Le 4 avril, sur la foi des déclarations du très controversé Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres et des photographies diffusées par les Casques blancs toujours présents du côté des terroristes en Syrie, la communauté internationale accuse d’une seule voix le régime syrien d’avoir utilisé des armes chimiques contre des civils, commettant ainsi un crime de guerre impardonnable. Qui doit donc obliger la Russie à réviser son soutien à Assad et rejoindre le camp du « Bien ». Amen. Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples …
La province d’Idlib est très largement contrôlée par l’Armée syrienne libre et le Front Al Nosra. C’est certainement pour cela, que l’on y retrouve les
Casques blancs, ceux-là mêmes qui diffusaient depuis Alep pour « alerter la communauté internationale » et dont l’on n’a pas retrouvé la trace lors de la libération de la ville, mais qui sont absents à Mossoul. L’on retrouve aussi, l’incontournable Observatoire syrien des droits de l’homme basé à Londres, Observatoire rappelons-le composé … d’une personne. Le schéma politico-médiatique utilisé ici est semblable à celui utilisé pour Alep et la soi-disant attaque chimique de Ghouta dont le régime syrien avait été immédiatement accusé avant qu’une enquête ne le démente.
L’agence d’information
Reuters, sur la base des « informations » ou plutôt déclarations, de ce fameux Observatoire londonien lance l’opération. Près d’une centaine de morts et des dizaines de blessés, dont les symptômes sont ceux d’une intoxication, les coupables sont immédiatement désignés dans les
médias:
L’observatoire, basé en Grande-Bretagne n’était pas en mesure non plus de dire si les raids étaient le fait d’avions de l’armée syrienne ou de ceux de la Russie, allié du régime.
L’OSDH a indiqué que des sources médicales dans la ville avaient fait état d’évanouissements, de vomissements et de présence de mousse dans la bouche des victimes. Des photos de militants montrent les volontaires des Casques Blancs, les secouristes en zone rebelle, aider des blessés en les aspergeant d’eau avec des tuyaux d’arrosage.
L’alternative est simple: Moscou ou Damas. La source est également très spéciale: Casques blancs ou OSDH. La pression continue à monter dans la presse qui publie les « mises à jour » de ce fameux Observatoire londonien et de ces étranges Caques blancs, chacun se précipite pour condamner ce qu’il est convenu d’appeler un crime de guerre, puisque, en effet, le recours aux armes chimiques est
interdit:
Donald Trump a évoqué « les petits enfants et même de beaux petits bébés » qui ont péri. « Leur mort fut un affront à l’humanité. Ces actes odieux par le régime d’Assad ne peuvent pas être tolérés » (…). Le président français François Hollande a réclamé « une réaction de la communauté internationale à la hauteur de ce crime de guerre ». Pour le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson, « toutes les preuves (…) laissent penser que le régime d’Assad » a utilisé « des armes illégales en toute connaissance de cause ».
La Russie déclare n’avoir effectué aucun vol dans la région et avance une autre
explication: l’armée syrienne a bombardé un entrepôts d’armes entre les mains des terroristes et il se trouve que ces terroristes « modérés » possédaient des armes chimiques. Ce qui ne dérange manifestement nullement la communauté internationale.
«D’après les données du contrôle russe de l’espace aérien en Syrie, le 4 avril de 11h30 à 12h30 [heure locale], l’aviation syrienne a frappé un entrepôt d’armes chimiques et d’équipement militaire des terroristes, situé dans l’est du village rebelle de Khan Cheikhoun», a déclaré le porte-parole de la Défense russe, Igor Konachenkov.
«Dans cet entrepôt se trouvaient des ateliers pour la production de bombes chargées d’explosifs toxiques. Depuis ce grand atelier, les terroristes envoyaient des munitions contenant des substances chimiques en Irak. Leur utilisation a été prouvée maintes fois par les organisations internationales, ainsi que par les autorités irakiennes», a-t-il poursuivi. Ces mêmes munitions chimiques avaient été utilisées par des rebelles lors de l’attaque chimique d’Alep en 2016, a fait savoir le porte-parole de la Défense russe, qui avait participé à l’enquête de l’année dernière.
Si tel est le cas, une question se pose: pourquoi les Etats Unis et leur coalition, qui soutiennent les opposants au régime d’Assad, n’arrivent-ils pas à garantir la destruction des armes chimiques par les terroristes comme ils s’y étaient engagés? Puisque cette zone ressort de leur responsabilité – étant hors de contrôle du régime syrien.
Rappelons qu’à ce jour, aucune donnée objective n’existe, puisqu’aucune enquête sérieuse n’a été encore faite, les photos des Casques blancs, habitués par ailleurs à la mise en scène, sont toutefois suffisantes pour les membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Notamment la France, la Grande Bretagne et les Etats Unis qui accusent Assad et la Russie en brandissant des photos. Il est vrai que le Conseil de sécurité de l’ONU a de fortes traditions en la matière. Ici, Nikki Haley remplace avantageusement Colin Powell.
La machine est lancée et s’alimente elle-même. Reuters publie sur la responsabilité d’Assad, rappelant en passant très vite que la zone est sous contrôle de Al Nusra. Nous sommes donc bien loin de l’opposition « modérée », tant appréciée sous nos cieux oublieux, mais bien face à une organisation terroriste. Le New York Times, alimente les complies avec un article sur toutes les horreurs attribuées au régime d’Assad. Même lorsqu’elles furent démenties, le quotidien oublie les mises à jour. Tout le monde peut avoir des oublis … L’essentiel est ici:
In six years of war, President Bashar al-Assad of Syria has overseen a campaign of carnage, turning an enormous cache of deadly weapons against the very people they were presumably stockpiled to protect.
In a campaign to crush rebels and jihadists, Mr. Assad and his allies have relied on tactics that go far beyond the norms of modern warfare to kill many thousands of Syrians.
La messe est dite: Assad est coupable et … la Russie doit choisir son camp. Elle ne peut plus, comme l’affirme le Secrétaire d’Etat américain, continuer à soutenir Assad.
Ainsi apparaît le double résultat de cette « attaque chimique »: éloigner la Russie d’Assad et sinon l’éloigner le Trump.
Dans tous les cas, la situation est difficile. La Russie a manifestement, vus les communiqués de presse, fait le choix rationnel de l’observation objective partant de cette question de bon sens: à qui profite le crime? Certainement pas à Assad.
D’ailleurs, certains membres du Congrès américains ont, eux aussi, des doutes. Thomas Massie déclare ainsi à
CNN qu’il ne pense pas qu’Assad ait volontairement lancé une attaque chimique:
« Frankly, I don’t think Assad would have done that, » Massie said. « It does not serve his interests. »
Cela est d’autant plus vrai que
Tillerson rejoignait la position russe quant à l’avenir d’Assad, dont le départ n’était plus exigé. Trump voulait renforcer la coopération avec la Russie sur la crise syrienne. Maintenant, la situation a radicalement changé: Assad est un monstre que la communauté internationale ne peut accepter en son sein et la Russie doit en prendre acte. Trump, a déjà déclaré qu’il ne partagera pas avec la Russie ses plans militaires concernant la Syrie.
S’il y a vraiment un clan qui n’a rien à y gagner, c’est bien celui de la Syrie et de la Russie. Nous pourrions peut être en tirer les conclusions avant de se mettre à hurler avec les loups. La même opération médiatique avait été lancée avec l’attaque chimique de Ghouta en 2013, qui devait conduire à une intervention militaire au sol contre Assad. Comme en Irak. Comme ailleurs. L’intervention de la Russie a permis de préserver la Syrie d’une telle guerre. Surtout que finalement cette attaque n’a pu être imputée à Assad après
enquête. Cette « attaque » d’Idlib tombe à pic.
Karine Bechet-Golovko