Ce 28 mai, plus de 100 000 personnes se sont retrouvées sur la plage de Copacabana, à Rio de Janeiro, pour demander la démission du président intérimaire Michel Temer et de nouvelles élections directes (Diretas já !). Des figures phares de la musique populaire brésilienne comme Caetano Veloso, Milton Nascimento, Mart’nalia, le rappeur Mano Brown ou encore des jeunes musiciens comme Maria Gadu et Criolo, y ont donné un concert engagé - une allusion claire au mouvement de la fin de la dictature militaire des années 1980.
Le 24 mai, des manifestations similaires se sont déroulées à Brasília, rassemblant 150 000 personnes, malgré une répression brutale qui a fait une cinquantaine de blessés. Le président Temer a même édicté un décret spécial pour que l’armée se déploie pour protéger les ministères. Ce même jour, la police militaire brésilienne a tué dix personnes dans l’État du Para, au nord du Brésil, lors d’une opération d’expulsion des travailleurs sans terre. Ce drame rappelle le massacre d’Eldorado dos Carajàs en 1996, quand 19 paysans sans terre ont été assassinés par la police lors d’une manifestation.
Le mouvement pour des élections directes s’étend
Ces nouvelles manifestations font suite aux révélations impliquant directement le président tentant « d’acheter le silence » de l’ancien député Eduardo Cunha, aujourd’hui en prison. Cette proximité avec l’ancien président de la Chambre de députés et acteur central de la destitution de Dilma Rousseff a rendu la position de Michel Temer et de son gouvernement intenable (lire notre précédent article).
Le mouvement dépasse les frontières brésiliennes. À l’instar des rassemblements organisés à Londres, Dublin, Amsterdam, Bruxelles ou encore Lisbonne, le collectif Alerte France Brésil – soutenu par des associations comme Autres Brésils, France Amérique Latine, Les Amis du Mouvement Sans Terre – a organisé un rassemblement le 25 mai à Paris pour exiger le départ du président brésilien, demander la suppression des politiques d’austérité entreprises depuis la destitution de la présidente Dilma Rousseff, ainsi que des élections générales directes.
Devant la Fontaine des Innocents à Châtelet, plus d’une centaine des participants se sont regroupés avec des pancartes et des messages de solidarité. Certains souhaitent le retour de Dilma Rousseff, préférable selon eux à de nouvelles élections. « Le moment exige plutôt le renforcement de la mobilisation pour l’annulation par le Tribunal fédéral suprême brésilien de la procédure de destitution illégitime dont a été victime la présidente Dilma Roussef. Dans l’actuel contexte troublé, de nouvelles élections pourraient porter à la présidence du pays une figure encore plus néfaste que Michel Temer et légitimer par les urnes le processus putschiste », pense Rebecca Lang Rosy, venue en solidarité.
Intensification des violences policières
Les manifestants dénoncent également la situation dramatique vécue par les minorités brésiliennes : assassinats et incarcération en masse des populations noires, répression des peuples autochtones, ou encore revendications en faveur des droits et conditions de vie des femmes et des LGBT. Selon Fred Lira, doctorant en Philosophie à l’université de Lille 3, les violences policières, déjà tragiquement hautes – les forces d’ordre sont responsables de plus de 3000 morts par an – n’ont fait que s’intensifier depuis le coup d’État institutionnel.
Coté brésilien, des mouvements comme les Mães de Maio (Mères de mai, en référence aux assassinats de leurs enfants commis par la police militaire dans l’État de São Paulo en mai 2006) ne cessent de dénoncer l’action violente des forces d’ordre brésiliennes envers des populations pauvres et noires en montrant le lien entre crise de la démocratie représentative brésilienne et la violence systémique de l’État brésilien.
« L’unique sortie de cette crise doit passer par des élections directes pour élire un nouveau président pour le pays », estime Iuri-Lira Cunha, membre du collectif Alerte France Brésil. Pour ce franco-brésilien, le nécessaire départ de Michel Temer doit être suivi par une politique émanant de la volonté populaire et « non des élections indirectes faites par des élus souvent suspectés de corruption dans la Chambre des députés ou un quelconque ’’accord par le haut’’ comme le veulent les élites brésiliennes ».