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Les néoconservateurs tirent parti de la haine anti-Trump pour pousser à de nouvelles guerres (Consortium News)

par Robert Parry 20 Août 2017, 15:15 Néoconservateurs Néocons Trump Nouvelles guerres USA Impérialisme

Les néoconservateurs tirent parti de la haine anti-Trump pour pousser à de nouvelles guerres (Consortium News)

La mise en œuvre de nouvelles sanctions contre la Russie et l’Iran — avec le soutien de presque tous les Démocrates et Républicains du Congrès — montre que les néoconservateurs fauteurs de guerre sont de nouveau à la manœuvre, rapporte Robert Parry.

 

Un observateur bien renseigné de Washington m’a fait une fois remarquer que la réalité politique des néoconservateurs est qu’à eux seuls ils ne pouvaient vous faire gagner la moindre circonscription aux États-Unis. Mais les Républicains comme les Démocrates se pressent pour obtenir le soutien des néoconservateurs ou au moins leur approbation.

Une scène de « Docteur Folamour », dans laquelle le pilote du bombardier (interprété par l’acteur Slim Pickens) chevauche une bombe atomique vers sa cible en Union soviétique.

 

Ce paradoxe repose en partie sur le degré de dominance que les néoconservateurs ont établi sur les médias d’information nationaux — comme les éditorialistes de presse et les commentateurs télé — ainsi que sur les liens des néoconservateurs avec le lobby israélien, bien connu pour arroser de ses contributions les politiciens qui ont ses faveurs et les opposants de ceux qui ne les ont pas.

Depuis l’émergence des néoconservateurs comme acteurs essentiels de la politique étrangère de l’administration Reagan, ils ont également fait preuve d’une résilience extraordinaire, recevant un flot continu d’argent souvent depuis les financements du gouvernement américain de la part d’organisations comme le NED (Fondation Nationale pour la Démocratie) et à travers les donations des fournisseurs militaires aux boîtes à idées néoconservatrices des « faucons ».

 

Mais le succès le plus étonnant des néoconservateurs l’année passée pourrait être la façon dont ils ont entraîné les libéraux et même certains progressistes dans la stratégie néoconservatrice de toujours plus de guerres, en grande partie en exploitant le dégoût de la gauche envers le président Trump.

Les gens qui normalement favorisent la coopération internationale pour la résolution pacifique des conflits se sont joints aux néoconservateurs pour attiser les tensions mondiales et rendre ainsi la progression vers la paix beaucoup plus difficile.

Le « Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act », la loi provocante qui impose des sanctions à la Russie, à l’Iran et la Corée du Nord tout en interdisant au président Trump de les annuler, a été adoptée par le Congrès sans un seul vote démocrate contre.

Les seules voix dissidentes sont venues de trois Républicains de la Chambre : Justin Amash du Michigan, Jimmy Duncan du Tennessee, et Thomas Massie du Kentucky, ainsi que du Républicain Rand Paul du Kentucky et de l’indépendant Bernie Sanders, sénateur du Vermont.

En d’autres termes, tous les Démocrates présents ont adopté la position des néoconservateurs pour l’escalade des tensions avec la Russie et l’Iran. Les nouvelles sanctions apparemment ruinent l’espoir d’une détente avec la Russie et peuvent torpiller l’accord nucléaire avec l’Iran, ce qui mettrait l’option bombardement à tout va sur le tapis, exactement ce que veulent les néoconservateurs.

 

L’obstacle que représente Poutine

Quant à la Russie, les néoconservateurs voient le président Vladimir Poutine comme un obstacle majeur à leurs plans au moins depuis 2013, lorsqu’il a aidé le Président Obama à mettre au point un compromis avec la Syrie, ce qui a permis d’éviter une frappe militaire des États-Unis sur des assertions douteuses accusant l’armée syrienne d’une attaque au gaz sarin près de Damas le 21 août 2013.

Le Président russe Vladimir Poutine avec le Président iranien Hassan Rohani lors d’une réunion sur l’énergie le 23 novembre 2015, à Téhéran. (Photo du gouvernement russe)

 

Une preuve ultérieure indiquait que l’attaque au sarin était très probablement une provocation de la filiale syrienne d’al-Qaïda destinée à tromper les militaires états-uniens, en les entraînant dans une guerre à leur côté.

Alors, vous pourriez vous demander pourquoi le gouvernement des États-Unis penserait une seule seconde à prendre des mesures qui profiteraient à al-Qaïda, qui ont enlisé les États-Unis dans le bourbier du Moyen-Orient, avec en premier lieu l’attaque du 11/9. La réponse est qu’Israël et les néo-conservateurs — alliés à l’Arabie saoudite et d’autres États sunnites — étaient prêts à favoriser une victoire d’al-Qaïda si c’était la condition pour briser ce qu’ils appellent le « croissant chiite » ancré en Iran et atteindre le Liban à travers la Syrie.

De nombreux néoconservateurs sont en effet, des agents israéliens de l’Amérique et — depuis qu’Israël est maintenant allié avec l’Arabie saoudite et les États sunnites du Golfe contre l’Iran — les néoconservateurs exercent leur influence politique et médiatique pour rationaliser les frappes militaires américaines contre les alliés régionaux de l’Iran, à savoir le gouvernement syrien laïque de Bachar al-Assad.

De son côté, M. Poutine a aggravé son offense aux néoconservateurs en favorisant les négociations d’Obama avec l’Iran qui imposaient des contraintes strictes à l’Iran à propos du développement d’une bombe nucléaire, et ainsi annulaient la possibilité d’une guerre américaine contre l’Iran. Les néoconservateurs, Israël et l’Arabie saoudite ont demandé à l’armée des États-Unis de mener une campagne de bombardement contre l’Iran avec l’espoir de paralyser leur adversaire régional et peut-être même arriver à un « changement de régime » à Téhéran.

 

Punir la Russie

A l’époque le président du NED [National Endowment for Democracy, think-tank néoconservateur, NdT], Carl Gershman, estimait que l’Ukraine était la « plus grande prise » et une étape capitale pour éliminer Poutine de Russie.

L’ancienne secrétaire d’État adjointe aux Affaires européennes, Victoria Nuland, qui a promu le coup d’État en Ukraine et qui a aidé par la suite à en choisir les nouveaux dirigeants.

 

D’autres néoconservateurs au gouvernement états-unien, y compris la secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes Victoria Nuland, et le sénateur John McCain ont permis la « prise » ukrainienne en soutenant le coup d’État du 22 février 2014 qui a renversé le gouvernement élu et déchaîné les nationalistes anti-russes (y compris des néo-nazis) qui ont commencé à massacrer des Russes ethniques dans le sud et l’est près de la frontière russe.

Lorsque Poutine a répondu en permettant aux Criméens de voter la sécession de l’Ukraine et la réunification avec la Russie, l’Occident — et en particulier les médias dominants néoconservateurs — ont dénoncé le mouvement comme une « invasion russe » camouflée. La Russie a également aidé les Russes ethniques d’Ukraine orientale à défier le régime putschiste de Kiev, et à anéantir les forces militaires ukrainiennes, y compris le bataillon néo-nazi Azov Battalion, qui arborait des croix gammées et des symboles nazis. L’aide de Poutine aux minorités ethniques russes ukrainiennes retranchées est ainsi devenue « l’agression russe ».

Symboles nazis sur les casques portés par les membres du bataillon ukrainien Azov. (filmé par une équipe de tournage norvégienne et diffusé à la télévision allemande.)

 

De nombreux experts et journalistes américains — dans les médias conservateurs, centristes et libéraux — ont été balayés par les différentes hystéries sur la Syrie, l’Iran et la Russie — tout comme ils l’avaient été dix ans plus tôt dans la frénésie Irak-armes de destruction massives et l’argument de la « responsabilité de protéger » (ou R2P, Responsability to Protect) pour le violent « changement de régime » en Libye en 2011. Dans tous ces cas, le débat public a été saturé par le gouvernement états-unien et la propagande néoconservatrice, en grande partie fausse.

Mais cela a fonctionné. Par exemple, les néoconservateurs et leurs copains libéraux-interventionnistes ont réussi de manière extraordinaire à séduire de nombreux « militants pacifistes » américains pour soutenir la guerre du « changement de régime » en Syrie, en envoyant des victimes sympathiques du gouvernement syrien faire des tournées de conférences.

Pendant ce temps, les principaux médias aux États-Unis qualifiaient de « modérés » les rebelles syriens qui venaient combattre aux côtés de la filiale syrienne d’al-Qaïda, et partageaient les puissantes armes fournies par les États-Unis avec les djihadistes, et tant mieux s’ils tuaient des soldats syriens essayant de protéger le gouvernement laïque de Damas.

 

Une propagande réussie

Dans le cadre de ce processus de propagande, les chargés aux relations publiques des djihadistes, appelés aussi Casques blancs, ont raconté au téléphone des histoires d’atrocités anti-gouvernementales aux journalistes occidentaux avides et crédules qui n’osaient visiter les zones contrôlées par al-Qaïda, de crainte d’être décapités.

Une image publicitaire navrante conçue pour justifier une grande opération militaire américaine en Syrie contre l’armée syrienne.

 

Ainsi, à chaque fois que les Casques blancs ou d’autres « militants » accusaient le gouvernement syrien d’une attaque chimique peu probable, l’information était traitée comme parole d’évangile. Lorsque les enquêteurs des Nations Unies, soumis à une pression énorme pour confirmer les fictions de propagande appréciées en Occident, ont découvert des preuves que la prétendue attaque au chlore avait été mise en scène par les djihadistes, les médias mainstream des États-Unis regardaient poliment ailleurs et ont continué à considérer les histoires d’armes chimiques comme crédibles.

 

L’historien et journaliste Stephen Kinzer a déclaré : « La couverture de la guerre syrienne restera l’un des épisodes les plus honteux de l’histoire de la presse américaine. »

Mais tous ces succès, les opérations de « gestion de la perception » des néoconservateurs sont bien pâles comparés à ce que ceux-ci ont accompli depuis que Donald Trump a battu Hillary Clinton en novembre dernier.

Alimentés par le choc et le dégoût à l’encontre de l’attrapeur de chattes égotiste autoproclamé ayant atteint la fonction suprême du pays, beaucoup d’Américains ont cherché une excuse pour à la fois expliquer le résultat et trouver une stratégie pour éliminer Trump le plus rapidement possible. La réponse aux deux préoccupations est devenue : accuser la Russie.

 

Les preuves que la Russie avait « piraté notre démocratie » étaient très minces — un groupe privé appelé CrowdStrike aurait trouvé des caractères cyrilliques et une référence au fondateur du KGB soviétique dans des métadonnées — mais « des preuves compromettantes » contredisaient la propre version de CrowdStrike, à propos d’une opération de piratage informatique russe quasiment impossible à tracer.

Donc, même si le FBI n’a pas réussi à se procurer les ordinateurs du Comité national démocrate pour que le gouvernement puisse faire sa propre analyse légale, le Président Obama a mandaté ses chefs du renseignement, le directeur de la CIA John Brennan et le directeur du Renseignement national James Clapper, pour trouver une solution qui pourrait être utilisée pour accuser « l’ingérence russe » dans la victoire de Trump. Obama, bien sûr, partageait le dégoût de la victoire de Trump, depuis que le célèbre magnat de l’immobilier et star de télé-réalité a lancé sa propre carrière politique en répandant le mensonge qu’Obama était né au Kenya.

Des analystes « choisis »

D’après les derniers témoignages de Clapper au Congrès, les analystes pour ce travail ont été « choisis » parmi la CIA, le FBI et la NSA pour produire une « évaluation » avant qu’Obama n’ait quitté ses fonctions. Leur rapport du 6 janvier était remarquable par son manque de preuves et les analystes eux-mêmes ont reconnu qu’ils étaient bien loin de prouver quoi que ce soit. Ce qui poursuivait la rhétorique habituelle du « faites-nous confiance » qui domine les thèmes anti-russes depuis des années.

Le directeur du renseignement national James Clapper (à droite) s’entretient avec le président Barack Obama dans le bureau ovale, avec John Brennan et d’autres assistants à la sécurité nationale. (Crédit photo : Bureau du directeur du renseignement national)

 

Une grande partie du maigre rapport se plaignait du réseau russe Russia Today qui avait couvert les manifestations Occupy Wall Street, et parrainé un débat en 2012 entre les candidats third-party qui étaient exclus des débats démocrates-républicains entre le Président Obama et l’ancien gouverneur Mitt Romney.

L’absurdité de citer de tels exemples dans lesquels la RT a contribué au débat public comme preuve que la Russie attaquait la démocratie américaine aurait dû sauter aux yeux de tous. Mais la panique du Russie-gate avait commencé, et donc au lieu de ridiculiser le rapport du 6 janvier comme une insulte à la raison, ses conclusions fragiles pour affirmer : « la Russie l’a fait » (Russia-did-it) ont été acceptées comme une vérité inattaquable, soutenue par l’affirmation mensongère selon laquelle l’évaluation représentait la vision unanime de la totalité des 17 services de renseignement américains.

Ainsi, par exemple, nous obtenons les contradictions internes d’un article de vendredi par le chroniqueur David Ignatius du Washington Post qui commence par faire un point légitime à propos de la pensée de groupe à Washington :

« Quand tous les gens qui pensent bien dans la capitale du pays semblent d’accord sur quelque chose — comme cela a été le cas récemment avec une loi imposant de nouvelles sanctions à la Russie — cela peut être un avertissement que le débat s’est transformé en une mentalité de troupeau écervelé », écrivait Ignatius alors qu’il s’interrogeait sur la sagesse d’imposer des sanctions excessives et d’empêcher le Président de les supprimer.

 

La logique perdue

Mais Ignatus n’a pas suivi sa propre logique quand il s’agissait du groupe de réflexion sur « l’ingérence » russe dans les élections américaines. Malgré la faiblesse des preuves, la certitude de la culpabilité de la Russie est maintenant partagée par « tous les gens qui pensent bien » à Washington, qui sont d’accord pour dire que ce point n’est plus controversé, malgré les refus de WikiLeaks qui a publié les courriels démocrates fuités, et du gouvernement russe.

Le Président russe Vladimir Poutine rencontre le Président américain Donald Trump lors du sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne, le 7 juillet 2017. (Copie d’écran de Whitehouse.gov)

 

Ignatius semblait nerveux, conscient de la légère imprudence de son intervention au sujet du projet de loi sur les sanctions, qui risquait de ternir sa réputation au sein de l’establishment. Il a alors ajouté :

« Ne vous méprenez pas. En demandant au Congrès de reconsidérer les sanctions, je n’excuse pas le comportement de Trump. Sa non-réponse à l’ingérence bien documentée de la Russie lors de l’élection présidentielle de 2016 a été scandaleuse. »

Cependant, comme d’habitude pour les médias mainstream américains, Ignatius ne cite aucun de ces documents. On peut supposer qu’il se réfère à l’évaluation du 6 janvier, qui ne contenait aucune preuve réelle pour étayer la thèse selon laquelle la Russie a piraté des courriels démocrates et les a remis à WikiLeaks pour diffusion.

Précisément parce que beaucoup de gens importants répétant la même accusation ne la rend pas vraie ou « bien documentée ». Et le scepticisme devrait prévaloir davantage quand il existe un motif politique clair de faire passer un mensonge pour une vérité, comme nous devrions l’avoir appris des fausses AMD en l’Irak du président George W. Bush, et des exagérations délirantes du président Barack Obama sur la nécessité d’intervenir en Libye pour empêcher un massacre de civils.

Mais les néoconservateurs de Washington commencent toujours par un coup de pouce en raison de leur accès facile aux pages éditoriales du New York Times et du Washington Post, ainsi que de leurs relations directes avec les producteurs de CNN et d’autres chaînes câblées.

Pourtant, les néoconservateurs ont atteint peut-être leur plus grand succès en fusionnant la russophobie de la guerre froide avec le syndrome du dérangement de Trump pour entraîner les libéraux et même les progressistes dans la dynamique néoconservatrice pour plus de guerres de « changement de régime. »

 

Il ne fait aucun doute que l’escalade des sanctions contre la Russie et l’Iran aura pour effet une escalade des tensions géopolitiques avec ces deux pays importants et rendra une guerre, même nucléaire, plus probable.

En Iran, les adeptes de la ligne dure disent déjà au président Hassan Rouhani : « Nous vous l’avions dit » que le gouvernement des États-Unis ne tiendrait pas sa promesse de supprimer — non pas d’augmenter — les sanctions en conformité avec l’accord nucléaire.

Et alors Poutine, qui est en fait l’un des leaders les plus pro-occidentaux de Russie, est confronté à des attaques de ses extrémistes qui le considèrent comme naïf de penser que la Russie sera un jour acceptée par l’Occident.

Même les relativement modérés du Kremlin, tel le Premier ministre Dmitri Medvedev, citent Trump signant la queue entre les jambes le projet de loi sur les sanctions, comme preuve que l’establishment des États-Unis a fermé tout espoir d’une détente entre Washington et Moscou.

En d’autres termes, les perspectives d’avancement de l’agenda néoconservateur vers plus de guerres de « changement de régime » et de coups d’État s’améliorent — et les néoconservateurs peuvent revendiquer comme alliés pratiquement toute la hiérarchie du Parti démocrate qui est tellement désireuse d’apaiser sa base de #Resistance en colère, qu’elle ignore même le risque accru de guerre nucléaire.

Le journaliste enquêteur Robert Parry a révélé de nombreuses affaires Iran-Contra pour Associated Press et Newsweek dans les années 80.

Source : Robert Parry, Consortium News, 05-08-2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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