L'avantage du Palais présidentiel est d'être "adossé à un fleuve", ainsi, "il n'y a qu'un seul front à défendre". "Avant que les rebelles n’arrivent à N’Djamena, nous étirons une ceinture d’une cinquantaine de chars du côté où la présidence n’est pas protégée par les eaux. Nous nous positionnons derrière les bataillons des soldats", explique Gadoullet, ex-agent français du Service Action de la DGSE.
Nicolas Sarkozy refuse d’engager les troupes français mais promet de fournir du renseignement, tandis que l’agent français est au centre opérationnel avec les officiers tchadiens. "Les informations françaises sont reçues, permettant de connaitre les positions rebelles au centimètre près, minute par minute. Ces données stratégiques sont transmises à l’Etat-major tchadien".
"Je suis le seul français dans la Présidence"
Les rebelles tchadiens disposent de "canons sans recul montés sur pick-up" pilonnant à l'artillerie la présidence, "sans jamais réussir à ouvrir une brèche dans la muraille de chars".
"Je suis le seul Français dans la présidence. J’ai passé trois jours avec la garde sous le feu ennemi, mais je suis vivant. Et Idriss Déby est aussi vivant que moi", clame l'agent de la DGSE.
"Nous encaissons des coups terribles pendant trois jours"
Les soldats qui se battent pour défendre le palais et l'agent français encaissent "des coups terribles pendant trois jours mais les rebelles ne gagnent pas un pouce de terrain".
Dû côté de l'ambassade de France et de l'armée française, tout le monde "croit que Déby est mort", tandis que "le réseau téléphonique tchadien a été coupé et le réseau camerounais est irrégulier". Le contact va être établi avec un "mobile chinois de très mauvaise qualité mais qui capte du réseau et permet de joindre la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure, renseignements français) en informant que Déby est vivant".
"Déby est mort lors de la bataille de N'Djamena" - « Bonjour, je vous passe Idriss Déby. »
A l'Elysée, en France, une réunion de crise puis un conseil de défense est organisée sur la situation tchadienne. Le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense expliquent au président de la République, Nicolas Sarkozy "qu’Idriss Déby est mort lors de la bataille de N’Djamena".
L'ambassadeur de France au Tchad et l'attaché de défense "s'empressent de confirmer", "sans chercher à contacter" l'agent français retranché au Palais.
A Paris, "ministres, hauts fonctionnaires et conseillers présidentiels s’affolent". Mais, Pierre Brochand, le directeur général de la sécurité extérieure, sourit doucement. « Idriss Déby n’est pas mort », glisse-t-il
- « Non, il n’est pas mort, lâche-t-il en attrapant son téléphone mobile. D’ailleurs, la preuve, parlez-lui ! »
- « Bonjour, je vous passe Idriss Déby. »
- À N’Djamena, Idriss Déby me rend le téléphone. J’ai Nicolas Sarkozy directement en ligne, je reconnais son élocution hachée : « Présentez-vous !... Bravo, vous avez fait un travail remarquable. » Le président de la République demande ensuite l'état de la situation sur place. "Je lui décris brièvement la violence des bombardements que nous avons essuyés pendant trois jours, je lui explique que nous nous préparons à effectuer un raid pour repousser définitivement les miliciens de Timan Erdimi à l’extérieur de la capitale". « Tenez-moi au courant, je serai à N’Djamena d’ici trois jours », conclut-il.
La contre-attaque, vingt-quatre heures plus tard, met fin à la bataille. "Elle est un succès, les rebelles sont en fuite et je fait mon rapport au général directeur de cabinet et à Pierre Brochand".
Le président français descend de l’avion, accompagné de sa nouvelle épouse Carla Bruni. Il est accueilli par Idriss Déby. Sarkozy demande à rencontrer l'agent français, lui serre "chaleureusement" la main et le félicite. Puis il prend Idriss Déby à témoin : « Voilà un homme courageux ! », il se tourne vers le chef d’état-major particulier de l’Élysée et claironne : « Vous voyez, cet officier-là mérite de passer général ! ». Il sera promu colonel pour faits d’armes.