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L’attaque de l’EI révèle la propagande anti-Iran des Etats-Unis (Consortium News)

par Paul R. Pillar 9 Juillet 2017, 05:59 Iran EI Attaque Terrorisme Propagande USA Trump Arabie Saoudite

L’ancien analyste de la CIA Paul R. Pillar explique qu’une attaque terroriste revendiquée par l’EI et ayant fait une douzaine de victimes en Iran montre à quel point le gouvernement américain est malhonnête en associant l’Iran à des groupes terroristes qu’il a combattus avec acharnement.

Les attaques mortelles de ces jours-ci à Téhéran génèrent une grande dissonance cognitive chez les Américains nourris par une rhétorique qui associe constamment l’Iran aux commanditaires, et non aux victimes du terrorisme ; l’Iran y est systématiquement qualifié de « principal État promoteur du terrorisme » ; et la rhétorique officielle, celle du discours de Trump à Ryad, mélange l’Iran à la variété de terrorisme islamiste sunnite que pratique Daech, dans un méli-mélo de Mal indifférencié.

Le chef suprême de l’Iran Ali Khamenei, assis sous un portrait de son prédécesseur, l’ayatollah Ruhollah Khomeini.

Mais aussi déconcertante qu’ait pu être cette nouvelle, elle est vraie. Une opération manifestement bien planifiée a frappé, au cœur de l’Iran, son parlement et le monument du fondateur de la République islamique. Au moins une douzaine de personnes ont été tuées et des douzaines d’autres blessées. La crédibilité de la revendication par l’EI est renforcée par le fait que le groupe a publié un enregistrement vidéo de l’attaque.

Pour quiconque regarde la réalité au-delà de la rhétorique, cette attaque n’a rien de surprenant. L’Iran est l’un des ennemis les plus acharnés et les plus actifs de l’EI. La raison principale pour laquelle une attaque comme celle-ci n’est pas arrivée plus tôt est probablement la difficulté de l’EI à trouver des recrues iraniennes.

L’Iran a été un leader dans le combat contre l’EI, principalement en Irak et dans une moindre mesure en Syrie, en partie avec son propre personnel mais principalement par l’appui matériel donné à ses clients et alliés. De nombreux Irakiens font à juste titre crédit à l’Iran d’avoir sauvé Bagdad de l’EI, lorsque le groupe faisait ses conquêtes territoriales spectaculaires au nord et à l’ouest de l’Irak en 2014.

Si les États-Unis pouvaient surmonter leur refus actuel de faire affaire avec l’Iran, ils trouveraient un partenaire intéressant dans de nombreux aspects du contre-terrorisme, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre l’EI.

Du côté iranien, il y a depuis longtemps de la bonne volonté, et la reconnaissance nécessaire d’intérêts communs.

En septembre 2001, juste après les attaques du 11 septembre sur New York et Washington, le chef suprême Ali Khamenei et le président d’alors Mohamed Khatami condamnèrent fermement les attaques. La compassion à l’égard des victimes américaines s’exprima par des veillées aux chandelles et par lune minute de silence observée par des dizaines de milliers de personnes pendant un événement sportif.

Deux semaines après l’attaque, Khatami déclara : « L’Iran comprend tout à fait les sentiments des Américains au sujet des attaques à New York et Washington ». Khatami remarqua à juste titre que l’administration américaine avait été au mieux indifférente au sujet des attaques terroristes contre l’Iran depuis la révolution de 1979, mais que les Iraniens n’avaient pas les mêmes sentiments et exprimaient leurs condoléances en conséquence.

Condoléances ou sanctions ?

Nous attendons d’entendre de la part de l’administration de Trump, la forme d’expression de sympathie et de solidarité qui est habituellement adressée aux nations étrangères victimes d’attaques terroristes importantes. Nous risquons d’avoir à attendre longtemps.

Le Président iranien, Hassan Rouhani, célèbre la réalisation d’un accord transitoire sur le programme nucléaire iranien le 24 novembre 2013, en embrassant la tête de la fille d’un ingénieur nucléaire assassiné. (Photo du gouvernement iranien).

Les Iraniens n’attendent certainement plus. Ils ont connu, dans le contexte de la menace terroriste commune, une longue histoire de postures américaines envers eux, allant, de l’indifférence au mieux au claquement de porte.au pire. Dans les quelques mois qui ont suivi le 11 septembre, les fonctionnaires iraniens ont coopéré de façon efficace avec les fonctionnaires américains pour faire naître en Afghanistan un nouveau régime remplaçant les Talibans.

Les Iraniens pensaient que cela pouvait être le début d’une nouvelle coopération contre une menace commune. Mais les États-Unis leur claquèrent alors la porte au nez, quand George W. Bush parla de l’existence d’un « axe du mal » dans lequel l’Iran se trouva associé à la Corée du Nord et à l’Irak de Saddam Hussein.

Dans les quatre dernières décennies, le principal auteur d’actes de terrorisme en Iran a été le Mujahedin-e Khalq (MEK), le groupe terroriste islamo-marxiste qui avant la révolution avait revendiqué des Américains parmi ses victimes. En grande partie grâce à l’activité du MEK, l’Iran a acquis par nécessité une grande expérience en contre-terrorisme. Khamenei perdit l’usage de son bras droit quand il fut blessé par une bombe du MEK lors d’une tentative d’assassinat en 1981.

La gestion américaine du MEK ces dernières années a vu le gouvernement américain succomber à une campagne de lobbying bien financée pour le compte du groupe ; cette campagne trouva un appui important au Congrès américain, et le groupe fut finalement retiré de la liste américaine des organisations terroristes étrangères. Si Khamenei, estropié, montre par réflexe quelques sentiments anti-américains, ne pensez-vous pas que cette histoire a quelque chose à y voir ?

En ce moment précis, le jour même des attaques terroristes à Téhéran, le Sénat des États-Unis doit effectuer son premier vote sur une loi qui imposerait encore plus de sanctions à l’Iran. Il semble que la réponse la plus immédiate des Américains aux attaques consistera en sanctions, et non en marques de sympathie pour la victime.

Dans les mois à venir, en réponse aux attaques, l’Iran mènera peut-être des actions à l’extérieur de ses frontières. Les États-Unis, depuis le 11 septembre, revendiquent le droit d’être impitoyablement agressifs au nom de leur riposte au terrorisme, se déchaînant avec force sans trop tenir compte des dommages collatéraux ou des lois internationales (sans parler de leurs propres exigences constitutionnelles).

L’Iran peut ressentir le besoin d’être plus agressif dans des régions comme l’Irak ou la Syrie, par souci de riposte contre l’EI. Les États-Unis lui accorderont-ils la même indulgence qu’il se sont accordée à eux-mêmes ? Ou bien, comme l’habitude a été prise, de s’opposer à tout ce que fait l’Iran et de ne pas prendre précisément en compte ses intérêts supérieurs ou menacés, est-ce qu’ils dénonceront les réactions iraniennes comme des comportements « néfastes, mauvais et déstabilisants » ?

Paul R. Pillar, durant ses 28 années au sein de la CIA, est devenu l’un des meilleurs analystes de l’agence.

L’attaque de l’EI révèle la propagande anti-Iran des Etats-Unis (Consortium News)
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