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Haaretz c’est aussi une bonne dose de propagande (Electronic Intifada)

par David Cronin 22 Juillet 2017, 21:15 Haaretz Propagande Médias Israël Gaza Palestiniens Crise Electricité

Haaretz c’est aussi une bonne dose de propagande
Par David Cronin
Article original :  “When Haaretz explains Israel’s crimes
Electronic Intifada


Traduction en français : Luc Delval, Pour la Palestine

 

Haaretz, ce n’est pas seulement Amira et Gideon, c’est aussi une bonne dose de hasbara [propagande]

Nous (re)produisons assez régulièrement sur ce site des traductions d’articles publiés par le quotidien israélien Haaretz, dans la plupart des cas signés par Amira Hass ou par Gideon Levy.

Haaretz est un journal de “centre-gauche”, qui maintient des standards journalistiques relati­vement élevés, pluraliste et globalement hostile à Netanyahou, à son gouvernement d’extrême droite et à leur dérive anti-démocratique, ainsi qu’au sabotage du “processus de paix” auquel ils se livrent depuis des années. Il est aussi critique vis-à-vis de la “gauche” israélienne en pleine déliquescence politique, intellectuelle et morale.

Haaretz est donc favorable à la pseudo-“solution à deux États” et considère que la perpétuation de l’occupation des territoires palestiniens n’est pas dans l’intérêt bien compris d’Israël. Cela fait de lui, dans l’ensemble, une publication intéressante et intellectuellement beaucoup plus fréquentable que les autres titres de la presse israélienne, tant du point de vue qualitatif que quant aux positions qu’il défend vis-à-vis des Palestiniens, du respect des droits humains, du racisme et de la défense des droits démocratiques.

Pour autant, il n’est certainement pas à l’abri de toute critique, et c’est bien d’un organe de presse israélien qu’il s’agit, avec ce que cela implique. Aussi nous parait-il utile de diffuser ici la traduction d’un article de notre ami David Cronin, qui rend un hommage mérité à Amira Hass et Gideon Levy mais dont pour le surplus la rage légitime se focalise sur un chroniqueur de Haaretz spécialisé dans les questions de défense, Amos Harel.

Il est aisé d’idéaliser Haaretz [1], de voir le quotidien de Tel Aviv comme un contrepoids libéral aux autres organes, plus belliqueux, de l’opinion publique israélienne.

Amira Hass et Gideon Levy, les meilleures plumes du journal, ont pris des risques personnels considérables pour écrire la chronique des crimes israéliens et demander qu’Israël ait des comptes à rendre. Mais s’il est vrai que leur travail mérite d’être largement diffusé, Haaretz en tant qu’institution israélienne ne mérite aucune louange.

Certains de ses journalistes se comportent comme les larbins d’un État d’apartheid.

Amos Harel est présenté élogieusement par le journal comme “l’un des principaux experts des médias israéliens sur les questions militaires et de défense”. Il est un professionnel de la hasbara, la variété typiquement israélienne de la propagande. Hasbara est fréquemment traduit par “explication”. Et Harel a tendance à “expliquer” la conduite d’Israël sous le jour le plus sympathique qui soit.

 

Minimiser un désastre

Prenons pour exemple la couverture de la crise de l’énergie à Gaza.

Des coupures [d’électricité] limitées” avaient été “annoncées” par Israël “à la demande de l’Autorité Palestinienne”, a-t-il écrit il y a peu. En qualifiant les coupures d’électricité de “limitées”, il a minimisé la manière dont Israël a, de manière absolument délibérée, aggravé un désastre humanitaire. Loin d’être “limitées”, les coupures ont réduit les fournitures d’énergie électrique aux habitants de Gaza à un niveau inférieur à tout ce qu’ils avaient déjà subi dans le passé.

Harel a fait sienne la présentation de la question adoptée par le gouvernement israélien, selon laquelle la crise de l’énergie est une question interne palestinienne [entre le Hamas et l’Autorité Palestinienne de Ramallah].

Israël aurait donc accepté avec réticence une requête de l’Autorité Palestinienne, a laissé entendre Harel. Il n’a fourni à ses lecteurs aucune information de background, notamment quant à l’histoire accumulée par Israël quand il s’agit de plonger les habitants de Gaza dans la pénurie d’énergie [2] et la manière – indiscutablement cruelle – dont l’Autorité Palestinienne se conduit comme un laquais d’Israël, et non l’inverse.

 La répartition de la pénurie d’électricité entre les différentes parties du territoire de Gaza. Schéma publié dans Haaretz

La répartition de la pénurie d’électricité entre les différentes parties du territoire de Gaza. Schéma publié dans Haaretz

Les messages de Harel peuvent être confus. Quelques jours après avoir décrit les coupures d’électricités imposées à Gaza comme “limitées”, il a écrit que les fournitures d’électricité à Gaza avaient été réduites à moins de trois heures par jour. Il a alors cité des propos de Gadi Eisenkot, chef d’État-major de l’armée israélienne, selon qui l’approche israélienne est “une gestion intelligente du risque”.

Quoiqu’il prétende être un “analyste”, Harel n’a fourni ni analyse ni explication quant à la signification de cet euphé­misme répugnant.

Harel a de même transcrit un commentaire de Eisenkot, qui pense que “il est de notre intérêt que les Palestiniens en Judée et Samarie [3] aient de l’espoir”.  Cet “espoir” accordé a pris ici apparemment la forme de quelques nouvelles maisons dont Israël a autorisé la construction pour des Palestiniens. Harel n’a pas jugé utile de rappeler qu’Israël a fait des efforts acharnés et constants pendant ses 50 ans d’occupation de la Cisjordanie pour éliminer tout espoir.

Harel pense à l’évidence qu’il est approprié d’adopter le lexique des fabricants de parfums pour parler du vol des terres d’un autre peuple. “Il n’y a pas d’occupation parfumée”, a-t-il écrit en juin.

Soumettre une population civile à votre contrôle total offre de nombreuses possibilités de violence et d’abus, loin du contrôle des commandants”, a-t-il ajouté. Les commandants, selon lui, sont bien intentionnés et la violence contre les Palestiniens est perpétrée par des voyous de rang inférieur. La vérité, cependant, c’est que l’occupation est intrinsè­quement violente et abusive, et les auteurs de crimes contre les Palestiniens bénéficient effectivement d’une impunité totale grâce à la protection de leurs supérieurs.

 

Le culte des héros

Harel qualifie les combattants de la résistance palestinienne de “terroristes”, tandis que les chefs de l’armée israélienne sont héroïsés. Dans un autre de ses récents articles sur Gaza, il a rapporté que les ministres du gouvernement israélien croient qu’un général nommé Yoav Mordechai “sauvera encore une fois la situation” en évitant une conflagration avec le Hamas.

Fasciné par la capacité de Mordechai à “sauver la situation”, Harel oublie d’expliquer que ce général a été accusé d’actes d’une extrême violence. Mordechai était à la tête d’un bataillon durant “l’Opération Plomb durci” – l’agression contre Gaza durant les derniers jours de 2008 et le début de 2009 [4] – et des soldats sous ses ordres auraient pris part au bombardement du quartier de Tel al-Hawa (une partie de la ville de Gaza), et pourraient être impliqués dans la mort d’un enfant de huit ans qui était l’un des patients d’un hôpital.

Actuellement, Mordechai est responsable de la supervision de l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie. En cette qualité il est donc chargé de la mise en œuvre d’un siège médiéval.

Mais tout cela, vous ne l’apprendrez pas en lisant les articles de Harel. Au lieu de cela, il applaudit Mordechai pour avoir décidé d’étendre la zone dans laquelle les pêcheurs de Gaza sont autorisés à travailler – sans du tout faire remarquer que ces pêcheurs sont constamment pris pour cible par la marine de guerre israélienne – et pour avoir autorisé l’entrée à Gaza de quelques camions supplémentaires – sans du tout rappeler que les points de passage pour les personnes et les marchandises aux limites de  la Bande de Gaza sont régulièrement fermés.

Mais pour Harel, comme il l’a suggéré en mai dernier, le seul problèmes avec Mordechai c’est qu’il “ne peut pas faire de miracle”.

Un peu plus tôt cette année, Harel a interviewé Naftali Bennett, qui est peut-être le plus extrémiste parmi les ministres du gouvernement israélien. Bennett a soutenu que le Liban devrait être “renvoyé au Moyen Âge” et que toutes ses infrastructures civiles devraient être considérées comme “des cibles légitimes” si un autre conflit devait éclater entre Israël et le Hezbollah.

Cet appel à commettre des massacres était sans aucun doute de nature génocidaire, et il a été fait par un politicien qui s’est vanté d’avoir “tué beaucoup d’Arabes dans [sa] vie” et qui a participé personnellement au massacre de plus de cent civils en 1996 dans le village libanais de Qana.

Vous n’apprendriez cependant que très peu de choses à propos des exploits de Bennett si vous vous basez sur son interview par Amos Harel. Pour sa part, il a trouvé les commentaires de Bennett “intéressants”, et on chercherait en vain dans son article quoi que ce soit qui puisse ressembler à l’ombre d’une désapprobation.

Parfois, les articles d’Harel se lisent comme des documents d’information sur la stratégie militaire. Quand il est apparu que l’attaque massive de 2014 contre Gaza était presque terminée, Harel a préparé une liste de problèmes qui “devaient être abordés” avant que d’autres opérations militaires soient entreprises dans le futur.

Et lorsque Harel critique les militaires israélien, c’est avec timidité. Au pire, il ira jusqu’à écrire que des “erreurs” ont été commises.

Par exemple, Elor Azaria, le membre du personnel paramédical de l’armée israélienne qui a abattu un Palestinien gisant sur le sol [à Hébron – NDLR], a fait une telle “erreur”, a déclaré Harel. Azaria a été filmé tandis qu’il commettait une exécution extrajudiciaire de sang froid, mais la jeunesse du soldat et son “état émotionnel instable” lui ont valu des “circonstances atténuantes”, aux yeux de Harel [5].

C’est le genre de détritus que Haaretz publie régulièrement.

Les violations les plus graves des droits humain sont édulcorées jusqu’à ne plus être présentées que comme des “erreurs malheureuses” dans les pages d’un quotidien “libéral”. Quelles que soient les atrocités odieuses d’Israël, Amos Harel a toujours de bonnes “explications” à portée de main.

 

David Cronin | 13 juillet 2017

David Cronin est l’auteur de Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”.
Il a écrit des articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ »arrestation citoyenne » à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

[1] Haaretz est publié en hébreu et en anglais, sous la forme classique d’un quotidien “papier” et sur l’internet. – NDLR
[2] L’aviation israélienne a détruit la grande majorité des capacités de production d’électricité dans la Bande de Gaza lors de bombardements, et le blocus israélien depuis dix ans interdit leur reconstruction, tout en limitant l’importation de fuel pour alimenter les générateurs de l’unique centrale électrique encore plus ou moins en état de fonctionnement, ainsi que pour la multitude de générateurs privés dont sont équipés les hôpitaux, etc…  On trouvera de nombreux articles traitant de ces questions sur ce site. – NDLR
[3] “Judée et Samarie” est la terminologie officielle (les noms bibliques) par laquelle l’occupant israélien désigne la Cisjordanie occupée. – NDLR
[4] cette agression israélienne a fait ±1.440 morts Palestiniens, dont au moins la moitié n’ont aucune pris part à des combats. Voir par exemple : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/le-conflit-a-gaza/20140729.OBS4944/gaza-ces-chiffres-qui-traduisent-l-horreur-du-conflit.html
[5] L’assassin en uniforme a été condamné à une peine minime tandis qu’une grande partie de l’opinion israélienne le considérait comme un héros national.

Article original :  “When Haaretz explains Israel’s crimes”.

Traduction en français : Luc Delval.

Traduit en espagnol par Bea Morales : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=229296

Haaretz c’est aussi une bonne dose de propagande (Electronic Intifada)
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