Les véritables objectifs de Trump en Syrie se précisent depuis l’annonce de son intention de créer des zones de sécurité, sous prétexte de protéger les civils et de résoudre le problème des déplacements forcés et des émigrés.
Un problème qui, d’après lui, menace la sécurité du monde et, en particulier, la sécurité nationale des États-Unis. D’où ses deux décisions : interdire aux ressortissants des pays en proie à des troubles et des affrontements armés d’entrer aux États-Unis, pays auxquels il a ajouté l’Iran, et créer des zones de sécurité en Syrie, au Yémen et dans les pays voisins.
Concernant les zones de sécurité en Syrie, le plus important a fuité à partir de « sources israéliennes » et se révèle conforme aux obsessions de l’ex-plan B américain fondé sur la partition de la Syrie. Pour ce nouveau plan, Trump ne voulant toujours pas envoyer des troupes terrestres, charge des forces locales et régionales d’établir ces prétendues zones de sécurité, forces auxquelles l’aviation américaine offrirait son soutien puis maintiendrait des zones d’exclusion aérienne au niveau de quatre régions :
- Une première zone au nord-est, confiée aux FDS [Forces Démocratiques Syriennes] inféodées aux États-Unis, allant de Hasaka jusqu’à l’Euphrate ; région dont les Kurdes rêvent pour leur entité autonome.
- Une deuxième zone an nord d’Alep, confiée à la Turquie, allant de la frontière turque à la ville d’Al-Bab sur une distance de 75 kms ; région dont rêvait la Turquie suite à l’échec de ses projets en Syrie.
- Une troisième zone au sud, confiée ouvertement à la Jordanie et implicitement à Israël, allant du Golan, à Daraa puis à Soueïda ; région dont rêve Israël pour sa prétendue sécurité.
- Une quatrième zone à l’ouest, allant de la côte jusqu’à Homs, confiée à la Russie.
Finalement, un ex-nouveau plan américano-sioniste dont la cartographie est superposable au plan de partition de la Syrie sous Obama, mais plus intelligent et plus perfide.
En effet, le plan de l’ère Obama ayant été rejeté avec force aussi bien sur le terrain militaire que sur le terrain diplomatique, les États-Unis ou, plus exactement, les sionistes occupant des postes sensibles dans l’administration Trump, pensent pouvoir contenir et contourner les victoires de l’Armée syrienne à travers ce nouveau plan de partition, étant donné qu’il sauvegarde les intérêts de la Russie, de la Turquie et d’Israël en Syrie, tout en détruisant l’unité du peuple et du territoire syriens, puisqu’il arrache à l’État syrien sa composante kurde du nord-est du pays, sa composante alaouite de la côte ouest, sa composante druze du sud, et permet à la Turquie de rester présente dans le nord avec possibilité d’expansion dans les régions restantes, une fois que la Syrie aura été privée du soutien de ses alliés.
Et ceci, puisqu’une dernière information stipule l’isolement de l’État syrien par la sortie de toutes les forces inacceptables par les nouveaux gestionnaires de ces zones, instrumentalisés par les États-Unis. Autrement dit, la sortie de l’Iran, du Hezbollah et autres alliés, notamment de la région sud pour rassurer Israël par la création d’une zone de sécurité « internationalement reconnue » dans le Golan syrien.
Des objectifs israélo-américains d’une telle ampleur ne peuvent être atteints que par l’un des deux moyens suivants : une résolution du Conseil de sécurité leur accordant une légitimité internationale ou une action militaire menée par les USA et leurs alliés imposant la loi du plus fort. Mais tant que Trump n’engage pas ses troupes terrestres comme il l’a promis, l’unique moyen reste la bénédiction du Conseil de sécurité ; ce qui implique de dissuader la Russie de brandir son veto.
Selon ces fuites, l’administration Trump pense pouvoir corrompre la Russie en lui accordant une zone d’influence non seulement sur la côte syrienne, mais aussi en reconnaissant ses intérêts dans toute la Syrie et toute la région, y compris en Irak. Que fera la Russie ? Jusqu’ici, elle a déclaré que la mise en place de zones sécurisées devrait faire l’objet d’une étude approfondie en coordination avec l’État syrien. Lequel a déclaré par la voix de son ministre des Affaires étrangères, M. Walid al-Mouallem, que toutes les tentatives de mise en place de telles zones sans coordination avec l’État syrien auraient de graves conséquences et constitueraient une violation de la souveraineté du pays. Quelle serait exactement la coordination voulue par la Syrie ?
Pour nous, l’équation est claire : la sécurité est le fait de l’État, l’insécurité est le fait du terrorisme. Les vraies zones sécurisées sont donc celles contrôlées par l’État syrien et les Syriens n’ont nul besoin de nouveaux plans conduisant à la pérennisation de la guerre, mais un grand besoin de nettoyer leur territoire du terrorisme, ce qui restituerait la sécurité.
Par conséquent, s’il existait une réelle intention de résoudre radicalement le problème des réfugiés, il suffirait de ramener les personnes déplacées dans les zones où l’État impose la sécurité et de faire un minimum pour les aider à s’en sortir humainement, au lieu de continuer à fournir des armes aux terroristes qui les ont expatriés.
Nous disons cela en sachant que ceux qui ont mené l’agression sur la Syrie n’ont aucunement l’intention de rendre service à l’État syrien, de telle sorte qu’il puisse récupérer sa stabilité en préservant l’unité de son peuple et de son territoire. D’où ce plan diabolique de partition et de partage du butin sous couverture d’un « projet de zones sécurisées ».
Projet qui doit absolument être rejeté pour deux principales raisons sur lesquelles nous insistons particulièrement. La première est qu’il prépare la voie à une partition réelle et définitive de la Syrie, rappelant les résolutions ayant conduit à la partition de la Palestine et du Soudan ou le fait accompli en Irak. La deuxième est qu’il vise le rôle et l’efficacité l’« Axe de la Résistance » en Syrie et au-delà, afin qu’Israël et les États-Unis puissent atteindre certains de leurs objectifs contre notre région.
Vu ces dangers, l’unique formule susceptible de rendre ce projet acceptable serait que toutes les zones syriennes soient directement gérées par le gouvernement syrien, que les États voisins ferment leurs frontières aux terroristes, et qu’aucune force militaire étrangère voisine ou éloignée ne puisse intervenir sur le terrain sans coopération et collaboration directes avec le commandement militaire syrien légitime.
Concernant la Russie, nous l’invitons à rester particulièrement vigilante devant ce plan hypocrite et à empêcher toute résolution malveillante pouvant masquer la partition de la Syrie.
Quant à l’Axe de la Résistance, nous pensons qu’il est devant une nouvelle phase de confrontation. En effet, maintenant qu’il a empêché la chute de la Syrie et mis en échec le premier plan de sa partition, il doit se préparer à faire échouer ce nouveau plan de partition masquée. Cette fois-ci, ce sera plus facile suite aux succès militaires considérables ayant abouti à la libération d’Alep et à la dispersion du camp des agresseurs.
Reste à envisager la tactique de la confrontation qui devra être menée sur le plan politique et militaire à la fois, en commençant par refuser ces zones sécurisées quelles que soient les pressions, puis en convaincant les alliés de les refuser à leur tour et enfin, en affrontant l’ennemi sur le terrain avec la certitude de la victoire.
Car, l’Axe de la Résistance qui a prouvé sa capacité et son efficacité face aux affrontements les plus cruels et qui a accepté tant de sacrifices, ne peut pas gaspiller les avancées obtenues au prix du sang de tant de martyrs, ni tomber dans les pièges tendus par les américano-sionistes.
Dr Amin Hoteit
02/02/2017
Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca
Source : Al-Binaa (Liban)
http://www.al-binaa.com/archives/article/158165
Le Docteur Amin Hoteit est libanais, analyste politique, expert en stratégie militaire, et Général de brigade à la retraite.