Comment l'agence a "blanchi" des photos de propagande
C’est tout un pan de sa “part d’ombre”, que l’agence AP, une des principales agences de presse mondiales, vient de dévoiler, poussée par deux chercheurs allemands. On y découvre l’ampleur des compromissions de l’agence avec le régime nazi, de 1933 à 1945, pour pouvoir continuer d’exercer en Allemagne. Faut-il informer, selon les critères occidentaux, dans les dictatures ? La question se pose encore aujourd’hui, dans nombre de régimes totalitaires.
C’est une photo un peu grotesque, en couverture d’une brochure de propagande nazie, “Les Juifs en Amérique”. On y voit le maire de New York dans les années 30, Fiorello La Guardia, photographié en plongée, sans doute au cours d’un cocktail, et bâfrant à pleines mains, de manière peu ragoutante. Cette photo est d'autant moins flatteuse que les dirigeants nazis, en Allemagne, à la même époque, interdisent de les photographier à table, ou ingurgitant aliments solides ou liquides.
Cette photo dévalorisante d’un adversaire politique - La Guardia s’est attiré la haine de Goebbels, par ses critiques acides du régime nazi -, a une particularité : c’est une photo de l’agence américaine Associated Press. Et l’agence n’a nullement protesté contre l’utilisation, par le ministère de la propagande de Goebbels, de nombre de ses photos, pour nourrir cette brochure antisémite de 1938.
Si la grande agence internationale n’a pas protesté, c’est parce que depuis l’arrivée des nazis au pouvoir, en 1933, elle est en business avec eux. Pour résumer : elle fournit la presse allemande, aux ordres du gouvernement, en photos internationales. Et elle fournit la presse internationale (dont ses quelques 1200 journaux abonnés) en photos allemandes. Dans les deux cas, sous étroit contrôle du gouvernement nazi, au risque de se prêter à toutes les manipulations, comme viennent de le découvrir deux chercheurs allemands, Harriett Scharnberg (son article, en allemand et en anglais, est ici), et Norman...