« Ici le roi Salomon a construit le Premier Temple, » c’est ainsi que le premier ministre Benjamin Netanyahou a ouvert la réunion du 28 mai, éludant le fait qu’il n’y a aucune preuve que le roi Salomon ait jamais existé si ce n’est dans le récit biblique.

Brouillant les lignes entre mythe et histoire, l’idéologie sioniste et l’état d’Israël fondé sur cette idéologie traitent l’Ancien Testament comme s’il s’agissait d’un livre d’histoire. Ils ont fabriqué des arguments pour légitimer la dépossession des Palestiniens reposant sur le postulat que les juifs d’aujourd’hui sont les descendants d’une ancienne tribu qui vivait en Palestine il y a des milliers d’années.

Le mouvement «religieux national » en Israël est composé de juifs orthodoxes à l’allure ordinaire, aux fortes croyances messianiques et à l’idéologie profondément raciste. Ces personnes ne se sont quasiment pas manifestées jusqu’en 1967. Puis, lorsque Israël a achevé l’occupation de la Palestine et s’est emparé de la Cisjordanie, Jérusalem-Est y compris, et de la Bande de Gaza ils sont devenus actifs.

Aujourd’hui, ils sont le fer de lance de la colonisation en Cisjordanie, créant des faits sur le terrain et construisant des « avant-postes illégaux » qui se transforment rapidement en colonies. Ils se rendent dans des centres de populations palestiniennes pour terroriser les habitants et se consacrent pleinement à l’expansion de la présence juive à Jérusalem.

Ils sont particulièrement très actifs dans l’appropriation de biens immobiliers dans et autour de la vieille ville de Jérusalem utilisant la menace, la brutalité et le harcèlement envers la population palestinienne autochtone de la ville.

La Journée de Jérusalem, célébrée cette année le 24 mai, est l’occasion pour ce mouvement de montrer ses muscles. Cette année, les médias israéliens ont eu tendance à décrire la terreur et le harcèlement des résidents palestiniens par les colons célébrant la Journée de Jérusalem comme des incidents isolés, mais le fait est que toute cette journée et ses festivités sont conçues pour déstabiliser la vie palestinienne dans la ville.

Pas un seul autre événement ne symbolise mieux ceci que l’infâme « Parade du drapeau » où des milliers de jeunes membres de groupes religieux-nationalistes fanatiques les plus violents se rassemblent dans la vieille ville brandissant le drapeau israélien.

 

Dans le chaudron

Le défilé de cette année devait démarrer à 17h. Je suis arrivé un peu après midi, entrant dans la vieille ville par la Porte de Damas.

Je me suis dirigé vers le mur occidental, et déjà les commerçants se précipitaient pour fermer leurs magasins tandis que de jeunes Israéliens – jeunes hommes en blue-jeans, chemises blanches, portant une grande kippa tricotée caractéristique, et jeunes filles en longue jupe de jeans et chemisier blanc – défilaient à travers les rues de la vieille ville, dansant et chantant la venue du messie et la reconstruction du temple « bientôt et de nos jours. »

La queue pour passer sous le portique détecteur de métaux menant à la place du mur occidental – qui avait été créée en 1967, tout de suite après que la ville fut tombée aux mains des Israéliens quand l’armée a détruit le vieux quartier marocain et démoli plus de 130 maisons – était déjà longue.

Je me joignais à de vieux juifs américains portant les mêmes t-shirts et chapeaux portant les inscriptions « juifs pour un Israël Sûr, » et de jeunes colons portant une grande kippa et de longues papillotes.

A partir du Mur occidental j’ai descendu la colline et je suis sorti par Bab al-Magharba – Porte des Maghrébins, nommée d’après la communauté qui vivait là, mais qui est maintenant curieusement nommée « Porte des Immondices » en Hébreu – et je suis descendu vers Silwan.

Je suis passé à côté d’un autre exemple criant de la mythologie sioniste qui détruit la vie palestinienne, le soi-disant parc archéologique de la « cité de David », gigantesque parc à thème construit sur les ruines de maisons palestiniennes volées et dédié à un roi biblique dont l’existence n’a jamais été prouvée.

Mon objectif était de me rendre au Centre d’information Wadi Hilweh pour prendre de leurs nouvelles et savoir ce qu’ils pensaient que cette journée réservait à cette communauté de 55000 Palestiniens.

Au centre, il y avait un certain nombre de jeunes Palestiniens, certains travaillant sur des ordinateurs, d’autres assis à discuter. Je suis allé voir le directeur, Jawad Siyam dans le bureau.

« Une fois les festivités terminées les jeunes Israéliens viennent et se mettent à lancer des pierres, à tambouriner sur la porte des gens et à terroriser les résidents, » m’a-t-il dit.

 

Sécurité pour les colons

M. Siyan m’a dit qu’il allait bientôt aller à la Porte de Damas où il s’attendait à ce que ceux qui défilaient, ainsi que la police assurant la sécurité de l’événement harcèlent les populations palestiniennes locales et que des affrontements étaient susceptibles d’éclater.

Je lui ai dit que je le retrouverai là-bas et je suis parti. Les rues de la ville et ses ruelles étaient alors remplies de groupes importants de jeunes juifs venus célébrer. Aucun magasin palestinien n’était ouvert.

Sur la place à l’extérieur de la porte, des journalistes étaient assemblés tandis que des forces de sécurité israéliennes avaient déjà pris position sur le terre-plein central de la route principale.

Je ne savais pas trop où me mettre, du côté juif ou du côté palestinien, et finalement je me retrouvais du côté de la rue où une douzaine environ de Palestiniens s’étaient rassemblés, principalement des ados qui scandaient « Libérer la Palestine » et chantaient des chansons de libération.

De ce côté de la rue je pouvais voir le nombre imposant de forces de sécurité qui avaient été mobilisées. Il y avait la police régulière, la police des frontières, et Yasam – unité de la police israélienne particulièrement impitoyable, voyous en uniforme utilisés lors « d’émeutes. » Il y avait des officiers Yasam montés sur d’énormes chevaux et des policiers « anti-terroristes » à moto.

En plus de cela, on peut être sûr qu’il y avait d’innombrables agents de la police secrète en civil qui rodaient dans les parages. Il devait y en avoir au moins un millier en service, tous bien armés, tous face à une poignée de jeunes Palestiniens non armés.

La journée de Jérusalem est principalement célébrée par les nationalistes religieux – des colons- qui sont, aujourd’hui, considérés comme le groupe le plus influent au sein de la société israélienne. Ils sont derrière bon nombre de menaces et d’une bonne partie des dépossessions et du nettoyage ethnique qui sont le pain quotidien des Palestiniens.

La journée de Jérusalem est la journée où ils ont l’occasion de fêter leur triomphe.

Miko Peled | 31 mai 2017 – The Electronic Intifada

Miko Peled est l’auteur de The General’s Son: Journey of an Israeli in Palestine. (Le fils du général : Voyage d’un Israélien en Palestine)