Alors qu’Istanbul et Bagdad continuent de pleurer leurs morts, le chroniqueur Bernard Guetta, « l’expert » autoproclamé ès relations internationales de France Inter, a cru bon de nous livrer ce matin ce qu’il considère être la raison véritable des violences terroristes qui ont secoué le Moyen-Orient et l’Europe en 2016.
Les violences aveugles ciblant les civils seraient une matérialisation du conflit opposant le sunnisme au chiisme, sous-traité par « leurs champions, l’Arabie Saoudite et l’Iran ». Mais alors, pourquoi l’Europe serait-elle aussi frappée s’il s’agit d’une guerre de l’Islam « contre lui-même » ? Élémentaire, répond Bernard Guetta du tac au tac : « l’Europe a si longtemps dominé le Proche-Orient qu’elle y est encore vue comme responsable de tout ». Pis, elle serait une « victime collatérale de la guerre des deux islams ».
On s’étrangle face à un tel cynisme qui relève plus du négationnisme que de l’analyse géopolitique. La violence et les conflits militaires qui causent la mort ou l’exode forcé de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont réduits à une querelle de théologiens. Guetta essentialise les racines de la violence, rejouant la petite musique néoconservatrice de la barbarie inhérente à l’islam, pour mieux dédouaner l’Occident de toute forme de responsabilité. A peine quelques mots balbutiés sur le rôle de l’intervention militaire en Irak dans le chaos régional, mais seulement pour mieux minimiser la culpabilité de l’Occident. Rien sur les appétits énergétiques qui motivent interventions impérialistes américaine, russe, française et turque – et nourrissent les monstres.
L’UJFP condamne ce hold-up raciste, tranquille, du service public, qui plus est à une heure de grande écoute. C’est la violence politique de certains régimes et la compétition des impérialismes, pas seulement ni principalement les conflits dans l’islam, qui sont à l’origine des bouleversements du Moyen-Orient. Dire le contraire, c’est insulter la mémoire des victimes là-bas et faire le jeu des islamophobes ici.
Le bureau national de l’UJFP, le 3 janvier 2017.