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Barzani se retire et le Kurdistan irakien s’en remet à Bagdad (L'Expression.dz)

par Chaabane BENSACI 31 Octobre 2017, 18:01 Barzanie Kurdes Irak Retrait

Barzani se retire et le Kurdistan irakien s’en remet à Bagdad (L'Expression.dz)
Tant va la cruche à l’eau

Le vieux loup des montagnes kurdes aura joué au poker et tout perdu en abattant des cartes biaisées dont le résultat sonne clairement la fin des illusions pour tous les Kurdes de la région, y compris les FDS-YPG syriens inféodés au PKK. Les Etats-Unis ont «salué» hier sa décision après son pari raté.

Jours sombres pour le Kurdistan irakien. En annonçant son départ dont la rumeur avait fait le tour de Erbil depuis plusieurs jours auparavant, Massoud Barzani a beau avoir confirmé qu’il n’exerce plus les fonctions présidentielles à compter du 1er novembre et qu’il refusait que son mandat soit prolongé une nouvelle fois, le sentiment général dans toute la région est qu’il s’agit bel et bien d’une cuisante défaite dont il ne pouvait ignorer les conséquences.

La page est donc tournée aussi bien pour Barzani lui-même que pour les Kurdes de la région irakienne, mais pas seulement. En Syrie, en Iran et surtout en Turquie, on savoure avec d’autant plus de satisfaction la nouvelle que celle-ci est sortie d’une séance houleuse du Parlement kurde réuni à huis clos pour examiner la situation au lendemain de l’offensive générale de l’armée irakienne dans la province de Kirkouk, notamment.

Les irréductibles partisans du vieux peshmerga ont beau attaquer aussitôt le bâtiment où se trouvaient encore les députés, à Erbil, à coups de pierres, de bâtons et de couteaux, le siège du parti adverse, Gortran, à Dohouk ou les différents médias présents, le fait est là qui montre dans toute sa tragédie l’erreur commise en organisant un référendum d’indépendance envers et contre Baghdad qui avait plusieurs fois mis en garde contre toute velléité de séparatisme, qui plus est affectait des zones non-kurdes, comme Kirkouk, occupées par les peshmergas en 2003 avec l’invasion de l’Irak par l’armée américaine puis en 2014 lors de l’avancée fulgurante de Daesh.

Massoud Barzani a cru braver sans trop de risques la colère du gouvernement irakien et plus encore celle du gouvernement turc parce que des assurances lui ont été données par son mentor américain, de longue date, quant à l’émergence parfaitement imaginable d’une entité kurde saluée à cor et à cri par Israël qui y aurait trouvé un pendant inespéré à sa politique expansionniste dans la région. C’était mal connaître les calculs de Washington, focalisé sur la lutte contre la «menace terroriste» représentée par l’«Etat islamique» et c’était surtout oublier un peu vite les enseignements d’une histoire, somme toute récente, comme au Sud Vietnam où les- troupes de l’Oncle Sam ont plié arme et bagage en laissant les alliés de Saïgon se débrouiller avec ce qu’ils appelaient alors les Vietcongs.
Qu’il accuse aujourd’hui de «haute trahison», l’Union patriotique du Kurdistan rivale (UPK), dont le chef historique Jallal Talabani, décédé le 3 octobre dernier, fut même proposé à la vindicte de Saddam Hussein en 1996, ce n’est pas seulement une dérive, tout au plus l’indice d’une amertume sans limite. L’UPK n’a jamais fait mystère de son attachement à un Irak uni et solidaire et ses forces militaires ont effectivement accueilli pacifiquement l’offensive de l’armée dépêchée par Baghdad pour remettre de l’ordre dans la riche province pétrolière de Kirkouk, un temps profitable à Erbil et à la Turquie par où transitait l’or noir que Barzani marchandait directement dans la région.

S’attaquer à l’UPK c’est comme s’attaquer à Ankara, sous prétexte que la Turquie n’aurait pas tenu ses «engagements»! Et c’est aussi faire table rase des «appels au calme» lancés par les Etats-Unis qui ne pouvaient raisonnablement hypothéquer leurs liens avec leur allié turc dans l’Otan juste pour satisfaire les caprices dantesques de Barzani et de son clan. D’ailleurs, Washington a mis en garde explicitement contre le référendum d’indépendance, conseillant son report d’ici 2019, c’est-à-dire une fois que le sort de Daesh au Proche-Orient aura été définitivement résolu.

Ce faisant, le vieux loup des montagnes kurdes aura joué au poker et tout perdu en abattant des cartes biaisées dont le résultat sonne clairement la fin des illusions pour tous les Kurdes de la région, y compris les FDS-YPG syriens inféodés au PKK. Les peshmergas qui avaient défrayé la chronique dans presque tous les médias occidentaux et notamment leurs 500 femmes combattantes données comme une icône de la libération de la femme dans un Moyen-Orient moyenâgeux, n’auront plus désormais que les yeux pour pleurer puisque l’ultime poste frontalier et stratégique de Fichkhabour, qui se trouve pourtant dans la province autonome kurde de Dohouk, est maintenant aux mains de l’armée irakienne dont le verrou est total sur l’ensemble du pays. Le fils de Moustapha n’en reste pas moins le chef du mouvement kurde même s’il s’en va sans gloire et avec bien des reproches. Erbil est prêt à toutes les concessions, pourvu que Baghdad tire la chasse sur les récents évènements. Le refus de prendre en considération les mises en garde de la communauté internationale lors du référendum aura été fatal au crédit dont bénéficiaient les peshmergas. Barzani a cru dur comme fer qu’il avait le soutien indéfectible des Etats-Unis et des autres puissances occidentales. Il se sera trompé lourdement. A 71 ans révolus, il laisse une région kurde plongée dans l’incertitude et profondément divisée, ce qui augure de lendemains encore plus sombres.

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