des homosexuels, des femmes accusées de prostitution ou d’adultère, de ceux suspectés à tort ou à raison d’avoir servi le régime : des fonctionnaires, des enseignants et des médecins ont été exécutés quand d’autres subissaient en public des châtiments corporels, ce que dénonçait Amnesty international (AI) dans un rapport datant de juillet dernier. Même les acteurs de la société civile opposés au régime syrien sont à leur tour traqués impitoyablement. « Soit vous êtes d’accord avec leurs règles sociales et leurs politiques, soit vous disparaissez », raconte un témoin cité par AI. Radio Fresh, tenue par des acteurs de la société civile opposants au régime syrien, a été fermée. Et les statues du poète et philosophe mystique Abou Ala al-Maari (Xe siècle) ont été soit détruites soit décapitées.