« Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » : ce que révèle la petite phrase de Macron
Par Mathieu Slama
Le Figaro Vox
La petite phrase prononcée par Emmanuel Macron a fait beaucoup de bruit. Pour Mathieu Slama, elle est représentative de la transposition des valeurs de l’entreprise au monde politique qui s’opère avec le nouveau Président de la République.
Consultant et analyste politique, Mathieu Slama collabore à plusieurs médias, notamment Le Figaro et Le Huffington Post, où il intervient particulièrement sur les questions de politique internationale. Il est l’auteur de La guerre des mondes, réflexions sur la croisade de Poutine contre l’Occident, (éd. de Fallois, 2016).
«Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage».
Cette petite phrase d’Emmanuel Macron, prononcée dans le cadre d’un discours sans note et manifestement improvisé, est sans aucun doute une maladresse de langage qui n’est en rien comparable avec l’expression «sans dents» que l’on attribue à l’ancien chef de l’État. La suite de la phrase, que nous avons indiquée, en atteste. Cependant elle révèle une vérité cachée, une arrière-pensée qui dit énormément du Président de la République et de ses habitudes de langage – qui sont aussi et surtout des habitudes de pensée. Et il n’est pas anodin qu’elle ait été prononcée devant un parterre d’entrepreneurs et de «startuppeurs», dans un lieu financé par le milliardaire Xavier Niel.
On ne le dira jamais assez: ce gouvernement Macron est le gouvernement de la classe dominante élu par la classe dominante. Cela n’est pas une interprétation abstraite du phénomène En Marche mais une constatation vérifiée par les études de sociologie politique réalisées lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Et l’on sait aussi, grâce à une enquête remarquable du Cevipof, que les députés En Marche issus de la société civile sont dans leur immense majorité des cadres dirigeants et des managers, dont beaucoup travaillent dans les métiers des ressources humaines et de la communication. On sait, enfin, que l’entourage du chef de l’État compte un nombre anormalement élevé de personnalités issues du monde de l’entreprise, dont certains ont exercé en tant que lobbyistes de grands groupes du CAC 40. Le renouvellement dont on parle tant est incontestable: il marque la prise de pouvoir et l’hégémonie de cette nouvelle bourgeoisie managériale dont les principes directeurs sont le pragmatisme, le management et l’efficacité...