Cet article est extrait du Macron's Watch n°2
Le chef de guerre Macron et son nouveau chef d'Etat-major des armées François Lecointre © Anne-Christine Poujoulat Source AFP
Dans un rapport paru jeudi 20.07.17, Amnesty International (AI) a dénoncé la détention au secret et la torture par les forces de sécurité camerounaises des prisonniers soupçonnés de faire partie du groupe armé tel que Boko Haram. Amnesty international notait également la présence de militaires français et étatsuniens sur une base utilisée comme centre de détention à Salak, dans le nord du pays. Au moins 130 hommes et jeunes hommes sont portés disparus depuis 2014 et au moins une centaine ont été tenus au secret et torturés en toute impunité. Amnesty international évoque des "crimes de guerre".
Mais que font les soldats français dans ces centres de torture au Cameroun ? Le Monde n'a eu aucune réponse de la part de l'ambassade de France en date du 20.07.2017 :
" L’ambassade de France n’a pas encore donné suite. « Dès qu’il est question de Boko Haram, les chancelleries occidentales et les Nations unies sont très timides sur les principes fondamentaux », constate Ilaria Allegrozzi. Les autorités camerounaises, après s’être montrées dans un premier temps ouvertes aux échanges avec l’organisation de défense des droits de l’homme, semblent désormais rétives à la critique. Fin mai, les délégués d’Amnesty International n’ont pu rencontrer aucun représentant du gouvernement à Yaoundé et leur conférence de presse a été interdite à la dernière minute...".
Pourtant la pratique de la torture au Cameroun a été mise en place durant la colonisation et s'est systématisée lors de "la guerre totale" menée par De Gaulle contre les indépendantistes camerounais et les populations qui les soutenaient. En d'autre terme, il s'agit d'un crime contre l'humanité qui a fait des dizaines de milliers à des centaines de milliers de morts selon les estimations.
Sur la systématisation de la torture et la guerre totale menée par l'armée française au Cameroun, regardez le reportage à partir de 32'00"
Cette "French touch" développée en Algérie par l'armée française lors de la bataille d'Alger puis sophistiquée à plus grande échelle au Cameroun de 1956 à 1971, a été exportée par des officiers français (notamment Aussaresses) dans les dictatures chilienne et argentine pour être appliquée par les USA plus récemment en Irak et en Afghanistan.
Mais le Cameroun n'est toujours pas un pays indépendant et la France n'est pas entrée dans une ère post-coloniale contrairement à ce que prétend le magistère médiatico-politico-intellectuel et ce pour trois raisons :
1. Ce pays a pour monnaie le Franc des Colonies françaises d'Afrique rebaptisé pour la forme Franc Communauté Financière Africaine mais sa convertibilité est assurée par le Trésor français et le Cameroun doit déposer 50% de ses recettes à la Banque de France.
Franc CFA : des économistes dénoncent « la servitude monétaire » (JAI)
Lire également : Le franc CFA, arme de destruction massive contre le développement africain
2. Le régime actuel a été installé par l'Etat français.
Le Monde du 23 juin 2008 Comment le Cameroun est passé de la colonisation à la dictature
"La France choisit le futur président Ahidjo, non sans avoir tout fait pour écraser le principal parti d'indépendance, l'UPC (Union des populations du Cameroun)... La répression contre l'UPC est d'une extrême violence : tortures, assassinats, exposition des têtes coupées des victimes, bombardements...Epaulées par l'armée française, les forces camerounaises appliquent ses méthodes. Dix années de terreur et des centaines de milliers de morts seront nécessaires pour venir à bout de l'opposition. Aujourd'hui, Paul Biya, héritier du régime Ahidjo, conserve le soutien de la France".
Lire également :
Le Monde 04.11.2011 La guerre coloniale du Cameroun a bien eu lieu. Il est temps d'en finir avec la falsification de l'Histoire."... Paul Biya est arrivé au pouvoir sans jamais avoir été élu, ni s'être jamais présenté à la moindre élection. Il a simplement été désigné par son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, qui gouverna lui aussi son pays d'une main de fer. A l'origine de ce demi-siècle de dictature, on trouve une guerre. Une terrible guerre coloniale menée par l'armée française, une guerre cachée et encore taboue aujourd'hui, qu'il nous appartient à nous, Camerounais comme Français, de regarder en face..."
3. L'armée française occupe encore le pays et dispose de bases militaires.
Alors quel est le degré d'implication de l'armée française dans les tortures actuelles au Cameroun sous prétexte de lutter contre les terroristes de Boko Haram soutenus financièrement par l'Arabie saoudite elle-même soutenue militairement, politiquement et économiquement par la France et les USA ? L'armée française inculque-t-elle les derniers rudiments de "French Touch" aux soldats camerounais, dirige-t-elle la "guerre antisubversive" contre les terroristes de Boko Haram et de quelle manière ?
Alors que l'ambassade française n'a pas répondu aux questions du Monde en date du 20 juillet, la question sera-t-elle posée au gouvernement via le Parlement français ? Peu de chance d'avoir une réponse et même une question sous le régime de la Vème ? Que fait le chef de guerre Macron avec son armée au Cameroun ? L'armée française est elle complice de crimes de guerre au Cameroun ? Quelle sera la politique menée par Macron en Afrique maintenant qu'il vient de nommer chef des états-majors un ancien des troupes coloniales mis en cause pour sa collaboration dans le génocide rwandais ?
Allez, circulez...
A lire :
- AI Cameroun : Torture, le rapport qui accuse l’armée camerounaise. Le rapport qui accuse l’armée camerounaise de torture en complicité avec les troupes françaises et américaines...