Les « Fake News » du Département du Trésor US
Par Larissa Costas
Blog de Lasrissa Costas
Un communiqué de presse publié par le Département du Trésor des Etats Unis informe que le Bureau du Control des Actifs Etrangers accuse le Vice-président de la République Bolivarienne du Venezuela, Tareck El Aissami, d’être « conciliant » en matière de transport et trafic de drogue et cela depuis 2008. Ma première réaction à la lecture de ce communiqué a été de penser qu’il avait été écrit par un master troll de la CIA. Ne doit-on pas s’attendre à ce que ce genre d’accusation émane d’un service de renseignements et non d’un Bureau qui a en charge le Trésor Public des Etats Unis ?
Au cours du programme : « 15 y Ultimo » on s’est posé cette même question et voici la réponse :
« Jamais aucun des gouvernements des Etats Unis, depuis celui de George Washington et jusqu’à ce jour, n’a pris au sérieux cette fable de la neutralité des banques centrales et de la monnaie, même s’ils imposent l’idée au reste du monde » ; ils utilisent ces instances comme armes pour « tordre le bras » des nations.
« Au cœur de l’idéologie nord-américaine, les outils de coercition économique et financière sont tout autant sinon plus valables que les armes conventionnelles pour résoudre les conflits qui portent atteinte à leur hégémonie ». Nous parlons par conséquent de guerre financière.
La soit disant « association » de El Aissami avec des cartels de la drogue est bien plus éclairée par les projecteurs d’une mise en scène que par les lumières intellectuelles de ses inventeurs. Voyons les faits :
L’entrepreneur Samark Lopez a été accusé par le Département du Trésor d’agir en tant que prête-nom de El Aissami. CNN a fait référence à une source non identifiée du Département du Trésor pour expliquer ce que le communiqué de presse de la OFAC a laissé en suspens : l’entrepreneur censément, se chargeait d’ouvrir des comptes aux Etats Unis et de créer des sociétés écrans pour virer l’argent du vice-président El Aissami depuis les Etats Unis jusqu’en Europe. Samark Lopez a publié un communiqué qui n’a eu droit qu’à une couverture médiatique marginale. Nous en donnons les points essentiels :
- Monsieur Samark Lopez est un entrepreneur qui connait Tareck el Aissami depuis des années.
- Monsieur Samark Lopez n’est pas un fonctionnaire d’Etat et n’a pas été mêlé dans le trafic de stupéfiants. La publication de ce listing a toutes les apparences d’une manœuvre politique.
- Monsieur Samark Lopez exercera tous les recours légaux, administratifs et juridiques possibles.
Ironie du sort, ce même jour, un porte-parole du Kremlin demandait que l’on ne fît pas confiance aux sources non confirmées de CNN et du New York Times.
L’actuel Vice-président a été Ministre de l’Intérieur et de la Justice du Venezuela durant la législature de Hugo Chavez, de 2008 à 2012. Durant ces années où il a été en fonction, 102 caïds de la drogue ont été arrêtés et déférés aux tribunaux. Il a également coordonné l’extradition de 21 narcotrafiquants à la demande des Etats Unis.
Au cours de ces années – pas si lointaines – Washington adressa des communiqués de félicitations à El Aissami, communiqués dûment enregistrés dans les archives du Gouvernement du Venezuela. Parmi les câbles et courriers divulgués par Wikileaks et publiés par La Tabla :
« Un rapport, rédigé en 2010 par Roberta Jacobson, à l’époque, sous-secrétaire aux Affaires de l’Hémisphère du Département d’Etat des Etats Unis, recommandait de « ne pas féliciter » le gouvernement du Venezuela pour l’arrestation et l’extradition de chefs du narcotrafic colombien qui étaient requis par la justice des Etats Unis »
Ils accusent le vice-président El Aissami de liens avec le Cartel Los Zetas au Mexique. Ils signalent des « alliances » avec le narcotrafiquant colombo-vénézuélien Hermagoras Gonzalez Polanco et avec le caïd colombien Daniel Barrera Barrera par l’entremise de Walid Makled. Jugeons de la vraisemblance des faits classés par ordre chronologique :
Hermagoras Gonzalez Polanco était un leader du dénommé Cartel La Guajira en lien avec les Unités d’Autodéfense de Colombie. Il a été accusé d’avoir trafiqué 9 tonnes de cocaïne en collaboration avec Salomon Camacho Mora. Gonzalez Polanco a été arrêté lors d’une opération effectuée en 2008 sous la gestion de Ramon Rodriguez Chacin en tant que Ministre de l’Intérieur et de la Justice du Venezuela. Et pourtant, Camacho Mora a été arrêté 2 ans plus tard lorsque les organes de la sécurité d’Etat du Venezuela étaient sous l’autorité de Tareck El Aissami. Il a été extradé aux Etats Unis le 2 février 2010.
Gonzalez Polanco, de nationalité vénézuélienne, n’a pas été extradé. A l’issue de son procès, il a été condamné à 15 ans et 6 mois de réclusion. Son complice, aux Etats Unis, a écopé d’une peine moindre, soit 11 années de réclusion.
Depuis qu’il a fui du pays, en 2010, Walid Makled, alias « le Turc », faisait partie des délinquants les plus recherchés au niveau international. L’année suivante, Makled a été arrêté en Colombie et son extradition a été demandée par le Venezuela. Il a été jugé à Caracas et condamné pour blanchiment de capitaux, corruption et association de malfaiteurs.
En 2011, la police scientifique du Venezuela, dépendante du ministère dirigé par El Aissami, a arrêté Gloria Inès Rojas Valencia, une citoyenne colombienne qui opérait au nom du Cartel Los Zetas. Elle a été extradée aux Etats Unis ainsi que son conjoint également impliqué dans des faits délictueux sous le pseudo de El Negro Tello. Plus précisément : il était le second dans l’organisation criminelle dirigée par Daniel Barrera.
Daniel Barrera Barrera, alias El Loco (Le Fou), a été arrêté au Venezuela en septembre 2012, sous le ministère de Tareck El Aissami. L’opération fut pilotée par la Police Nationale de Colombie – depuis Washington – et avec l’aide des gouvernements du Venezuela et de la Grande Bretagne.
C’est l’occasion de répondre à d’autres sources de recyclage d’information qui dénoncent une « narco-polygamie » de El Aissami. Selon ses détracteurs, le Vice-président aurait l’intelligence de faire partie, simultanément, des cartels Sinaloa et Los Zetas. Ces deux organisations criminelles mexicaines sont ennemies, raison pour laquelle elle ne tolèrent pas une double appartenance de leurs membres sous peine de se faire massacrer.
Le troisième cartel avec lequel ils lient El Aissami est un mystère. Le Cartel Los Soles est l’appellation sous laquelle la presse a désigné les généraux de la Garde Nationale (GN) impliqués dans ce qui fut nommée l’Opération Nord, plus précisément les ex-chefs du commando antidrogue Ramon Guillén Davila et Orlando Hernandez Villegas. Tous deux ont été jugés pour trafic de drogue et ont bénéficié d’un non-lieu en 1993 accordé par Carlos Andrés Pérez alors président en titre. La mesure fut accordée avant le prononcé définitif de la sentence.
Bien que les médias ne soient pas avares d’information à ce sujet, Le Cartel Los Soles n’a été impliqué dans aucun trafic du moindre gramme de drogue pas plus qu’on n’a trouvé la moindre preuve d’implication de cette organisation dans aucune saisie de drogue et on ne lui a imputé le moindre meurtre. Nous avons le choix entre deux possibilités : ou bien c’est le cartel le plus inoffensif qui soit ou bien, tout simplement, ce cartel n’existe pas.
Peter Dale Scott, ex-diplomate canadien, a écrit un livre avec pour titre : « La Machine de guerre américaine : La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan ». Ce livre mentionne l’un des véritables chefs du Cartel Los Soles, Ramon Guillén Davila, ex-directeur d’une unité antidrogue créée par la CIA, au Venezuela, qui a été jugé, à Miami, inculpé d’avoir introduit une tonne de cocaïne aux Etats Unis.
On estime que l’ex-général Guillén Davila a fait passer frauduleusement plus de 22 tonnes de drogues aux Etats Unis. Les autorités des Etats Unis n’ont jamais demandé au Venezuela l’extradition de Guillén Davila, car il était un allié inconditionnel de la CIA. Il a été incarcéré, en 2007, accusé d’avoir organisé, avec son fils, un attentat contre le président Chavez.
Le Venezuela a expulsé la DEA, en 2005. Depuis, son efficacité dans la lutte contre le narcotrafic a augmenté de 60%. L’Organisation des Nations Unies situe le Venezuela parmi les six pays qui affichent la saisie de la plus importante quantité de stupéfiants. Le Venezuela est aussi classé comme pays libéré de cultures illicites. En 2012, le Venezuela a promulgué la Loi de Contrôle pour la Défense Intégrale de l’espace aérien, loi qui permet, – en plus de faire respecter la souveraineté du pays – l’interception, l’immobilisation et la dissuasion des aéronefs utilisés pour le trafic international de la drogue. Plus de 100 avions ont fait l’objet d’opérations de cette nature dans notre pays.
Les Etats Unis est un des pays du monde où la consommation de drogues est la plus importante. La drogue n’y entre pas et n’y circule pas par pure magie. Et pourtant, presque jamais – pour ne pas risquer un catégorique jamais – vous ne lirez qu’un caïd de la drogue a été arrêté aux Etats Unis.
En janvier 2014, une enquête du journal El Universal du Mexique a révélé la perle suivante : des agents de la DEA et des procureurs du Département de la Justice des Etats Unis ont eu des réunions secrètes avec des membres de certains cartels du narcotrafic pour obtenir des renseignements sur des organisations concurrentes et cela a entraîné une hausse de la violence dans le pays.
Selon cette enquête, avec l’aval du Gouvernement des Etats Unis, ces fonctionnaires ont négocié avec certains cartels comme par exemple le cartel Sinaloa. Les réunions avaient lieu dans le dos du Gouvernement du Mexique et elles ont « permis, avec des accords écrits, que les cartels continuent à opérer ».
La DEA aurait mené à bien de semblables opérations en Colombie, en Thaïlande, au Cambodge et en Afghanistan.
La CIA aussi a été éclaboussée par la contrebande de stupéfiants. On la tient pour précurseur de la production d’opium et de son trafic en Afghanistan. Des agents de la CIA, trafiquants de drogues, ont opéré depuis des pays latino-américains tels que le Nicaragua, le Mexique, Panama et le Venezuela. Précisons que cela s’est produit jusqu’à l’arrivée de Chavez au pouvoir.
Nombreuses sont les dénonciations de la CIA pour trafic de drogue dans son propre pays. A la fin des années 80, on a accusé la CIA de posséder une base aérienne secrète, réservée au trafic de drogue, dans l’Arkansas, et on a même accusé les présidents Bush père, Bush fils et Clinton de couvrir ces faits.
Il semblerait que la CIA et la DEA aient considéré le narcotrafic davantage comme un allié que comme un ennemi. Nous citons James Petras :
« Les enquêteurs du Congrès des Etats Unis, certains ex-banquiers et les experts bancaires internationaux sont tous d’accord pour dire que les banques des Etats Unis et d’Europe blanchissent annuellement entre cinq cents et mille milliards de dollars d’argent sale, et la moitié de cette somme correspond aux banquiers des Etats Unis…
Les flux additionnés d’argent blanchi et d’argent sale couvrent une bonne partie du déficit de la balance des paiements des Etats Unis. Sans l’argent sale, la balance du commerce extérieur serait totalement insoutenable, le niveau de vie s’effondrerait, le dollar perdrait sa valeur, le capital d’investissements et d’emprunts disponible fondrait et Washington serait incapable de soutenir son empire mondial ».
Un empire qui fonde son exceptionnalisme sur la propagande.
Pour bien remplir cette mission ils ne sont pas avares de fusions endogamiques : l’an dernier, Time Warner a fusionné avec AT&T pour constituer le troisième plus grand conglomérat médiatique et de télécommunications contrôlant un tiers de l’infrastructure d’internet, téléphonie, services satellitaires et de production de programmes de divertissement au monde. Nous nous reportons à Mision Verdad :
« Le conseil d’administration de Time Warner/AT&T est composé d’individus en relation avec le FMI, les fondations de l’oligarchie Rockefeller, des think-tanks payées par Exxon Mobil (comme le Conseil pour les Relations Extérieures), le fonds d’investissements de l’oligarchie Warburg (Warburg Pincus) et la société d’armement, AMR Corporation, outre Goldman Sachs et J.P. Morgan en tant qu’actionnaires principaux, selon une note de Global Research. La crème du 1% le plus riche des plus riches de la planète ».
C’est-à-dire qu’un puissant secteur de la FED, détenteur d’une influence décisive sur le Département du Trésor, est le propriétaire de CNN. La liberté d’expression n’existe pas.
CNN en espagnol a diffusé, ce dernier mois de février, ce qu’ils appellent un travail d’enquête. Pour ce faire, ils ont eu recours à un homme qui avait fait partie du service extérieur du Venezuela, Misael Lopez, lequel, en novembre 2015, avait posté un message sur les réseaux sociaux dans lequel il affirmait qu’à l’ambassade d’Irak on avait vendu des passeports à des citoyens du Moyen–Orient.
CNN se vantait d’avoir trouvé un témoin phare lequel varia dans son propre témoignage. Dans une première version, Lopez affirme détenir des preuves d’un passeport censément vendu à un militant du Hezbollah. Sur CNN ils ont parlé de 173 passeports remis à des militants de ce mouvement. Jamais ils n’ont montré des preuves solides. Selon la première version, l’ambassadeur méprisa son accusation. Pour la production avide de dollars de CNN, l’ambassadeur non seulement était complice, mais également un des bénéficiaires du trafic.
En dépit du fait que l’ambassadeur adressa à la chaine un communiqué dans lequel il niait avoir vendu des visas, la mention de ce fait fut traitée par-dessous la jambe dans la fable fabriquée à Atlanta.
CNN a lamentablement échoué à l’examen de journalisme d’investigation. Misael Lopez, en effet, avait été un policier affecté au service extérieur de l’ambassade du Venezuela à Bagdad. Il fabriqua un passeport vénézuélien : il apposa sa photo et les estampilles de l’Ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela dans ce pays. Sa mission ? Retirer l’argent de la délégation diplomatique du compte ouvert à la Caire Amman Bank.
Rafael Romo, après la présentation du dernier épisode de son « Passeports de l’Ombre » a déclaré :
« Nous avons parlé avec des experts qui affirment qu’en effet, ISIS, par exemple, a établi des réseaux en charge de voler des documents ; ils modifient ensuite les éléments biométriques sur les passeports et les visas et ils peuvent alors passer de pays en pays sur leur route pour semer la terreur. Le point commun avec le Venezuela, selon ces spécialistes, c’est qu’on retrouve le facteur idéologique : une idéologie hostile, comme vous savez, à l’égard des Etats Unis ».
Cela fait des années qu’ils essayent de trouver des liens entre Tareck El Aissami et le Hezbollah, Daesh et Al Qaeda. Tous ces groupes s’opposent entre eux.
Hezbollah est un mouvement populaire armé qui a surgi au Liban, en 1982, pour faire face à l’invasion israélienne. Par la suite il a affronté des groupes terroristes comme Al Qaeda et l’Etat Islamique. De nombreux pays, spécialement des pays arabes, voient en lui un mouvement de résistance légitime.
A propos de Al Qaeda, il nous faut nous souvenir que Hillary Clinton elle-même a reconnu publiquement, à plusieurs reprises, que c’est une création des Etats Unis. Il en est de même avec Daesh. Fouillons l’histoire récente, lorsque le sénateur John Mc Cain a fait une visite secrète en Syrie et s’est réuni avec pas moins que Abu Bakr al-Baghdadi, un mois après la création du mal nommé Etat Islamique. Le sénateur a déclaré à la télévision qu’en effet il les connaissait et les soutenait.
Pendant que ces gens-là misent encore et encore sur la haine et la violence nous misons, nous, sur l’amour et l’espoir.
Source : Blog de Larissa Costas