Les images révélées qui ont été obtenues par une chaîne de télévision de l’opposition et auraient été filmées dans le Sinaï semblent montrer des soldats qui exécutent des prisonniers d’une balle dans la tête
Une chaîne d’information de l’opposition égyptienne a diffusé une vidéo qui montrerait des soldats égyptiens exécutant des prisonniers dans la région du Sinaï.
Mekameleen TV, qui a diffusé les images jeudi soir, a indiqué que cette vidéo avait été tournée en décembre 2016 dans le Sinaï.
Au moins deux personnes semblent être abattues dans cette vidéo de deux minutes et d’autres corps peuvent être aperçus au sol.
Les forces de sécurité égyptiennes sont déjà confrontées à des accusations de meurtres extrajudiciaires dans le nord du Sinaï, où ils combattent des militants affiliés au groupe État islamique (EI) depuis 2013.
Des centaines de personnes, y compris de nombreux membres des forces de sécurité et des civils, ont été tuées dans les combats.
À LIRE : La tragédie du Sinaï : entre répression brutale et insurrection armée
Le mois dernier, Human Rights Watch a déclaré qu’entre quatre et dix personnes auraient été arbitrairement détenues et tuées en janvier 2017, les forces de sécurité organisant un raid antiterroriste pour couvrir les meurtres.
La vidéo de Mekameleen montre des hommes les yeux bandés être sortis de véhicules militaires par des soldats en uniforme. Deux hommes sont alors contraints de s’agenouiller avant d’être abattus de plusieurs balles.
On voit également un caméraman prendre des images d’un corps. Un soldat semble alors retirer un pistolet près du corps lorsque le caméraman arrête de filmer.
Dans la vidéo, les victimes semblent se voir retirer leur bandeau avant d’être abattues. On entend un soldat répéter « pas seulement la tête » tandis qu’un autre tire sur l’une des victimes.
La vidéo montre également une publication sur Facebook qui semble montrer une image de l’une des victimes avec un pistolet à côté de son bras, postée sur une page officielle de l’armée.
La vidéo montre un jeune homme visiblement ébranlé interrogé par les soldats et tiré par les cheveux.
Les soldats lui demandent s’il appartient à la famille Abu Sanana, il répond : « Non, je le jure devant Dieu, je suis d’al-Awabadah ».
Ils lui demandent où réside son grand-père et le traînent sur le côté, le jettent au sol et lui retirent son bandeau.
Un des soldats lui tire dans la tête. Un deuxième soldat tire alors sur le corps au sol.
La vidéo se termine par un communiqué publié par l’armée égyptienne après les fusillades dans lesquelles elle prétendait avoir neutralisé huit « terroristes takfiri ».
Middle East Eye n’est pas en mesure de vérifier les images de manière indépendante, les journalistes et les groupes de défense des droits de l’homme se voient refuser l’accès au Sinaï par le gouvernement égyptien.
Le site pro-gouvernemental Youm7 a affirmé que la vidéo était montée de toutes pièces et a accusé les Frères musulmans, organisation interdite en Égypte. L’armée égyptienne n’a pas commenté ces images.
Les inquiétudes soulevées par ces images font écho à celles mises en évidence par HRW par rapport à un incident sur lequel l’organisation a enquêté en janvier.
Dans un rapport sur cet incident, l’organisation basée aux États-Unis a remis en question l’exactitude d’une déclaration publiée par le ministère égyptien de l’Intérieur le 13 janvier, qui alléguait que dix combattants de l’EI avaient été tués lors d’un raid des forces de sécurité.
HRW a déclaré que les experts militaires et judiciaires qu’il avait consultés doutaient de l’authenticité des séquences vidéo du raid présumé.
Des proches de deux hommes décédés qui avaient vu leur corps à la morgue ont déclaré à HRW que tous deux semblaient avoir été tués par une balle dans la tête.
« Ces meurtres extrajudiciaires présumés révèlent l’impunité totale des forces de sécurité égyptiennes dans la péninsule du Sinaï dans le cadre des politiques antiterroristes du président Abdel Fattah al-Sissi », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW.
« Le procureur doit mener une enquête exhaustive et transparente pour faire toute la lumière sur ce qui semble être de graves abus. »
Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW, a déclaré au New York Times que l’organisation examinait la dernière vidéo.
« Nous n’avons pas encore vérifié la vidéo, nous travaillons dessus », a déclaré Whitson. « Cela correspond néanmoins étroitement à nos conclusions concernant d’autres exécutions sommaires au Sinaï et au Caire. »
La diffusion de la vidéo est survenue le jour même où le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, annonçait que Washington s’était engagé à un « partenariat de sécurité renouvelé et fort » avec l’Égypte après des entretiens avec Sissi et le ministre de la Défense Sedki Sobhi au Caire.
Mattis, s’exprimant après son arrivée en Israël, a déclaré que Sobhi et lui avaient discuté des « efforts pour lutter contre le terrorisme et sécuriser les frontières dans cet environnement sécuritaire très complexe », ajoutant : « Vous avez vu les menaces contre l’Égypte ».
« J’ai quitté le Caire très confiant dans les pistes dont nous disposons pour faire avancer notre relation militaire, laquelle a été un socle et qui n’a pas vacillé toutes ces années », a déclaré Mattis.
L’Égypte a été récemment ébranlée par un certain nombre d’attentats de l’EI, Sissi décrétant un état d’urgence de trois mois après qu’au moins 40 personnes ont été tuées dans deux attentats dans des églises, ciblant la minorité copte égyptienne à Alexandrie et Tanta le dimanche des Rameaux.
L’armée égyptienne a annoncé jeudi que 19 combattants de l’EI, dont trois chefs locaux du groupe, avaient été tués lors d’attaques aériennes.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.