Les méthodes peu scrupuleuses du lobby pro-israélien
Israel Palestine News
Communiqué de Chas Freeman sur le pouvoir et les méthodes sans scrupules du lobby israélien
En 2009 Freeman, à peine nommé à la tête du Conseil national du renseignement, a été diffamé par un groupe attaché à promouvoir les intérêts d’Israël.
Par If Americans Knew | 24 Juillet 2017
En 2009, Charles « Chas » Freeman, un expert en politique étrangère très respecté, a été désigné à la tête du National Intelligence Council (Conseil national du renseignement); nomination qui lui a aussitôt valu d’essuyer le feu de virulentes attaques de la part des défenseurs d’Israël. A la suite de quoi, Freeman a démissionné, en joignant à son geste le communiqué que nous reproduisons ci-dessous. Les informations fournies nous paraissent en effet aussi pertinentes aujourd’hui que lorsqu’il a été écrit [en 2009, ndlr]. Comme Freeman l’a lui-même souligné :
« Les méthodes du lobby israélien sont au-dessous de tout : diffamation, citations tronquées, inexactitude des propos rapportés, déformation intentionnellement mensongère de témoignages, fabrication de faux, mépris total de la vérité. »
« L’objectif de ce lobby est de contrôler le processus politique en imposant son veto sur le recrutement de personnes qui contestent la pertinence de ses vues, de substituer à l’analyse le politiquement correct, et d’empêcher que toute décision contraire à ses propres intérêts soit prise par les Américains et le gouvernement. »
Entre autres griefs à son encontre, les adversaires de Freeman lui reprochaient d’avoir présenté « la violence d’Israël vis-à-vis des Palestiniens » comme une entrave fondamentale à la paix au Moyen-Orient.
Son communiqué a été publié en mars 2009 par le Wall Street Journal, Foreign Policy et par d’autres médias.
Par Charles Freeman
Mars 9, 2009
Je tiens à exprimer ma gratitude et mon respect à toutes les personnes qui m’ont soutenu ou adressé des messages d’encouragement au cours de la polémique de ces deux dernières semaines. Le Directeur du National Intelligence Council (NIC), Dennis Blair, vous a informé que je suis revenu sur mon acceptation de la proposition qu’il m’avait faite de présider le National Intelligence Council.
Je suis arrivé à la conclusion que le tir nourri de mensonges diffamatoires à mon encontre n’allait pas cesser après mon entrée en fonction, et que les efforts visant à me calomnier et à entamer ma crédibilité auraient au contraire continué. Il est impensable que le National Intelligence Council puisse fonctionner correctement si son président est l’objet d’attaques constantes de la part de gens sans scrupules défendant becs et ongles les visées d’une faction politique d’un pays étranger. J’étais prêt à assumer la direction du Conseil pour le renforcer et le préserver de toute influence politique, mais pas pour l’exposer au bon vouloir d’un groupe d’intérêts spécifiques qui ont pour objectif est d’en prendre le contrôle par le biais de campagnes politiques incessantes.
Ceux qui me connaissent le savent ; j’ai pris la vie du bon côté après avoir quitté mes fonctions gouvernementales. Rien n’était plus éloigné de mes projets que de reprendre du service. Quand l’Amiral Blair m’a proposé cette présidence, j’ai répondu que étais bien conscient qu’il « me demandait de sacrifier ma liberté de parole, mes loisirs, une grande partie de mes revenus, m’obligeant à me soumettre à la coloscopie d’un détecteur de mensonges, et à reprendre le train-train de trajets quotidiens pour me rendre à de fastidieuses séances de travail, avec leur lot quotidien de maltraitance politique. » J’ai d’ailleurs ajouté que je me demandais « s’il n’y avait pas un revers à cette proposition ». Je gardais à l’esprit que personne n’est indispensable ; je ne suis pas une exception. Il m’a fallu plusieurs semaines de réflexion pour estimer qu’étant donné les circonstances particulièrement difficiles dans lesquelles notre pays se trouvait, tant sur le plan international que national, je n’avais pas d’autre choix que de relever ce défi et d’accepter ce poste. Je me suis alors soustrait aux autres responsabilités que j’avais prises et j’ai interrompu mes autres activités. Je suis maintenant impatient de disposer de ma vie privée, libéré de toutes mes obligations antérieures.
Je n’ai pas la prétention de croire que la polémique portait sur ma personne plutôt que sur des questions de politique gouvernementale. Ces dernières avaient peu à voir avec le NIC et n’étaient pas au cœur des contributions que je comptais apporter à la qualité de l’analyse mise à la disposition du Président Obama et de son Administration. Mais je suis attristé par ce que cette controverse – et la façon dont ceux qui se sont acharnés à l’alimenter – a révélé sur l’état de notre société civile. Nous, peuple américain, ne sommes apparemment plus capables, ni de mener à son terme un débat public d’envergure, ni d’exercer un jugement indépendant sur les questions primordiales qui se posent à notre pays et à nos alliés et amis.
Les propos diffamatoires à mon encontre, ainsi que les courriels dont il est facile d’identifier la source, prouvent l’existence d’un lobby puissant, déterminé à empêcher l’expression d’autres points de vue que le sien et à entretenir, aux yeux des Américains, une nébuleuse autour de ce qui se passe et se trame au Moyen-Orient.
Les méthodes du lobby pro-israélien sont au-dessous de tout : diffamation, citations tronquées, inexactitude des propos rapportés, déformation intentionnellement mensongère de témoignages, fabrication de faux, mépris total de la vérité. L’objectif de ce lobby est de contrôler le processus politique en imposant son veto sur le recrutement de personnes qui contestent la pertinence de ses vues, de substituer à l’analyse le politiquement correct, et d’empêcher que toute décision contraire à ses propres intérêts soit prise par les Américains et le gouvernement.
Il est particulièrement ironique d’être accusé par un groupe aussi clairement attaché à la défense des intérêts d’un gouvernement étranger – en l’occurrence ceux du gouvernement israélien – faisant la preuve d’une connivence abusive avec les opinions de gouvernements ou de firmes de pays étrangers. Je suis convaincu que l’incapacité du public américain à débattre, ou celle du gouvernement à envisager la moindre option de politique étrangère au Moyen-Orient à laquelle la faction dominante pro-israélienne serait hostile, a permis à cette dernière d’adopter et de soutenir des politiques qui, en fin de compte, menacent l’existence de l’Etat d’Israël. Personne aux Etats-Unis n’a le droit de le dire. Ce n’est pas seulement une tragédie pour les Israéliens et leurs voisins du Moyen-Orient. C’est aussi une atteinte grandissante à la sécurité intérieure des Etats-Unis.
L’agitation effarante qui s’est déclenchée dès que l’annonce de ma nomination a fuité, soulève pour nombre d’entre nous d’inquiétantes interrogations quant à la capacité de l’administration Obama de prendre ses propres décisions sur les sujets relatifs au Moyen-Orient.
Je regrette que mon souhait de servir la nouvelle Administration m’amène finalement à douter de sa capacité à décider seule quelles politiques servent au mieux les intérêts du pays et non pas ceux d’un groupe de pression travaillant pour un pays étranger.
Contrairement au jugement d’une cour de justice, celui de l’opinion publique vous tient pour coupable jusqu’à preuve de votre innocence. Les propos que j’ai tenus et dont on a extrait à charge des citations hors contexte, sont à la disposition de ceux qui, en quête de vérité, souhaiteraient les lire. L’injustice des accusations qui ont été portées contre moi est apparue évidente aux personnes ayant l’esprit ouvert. Ceux qui ont cherché à nuire à ma réputation ne s’intéresseront pas à des réfutations, qu’elles viennent de moi ou de n’importe qui d’autre.
Juste, pour mémoire, je n’ai jamais tenté d’être payé ni n’ai accepté de rétribution de la part d’un gouvernement étranger, Chine et Arabie Saoudite incluses, en échange d’un service rendu. Je n’ai jamais parlé pour le compte d’un gouvernement étranger, de ses intérêts ou de sa politique. Je n’ai jamais fait pression sur un organe de notre gouvernement pour défendre une cause étrangère ou nationale. J’agis en toute indépendance, je ne suis à la botte de personne et, maintenant rendu à la liberté de ma vie privée, je suis heureux de ne plus avoir à servir que moi-même. Je reprendrai librement mes conférences sur des sujets qui sont importants pour moi et pour mes concitoyens. Je garde respect et confiance envers le Président Obama et l’Amiral Blair, Directeur du NIC. Notre pays est confronté à de terribles défis internationaux et nationaux. Comme tous les patriotes, je continuerai de prier pour que notre Président parvienne à nous aider à les surmonter.
Par Charles Freeman | Mars 9, 2009
La morale est claire : aux Etats-Unis même un président qui doit sa nomination à un mouvement progressiste ne peut soutenir un fonctionnaire d’Etat émérite qui a commis l’erreur de critiquer Israël. Des défenseurs acharnés de l’Etat Juif, comme les Sénateurs Chuck Schumer et Joe Lieberman, et les députés Eric Cantor et Steve Israël, ont ouvertement contribué au départ de Freeman, tandis que d’anciens fonctionnaires ou des fonctionnaires au sein de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) tiraient les ficelles dans les coulisses. Que tout candidat à un poste de fonctionnaire entende bien le message :
« Ils veulent faire un exemple, intimider les autres » a déclaré Freeman aux Conservateurs américains avant de renoncer à son poste de président du National Intelligence Council. « Le fait que l’Administration ne me soutient pas met à mal l’argument selon lequel le lobby pro-israélien serait une entité mythique et n’exercerait aucun contrôle sur les affaires publiques. Le gouvernement révèle ainsi son incapacité à avoir une pensée indépendante sur ces questions. »
Article original: https://israelpalestinenews.org/chas-freeman-character-assassination-by-the-israel-lobby/
Traduit par Sylvie Jolivet pour Arrêt sur Info