Un ancien dirigeant de Lafarge reconnaît avoir financé l’Etat islamique avec l’aval de la France
Valeurs actuelles, 20 septembre 2017
Syrie. Les investigations de la justice sur les activités de Lafarge en Syrie révèlent que le groupe a longtemps préféré verser des dizaines de milliers de dollars à l’Etat islamique plutôt que de perdre son usine locale.
L’étau se resserre autour des activités du cimentier Lafarge en Syrie. Dans son édition de jeudi, Le Monde publie des éléments de l’enquête qui vise le groupe, soupçonné d’avoir versé des sommes importantes à l’Etat islamique afin de protéger sa cimenterie de Jalabiya. Des documents pour le moins accablants, qui révèlent comment plusieurs dirigeants fait le choix de céder au racket des terroristes afin de protéger leurs activités en vue de l’après-guerre civile.
“L’économie de racket a commencé en septembre ou octobre 2012”, raconte aux enquêteurs l’ex-directeur général adjoint opérationnel. Dans un premier temps, il s’agit de groupes rebelles, qui reçoivent “entre 80.000 et 100.000 dollars par mois” pour permettre aux camions de Lafarge de circuler sans encombres. Puis, à partir de 2013, c’est l’Etat Islamique qui prend le relais. Bruno Pescheux, patron de la filiale syrienne de l’entreprise jusqu’en juin 2014, explique que Daesh recevait “de l’ordre de 20.000 dollars par mois”.
Jusqu’en septembre 2014, l’usine continue de Jalabiya continue de produire du ciment. Malgré les attaques de Daesh contre les Kurdes dans la région et les alertes des responsables du site, qui s’inquiètent pour la sécurité des salariés. “Comment pourrait-on caractériser ces déclarations : un manque de lucidité, la cupidité ou business as usual ?”, demande l’un des enquêteurs à Bruno Lafont, ex-PDG de Lafarge. Celui-ci répond simplement ne pas être au courant.
Un élément au moins à joué dans le maintien de l’activité syrienne de Lafarge: le soutien apporté par le ministère des Affaires étrangères. Tout au long des investigations, il apparaît que le Quai d’Orsay informait les dirigeants de l’entreprise de la situation sur place et les poussait à rester. “Le gouvernement français nous incit(ait) fortement à rester (…). Tous les six mois, on allait voir le Quai d’Orsay, qui nous poussait à rester”, rapporte encore l’un des dirigeants...