LE CONGO-BRAZZAVILLE A LA RECHERCHE D’UNE DÉMOCRATIE ASSASSINÉE IL Y A 20 ANS
Par ITOUA-ONDONGO
Congo-Liberty
« Le coup d’état et l’incinération programmée de la démocratie »
Dans quelques jours, une triste commémoration, l’étranglement de l’expérience démocratique inaugurée en 1991, une strangulation écrite en lettre de sang et des larmes, du pillage des biens meubles et immeubles, si ce n’est une démolition pure et simple des habitations, le théâtre Congolais entamait une exécrable renommée sous les ordres de l’ex-marxiste Sassou-Nguesso soutenu par ses complices extérieurs.
Le vent de la pérestroïka soufflé depuis le kremlin par Gorbatchev avait pourtant enthousiasmé les peuples privés de liberté d’Afrique sous la charge des partis-état qui asphyxièrent toute forme de liberté.
Trois pays furent sensation avec le succès avéré des célébrissimes Conférences Nationales Souveraine CNS ; sorte d’états généraux de la nation servant de théâtre, d’antichambre préalable à une entrée scène cadencée en démocratie
En Afrique francophone, le Benin, le Congo et le Mali créèrent l’enthousiasme, les espoirs étaient permis, le défi ambitieux. 20 ans après, de ce triumvirat, le Benin et le Mali comptent encore parmi les démocraties respectables avec des fortunes diverses, le Congo-Brazzaville malmené se plait à être cité comme une terre où la dictature a repris énergiquement les commandes au grand désarroi des observateurs des politiques africaines, une contre-démocratie désignée de toutes parts, avec des victimes sans vie par milliers.
Nous analysons sur ces lignes les raisons qui ont maintenu la démocratie au Benin et au Mali, puis les causes qui ont précipité le Congo au point de ressusciter le système rejeté par les urnes au premières élections.
Les trois pays Benin, Mali et Congo étaient dirigés par une dictature militaire loin de satisfaire les attentes de leurs peuples, à ce titre, cette tyrannie formait une cible idéale que les peuples opposèrent une démocratie, la mise à plat du mur de Berlin fournit autant d’énergie pour réclamer cette liberté confisquée.
Le Benin démocratiquement a élu, en 20 ans quatre (4) chefs d’état (Nicéphore Dieudonné SOGLO, 1991-1996, Mathieu KEREKOU 1996-2006, Thomas BONI YAYI 2006-2016 récemment l’homme d’affaire Patrice TALON depuis avril 2016
Le Mali bien que perturbé a élu trois (3) chefs d’état et un intérimaire : Alpha KONARE 1992-2002 AMANI TOUMANI TOURE dit ATT 2002-2012, BANKOUNDA TRAORE 2012-2013, depuis le 4 septembre 2013 Ibrahim Boubacar Traoré dit IBK.
Dans la même période le Congo a élu un seul chef d’état démocratiquement Pascal LISSOUBA 1992-1997 chassé du pouvoir au son du canon, il se réfugie à Londres et rejoint Paris depuis 2004. Depuis 1997 le Congo est dirigé de mains de fer par celui que les médias nommeront comme « l’homme fort de Brazzaville » inspirateur et vainqueur à la fois de toutes les tragédies guerrières du Congo de ces vingt dernières années.
En vingt-six ans d’expérience démocratique, sur la base du nombre de chef d’état élu un seul. Monsieur Sassou Nguesso étant un usurpateur. De ce qui précède le Congo est en queue de peloton.
Le Benin a la réputation d’être le quartier latin d’Afrique francophone, les intellectuels font légion malgré les difficultés économiques, le personnel politique tient bon, personne n’est favorable au coup d’état, les institutions sont sauvegardées.
La société civile est dynamique, les intellectuels, la presse, l’église et tous les acteurs engagent des débats sains qui consacrent le progrès de la société béninoise, en 1996 jaloux de la qualité à apporter à leur démocratie, les électeurs rejettent SOGLO aux élections malgré les progrès imprimé par son mandat à la tête de l’état, à cause des apparitions gênantes, outrancières de son épouse Rosine sur la scène politique qui agacent l’opinion au Benin. C’est une preuve de plus qui justifie la qualité de la touche démocratique dans ce pays et surtout d’un apprentissage exceptionnel à l’œuvre politique.
Mais la justice demeure un appui, un levier qui consacre le sérieux d’une démocratie, Les collaborateurs de Mathieu KEREKOU des années sombres du marxisme-léninisme parmi lesquels Mohammed CISSE son Marabout de triste renommée passeront à la barre, lourdement condamnés, ils purgeront leur peine à la grande satisfaction de l’opinion africaine.
Au Mali, MOUSSA TRAORE dont le destin a croisé un coup de d’état pour mettre un terme à sa tumultueuse carrière d’homme d’état, fut jugé en 1993 lors d’un procès qualifié de «Nuremberg malien » avec ses proches pour des crimes économiques et de sang, condamné, il sera gracié en 2002 juste avant le départ de Alpha Konaré.
Du Benin au Mali, la justice a servi la cause démocratique, les fossoyeurs de l’économie retirés de la circulation, servant d’exemple à la nouvelle classe. En agissant ainsi, ces deux pays ont fourni la lumière aux autres états sur le chemin de la constitution d’une société de dignité.
Le Congo dont la Conférence Nationale Souveraine de 1991 débordait de qualité, présentait à la face du monde une expertise qualitative d’exception, citée en exemple à travers le continent.
Malheureusement cette embellie fut de courte durée, après l’investiture du président élu le 31 août 1992. Une mésentente parlementaire entame une démocratie bancale qui suscite émoi et stupéfaction. Une simple notion de majorité parlementaire citée en son article 75 (constitution du 15 mars 1992) divise profondément les protagonistes. Qui détient la majorité au parlement, le parti majoritaire ou le groupement parlementaire ?
Majorité sortie des urnes ou celle constituée après les élections, les juristes observent une reculade. Evidement quand les conflits politiques sont mal gérés, dans des pays à la culture démocratique minimale, au système politique pluraliste naissant et fragile, ils débouchent sur la violence.
Les barricades, machettes et couteaux, les tributs, les injures et autres énormités gagnent la rue, pour un simple article d’interprétation, à la stupéfaction générale d’une opinion africaine qui fondait ses espoirs sur le Congo en cours de démocratisation.
Pendant cette descente, rare est l’expression de la société civile, des intellectuels, homme d’église pour envisager un débat sain, rétablir l’équilibre nécessaire, les pans entiers se sont tus laissant au personnel politique un affrontement dégradant, dévaluant par-dessus.
Quant à la justice, les élus de la première mandature en charge de gérer le corps judiciaire n’engagèrent aucune poursuite contre les nombreux détournements de fonds à l’origine des désormais célèbres BMA (Biens Mal Acquis) pourtant bien identifiés par la CNS.
Pour un régime qui vient succéder à une dictature prédatrice, adopter une telle posture est un aveu de complicité, presque un crime de science politique.
Dans quelques semaines deux décennies que monsieur Denis Sassou-Nguesso aux commandes des troupes orchestra, au prix du sang des milliers de morts, engagea une aventure de démantèlement de la démocratie naissante du Congo-Brazzaville, appuyé par l’armée Angolaise à sa rescousse. Il dirige le Congo depuis, le doigt sur la gâchette, sous le couvert d’une sous-démocratie, imposant une paix des armes.
Il souffle le chaud et le froid, agissant comme véritable metteur en scène de la paix et de la guerre. Ses agents de renseignements aux méthodes héritées des communistes de l’Europe de l’Est, ont réussi l’exploit de réduire au silence toute la communauté congolaise à l’intérieur et à l’extérieur du pays à une certaine mesure.
Du contexte économique le Benin et le Mali ont une économie liée au secteur agricole, par contre le Congo-Brazzaville doit tous ses malheurs à l’exploitation du Pétrole, la « françafrique » des affaires est plus redoutable lorsque l’or noir est en jeu. Billets d’Afrique de l’association SURVIE fait une publication le 1er juin 2003, en titre : Procès Elf : le sang de l’Afrique derrière les « caisses noires » offshore, on y découvre entre autres ; « Elf en Afrique, c’est une histoire de sang et de misère (actuel Total), on découvre ensuite que Elf participait au montage de coups d’État : on a même retrouvé dans les coffres de la Tour Elf les traces écrites de l’organisation de l’un d’entre eux, au Congo-Brazzaville.
Comme souvent, il y avait suffisamment de clans et de caisses noires au sein d’Elf pour financer tous les camps de la guerre civile – et donc se retrouver à coup sûr dans le camp du vainqueur. Il n’empêche : Elf et la Françafrique penchaient massivement en faveur de Sassou. Elles lui ont apporté l’appui de leurs alliés : un millier de soudards du dictateur tchadien Idriss Déby, la Garde présidentielle de Mobutu déchu, des restes de l’armée et des milices rwandaises qui commirent le génocide de 1994, plus d’une centaine de mercenaires et barbouzes français, et enfin l’invasion de l’armée angolaise – puissamment équipée grâce aux pompes à finances de l’Angolagate
Au Congo-Brazzaville, Elf était extrêmement satisfaite de Denis Sassou Nguesso, un dictateur « marxiste, toujours sous contrôle d’Elf », selon la délicieuse formule de son grand ami Le Floch. Le pays était spolié à souhait. Mais, en 1991, le peuple n’en a plus voulu. Des sortes d’« États généraux » de la démocratie, la Conférence nationale souveraine (CNS), ont été organisés. Contre la CNS, Elf et les réseaux ont tenté un putsch : ne réclamait-elle pas un audit de l’argent du pétrole ? Le putsch a échoué, mais Elf a corrompu les personnalités impliquées dans l’audit, nous apprend le curieux « auditeur » d’Elf, Pierre Fa. Elle n’a cessé de manœuvrer contre la démocratie puis le régime de Pascal Lissouba, élu à la suite de la CNS. Elle s’est impliquée dans la constitution et l’armement de milices, elle a continué de financer et d’armer le dictateur déchu Sassou Nguesso, jusqu’à provoquer une guerre civile en juin 1997. En même temps, l’argent du pétrole payait les armes côté Lissouba, si bien que dans ce conflit, selon le mot d’un député français, « il n’y a pas une balle qui n’ait été payée par Elf ».
Ancien bras droit de Charles Pasqua, le préfet Jean-Charles Marchiani a expliqué à la justice que la contrepartie des livraisons d’armes de l’Angolagate était une « aide » angolaise « à l’action de la France dans cette partie de la région, qui s’est concrétisée par l’envoi de troupes dans les deux Congo. » Nul citoyen français ne savait jusqu’alors que son pays s’était ainsi engagé dans deux des guerres civiles les plus meurtrières d’Afrique.
Restauré, Sassou II s’est trouvé rapidement confronté à une contradiction : il lui fallait des élections pour acquérir une légitimité internationale, mais il était sûr de les perdre à moins d’écraser les populations du Sud, majoritaires, qui lui demeurent hostiles. Il a donc déchaîné contre elles la coalition peu recommandable qui lui avait apporté la victoire. Entre décembre 1998 et décembre 1999, les agressions contre des civils ethniquement ciblés, au sud de Brazzaville et du pays, ont fait au moins autant de victimes que, durant la même période, les conflits au Kosovo, à Timor Est et en Tchétchénie réunis : probablement cent mille morts, quantité de villages rasés, le viol systématique de « plusieurs dizaines de milliers » de femmes, selon l’ONU. Plus d’un sixième de la population congolaise a dû fuir dans les forêts, où des dizaines de milliers de personnes, surtout les enfants et les vieillards, sont morts de faim et de maladies.
Au moins 353 jeunes réfugiés (peut-être un millier), rapatriés de Kinshasa vers le port de Brazzaville sous l’égide du Haut-commissariat aux réfugiés, ont été emmenés et froidement assassinés. Au nom de ces « disparus du Beach », l’association des parents, présidée par le colonel Marcel Touanga, a porté plainte pour crimes contre l’humanité en Belgique et en France. En vérité, la liste de ces crimes est une interminable litanie, et elle a connu des rallonges jusqu’en mars 2003.
La terreur et la fraude électorale ont permis de doter le Congo-Brazzaville d’une nouvelle Constitution quasi monarchique et d’un État entièrement dévoué à Denis Sassou Nguesso. Il est ainsi redevenu le complice idéal de Total (qui a absorbé Elf) pour la poursuite d’une équation surréaliste : l’échange d’un “plus” contre trois “moins”, du pétrole congolais contre une dette galopante, égale à trois fois le PIB du pays. Où s’opère cette alchimie ? Dans une chaîne de paradis fiscaux. L’argent du pétrole offshore se perd dans les comptes offshores.
Un peu de l’argent de la dette est quand même dépensé au Congo : depuis Genève, les comptes de la pétro-dette payaient, on l’a vu, les armes des deux camps de la guerre civile… La ruine, en prime. »
La déconfiture de la démocratie naissante du Congo a été un souhait de l’Elysée et de l’actuel pétrolier Total, les deux méprisant la vie des Congolais ont trouvé en Sassou-Nguesso un habile intermédiaire qui loue ses services pour leur satisfaction, au passage crimes et tortures gratuits sont administrés pour assurer la pérennité de cette idylle. Les simulacres d’élections avec la bénédiction de Paris érigées en théâtre d’achat de conscience à grande échelle dans les villes et villages, collectant la paupérisation des peuples comme un allié à la survie du système dont rares sont ceux qui y échappent. Des personnages hors communs tels les guerriers les plus tenaces, à la solde du régime sortent des urnes à la stupéfaction générale.
L’histoire retiendra un fait insolite, des nombreuses personnalités civiles dont certains étaient au centre des décisions prises à la CNS se sont retrouvées tels des sourds dans les bras de Dénis Sassou Nguesso pendant son très long coup d’état de juin à octobre 1997, entrain de l’aiguillonner, l’exhorter dans son aventure de désintégration de la démocratie par les armes.
Il s’agit de : Claude Ernst NDALLA dit « Graille », Maître Martin MBEMBA, Daniel BOUSSOUKOU-MBOUMBA, Jean Marie TASSOUA, l’avocat MASSENGO-TIASSE, Mathias DZON, Zacharie BOWAO, la liste est longue.
Ces curieux personnages qui avaient cautionné, approuvé, participé directement aux opérations militaires pour certains emporteront dans leur tombe, une partie du poids ayant écrasé la jeune démocratie. Aux chercheurs la lourde et délicate mission de retrouver les causes de leur motivation.
Vingt ans avant l’année de mis à l’écart de la démocratie au Congo en 1977, Marien Ngouabi, Alphonse Massamba-Débat deux chefs d’état, l’un en fonction l’autre en retrait des affaires, le cardinal Emile Biayenda furent horriblement assassinés en une semaine, des exécutions sommaires suivirent, annoncés avec fracas, comme si le pays venait de remporter une victoire militaire, le règne de la peur et résignation savamment distillée s’installa. Une gente militaire dont les medias répercutaient les discours de cruauté, les armes pointées sur la foule acheva brillamment à réduire au silence l’ensemble de la population.
Quatre décennies après, le principal acteur de cette tragédie tient les commandes, armes et fortunes dérobées à l’appui, des générations entières naissent et grandissent dans la soumission et la terreur.
Pour qu’une démocratie s’éteignent aussi facilement en 1997 il faut y ajouter l’hypocrisie des grandes puissances, dont les organisations servent de caution juridique et morale pour prendre le contrôle, la domestication et confiscation des matières premières qu’au strict respect des droits de l’homme et des libertés des peuples. Tant qu’un dictateur sert les multinationales, quel que soient les crimes et violations des droits de l’Homme il est fréquentable à souhait, des faveurs sont accordées auprès des institutions financières occidentales. Les puissances occidentales sans jamais oser le dire considèrent la démocratie comme un réel danger pour l’approvisionnement en matière première, la démocratie naissante du Congo a été tout au long de la trajectoire des 25 dernières années victime de cette règle non écrite.
Quant à l’Union Africaine qui assista les yeux fermés au bombardement de l’Otan en Lybie, elle apparait de plus en plus comme un fantôme politique, s’accommodant bien des pires dictatures que des régimes de bonne facture sur le continent, dans l’imposant immeuble qui abrite son siège à Addis-Abeba tous les dirigeants défilant à la tribune sont applaudis dans un mélange d’hypocrisie, elle est plutôt très habile comme syndicat des chefs d’états, l’histoire retiendra qu’elle a largement étalé son incapacité d’assumer le destin politique et économique des africains en toute objectivité, les esprits des leaders étant préoccupés et à l’écoute des puissances extra-africaines comme la défunte OUA (Organisation de l’unité africaine), héritage sans gloire des pères des indépendances africaines, broyée par le théâtre de la guerre froide Est-Ouest.
Il saute aux yeux que les pays africains pourvus de matières premières sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés à l’installation d’une démocratie, ce n’est pas un hasard. Les Africains doivent comprendre que la démocratie est au bout des efforts enthousiastes, conjugués, c’est une lutte contre les intérêts des transnationales, contre des lobbys érigés en mafia, qui savourent le contrôle du monde à travers des intermédiaires qui leur louent des services contre vents et marées.
Naturellement, les vingt années sont désormais derrière nous, ce qui reste à faire, constituer un édifice solide capable de loger toutes les vertus d’un peuple libéré des griffes d’une exclusivité imposée par la terreur des ex-communistes qui ont pris le pays et la sphère politique en otage.
ITOUA-ONDONGO