La seule chose qui empêche les Occidentaux de percer à jour les mensonges qu’on leur a raconté sur la Syrie est leur foi dans les bonnes intentions de leur gouvernement. Ils n’ont aucun mal à croire qu’un étranger issu d’un pays majoritairement musulman puisse utiliser sans raison des armes chimiques sur des enfants au moment stratégiquement le plus désastreux pour lui, ou bombarder ses propres civils sans autre motif que, peut-être, du sadisme. Mais la possibilité selon laquelle leur gouvernement invente ces choses pour obtenir un consentement de masse à leur volonté de changement de régime est exclue, avant même l’amorce de toute analyse critique de la situation.

Bien que l’invasion impardonnable de l’Irak n’ait eu lieu qu’il y a quatorze ans, et qu’elle ait été vendue sur la base de mensonges et d’une propagande médiatique de masse, la majorité des gens se refusent à envisager que cela soit en train de se reproduire quasiment à l’identique. Ils refusent de le voir à cause de ce que cela signifierait pour leur vision du monde, leur image, et l’intégralité du système qu’ils ont développé pour examiner et interpréter leur expérience de vie.

La journaliste indépendante Vanessa Beeley a émergé de son dernier voyage en Syrie transformée, brûlant d’un nouveau type de passion. Il y a quelque chose dans sa voix et sa posture qui dénote une nouvelle autorité, une assurance qu’elle en a vu assez et amassé assez de preuves pour voir l’image mise à nu, complète du monstre de tromperie qu’elle combat.

Dans sa dernière et phénoménale interview sur The Sane Progressive [NdT : en anglais], Beeley décrypte la fiction qu’on nous a servie, de détails qui démontrent que les « Casques Blancs » ne sont rien d’autre que des membres d’al-Qaïda avec des couvre-chefs spéciaux, jusqu’à une analyse des façons dont les ONG sont employées par des fondations gouvernementales et des ploutocrates pour monter des « narratives » de propagande, et à une démonstration de la dynamique générale qui a donné naissance à ces méprisables manipulations.

 

Les déclarations de Beeley sur les Casques Blancs (dont, malgré leur omniprésence dans les médias occidentaux, personne à Alep-Est n’avait entendu parler pendant son séjour là-bas l’année dernière) ont aujourd’hui été corroborées par le journaliste primé John Pilger, qui les a appelés « une construction complète de propagande » dans une interview récente (en anglais).

 

Je suis à bout de patience avec les gens qui s’engagent dans des conversations sur l’administration actuelle syrienne en admettant l’existence de mensonges occidentaux et de propagande sur la Syrie, mais qui soutiennent quand même qu’Assad est un dictateur maléfique à destituer d’une façon ou d’une autre. [1]

Cette perspective est incroyablement commune sur les réseaux sociaux, même parmi les gens relativement éveillés et attentifs à ce qui se passe ; ils pensent qu’admettre l’emploi récurrent de mensonges, de propagande et de fausses bannières par les puissances dirigeantes pour convaincre les populations de la nécessité d’actes de guerre dévastateurs, mais dire simultanément qu’Assad est horrible et mauvais est une position modérée et raisonnée.

Il y a une croyance étrange, et tenue pour acquise, selon laquelle la position la plus honnête à adopter, quand deux narratives s’opposent, consiste à se tenir au centre. C’est un défaut de logique ; c’est le résultat d’une pensée fallacieuse. Le point central entre deux positions opposées ne reflète pas toujours la vérité ; lors des débats sur l’esclavage, la position correcte entre « l’esclavage est merveilleux » et « l’esclavage est maléfique » n’était pas « l’esclavage est parfois bon ». La position correcte entre « tuez tous les juifs » et « ne tuez pas les juifs », n’était pas « tuez quelques juifs ». La position correcte entre « Nos leaders nous mentent sur la Syrie pour gagner notre consentement à une invasion destinée à opérer un changement de régime » et « Assad est un dictateur maléfique qui doit être destitué » n’est pas « les deux sont vrais, c’est compliqué ».

En réalité, nous ne pouvons en aucune façon juger de la valeur d’Assad en tant que président. Il y a trop d’informations contradictoires, trop d’écrans de fumée, trop de propagande et de mensonges délibérés qui obscurcissent notre vision pour que nous puissions avoir une idée claire de la dynamique complète d’un gouvernement entier. Aucune personne raisonnable et cohérente ne peut dire en toute conscience qu’Assad soit un dictateur maléfique. Nous n’avons aucun moyen de le savoir.

Ce que nous pouvons savoir avec une absolue certitude est que les gouvernements occidentaux et les machines de propagande de masse des médias qui préservent leurs intérêts oligarchiques nous mentent sur la Syrie. Les montagnes de preuves qui sortent en ce moment contre les Casques Blancs, le fait qu’Amnesty International soit l’organisation même qui avait vendu aux masses le faux témoignage de Nayirah utilisé pour entraîner une adhésion de masse à la Guerre du Golfe, le fait que CNN ait récemment mis en scène la fausse interview d’une fillette de sept ans qui ne parle pas anglais, lisant de la propagande anti-Assad à un auditoire de naïfs ; il y en a assez pour savoir, sans l’ombre d’un doute, que les puissances dirigeantes mêmes qui nous avaient menti sur l’Irak nous mentent aujourd’hui sur sa voisine, la Syrie.

La seule question qui reste est de savoir qui d’entre nous a l’intégrité émotionnelle et intellectuelle suffisante pour se confronter à cette réalité.

Nous savons aussi qu’Assad n’est ni stupide, ni fou. Il suffit d’écouter une de ses interviews pour s’en convaincre. Ce n’est pas le malade mental écumant dont nous sommes censés croire qu’il a lancé une attaque au gaz sarin contre son propre peuple, sans aucune raison et au moment le moins opportun possible. Ce n’est pas non plus la brute inepte en stratégie qui gazerait des enfants juste pour terroriser ses citoyens, comme le soutiennent les médias vendus. Il a d’ailleurs dit qu’il ne ferait jamais une chose pareille. [2]

Comme l’a dit l’intervieweuse Debbie Lusignan à Beeley,

« Même si les gens peinent à cause du bombardement de désinformation qu’ils subissent et qu’il est très difficile de démêler le vrai du faux, et que les médias alternatifs manquent de visibilité et sont censurés, le sens commun de base dit que ces mêmes plate-formes médiatiques et ces mêmes politiciens sont ceux qui nous avaient menti [sur l’Irak et la Libye, ndlr]. Nous découvrons toujours après que tout était basé sur de la désinformation et des manipulations, » a dit Debbie. « De sorte qu’au stade où nous en sommes, les Américains eux-mêmes doivent prendre leurs responsabilités en comprenant que nous avons une histoire de statu quo dans la façon dont les USA justifient et lancent des guerres d’agression ».

« Notre point de départ devrait être – ils vont nous mentir. Et nous devrions exiger des preuves formelles, irréfutables, de tout ce qu’ils avancent. »

Est-il possible qu’il y ait une élite dirigeante au pouvoir, dans notre pays, qui soit assez maléfique pour organiser la mort d’enfants dans un attentat sous fausse bannière juste pour obtenir l’adhésion de la population au changement de régime qu’elle recherche depuis des décennies ? C’est inconfortable de l’imaginer.

Il est beaucoup plus facile de penser qu’un dictateur fou étranger lance des armes chimiques et des bombes-barils sur des civils, et que les Gentils doivent l’éliminer. Il est beaucoup plus difficile de faire le rigoureux travail intellectuel et émotionnel nécessaire pour s’évader du lavage de cerveau institutionnalisé décrit par Vanessa Beeley dans son article « Gaslight : manipulation mentale d’État et perversion narcissique » et de faire les recherches nécessaires à l’obtention d’une image claire de la situation. Mais chacun de nous a indéniablement la capacité de faire ce choix, ici et maintenant, pendant que vous finissez cet article.

Êtes-vous le genre de personne qui peut faire face à des vérités inconfortables et réviser ses vues en conséquence, ou le type de gens qui cloisonnent, une de ces personnes qui pensent que les choses n’ont pas de rapport entre elles, et qui évitent les difficultés au nom du confort intellectuel ?

Entrez dans la lumière.

 

 

Notes de la traduction : [1] Nous avons vu exactement cette réaction inexplicable, pourtant de la part d’une personne qui comprenait parfaitement l’ampleur de la propagande mensongère dont nous avions été inondés avant et pendant l’invasion de la Libye, et qui en était catastrophé. Mais, disait-il, « c’est vrai que Kadhafi était un bouffon grotesque ». Ah oui ? Et en quoi ?

[2] S’il avait souhaité terroriser son peuple, la dernière chose à faire serait effectivement de nier avoir gazé qui que ce soit.