Bulletin du 22 au 29 octobre 2017
Au programme :
- Tel maître tel chien !
- Pas de Papa Noël pour les petits Guyanais
- Réception à l'Elysée du dictateur Sissi et relativisme sur les droits de l'homme
- Crimes de guerre dans la néocolonie françafricaine du Cameroun, que dit Macron ?
Macron's Watch
- Macron's Watch n°7. Silence sur le massacre du 17 octobre 1961 à Paris; "je fais et dis ce que je veux"
- Macron's Watch n°6. Droits de l'homme et double discours permanent
- Macron's Watch n°5. "Encore un autre président français raté" selon le NYT; Jupiter, Janus et terrorisme; Florilège de discours méprisants
- Macron's Watch n°4. Fin de la démocratie en France ? Psittacisme atlantiste sur le Venezuela et la Syrie ?
- Macron's Watch n°3. CPI; Recolonisation; OTAN; Néolibéralisme
- Macron's Watch n°2. Mépris, Aliénation et Crimes de guerre
- Macron's Watch n°1. Hollandisation ?; Néocolonialisme au sommet de l'armée; Rafle du Vel d'Hiv' et duplicité; Françafrique, néolibéralisme et suprématie blanche
- Pourquoi un Macron's Watch ?
Tel maître tel chien !
On savait que Macron faisait et disait ce qu'il voulait. Il l'a lui même reconnu dans Der Spiegel en déclarant "Je dis et fais ce que je veux" (MWn°7). Visiblement son chien, Nemo, fraîchement adopté en aout fait également ce qu'il veut à l'Elysée et le montre devant un parterre d'invités en urinant sur la cheminée de l'Elysée. Il aura sans doute encore besoin vu son adoption récente de quelques rudiments d'éducation supplémentaire.
Pas de Papa Noël pour les petits Guyanais
C'est une litanie fréquente dans la bouche de Macron que de dire à ses interlocuteurs "Je ne suis pas le Père Noël" lorsqu'il pressent que ceux-ci vont lui demander quelques oboles.
Mais il a fait une nouvelle bourde (s'ajoutant aux précédentes MW n°5) - vu le contexte de la crise socio-économique sévère qui frappe la Guyane en proie à l'insécurité - en visitant les Guyanais jeudi dernier et en leur déclarant tout de go :
"Je ne suis pas le Père Noël parce que les Guyanais ne sont pas des enfants"."L'Etat a fait trop de promesses qui n'ont pas été tenues. Donc je suis là pour dire les choses en vérité telles que je les vois, prendre des engagements que je saurai tenir durant mon quinquennat, et aussi assurer les éléments d'autorité indispensables sur ce territoire", a-t-il poursuivi.
Le seul hic, malgré ce qu'il a rajouté par la suite, c'est que la population guyanaise a pensé qu'il ne tiendrait pas les promesses du précédent gouvernement socialiste (dont il faisait partie en tant que ministre de l'économie) qui s'était engagé à verser 1 milliard d'euros aux collectivités territoriales de Guyane et son administration pour réduire la fracture sociale, sanitaire et économique entre la Guyane et la métropole. D'autant plus qu'il n'a pas rencontré les élus locaux de Cayenne à son arrivée, pour en fait aller directement à la frontière avec le Surinam. Une partie de la population et notamment des jeunes s'estimant traités avec mépris (MW n°2) a alors manifesté dans les rues de Cayenne. S'en est suivi une nuit d'échauffourées violentes avec la police.
Un peu d'éducation diplomatique ne ferait pas de mal au nouveau chef de guerre adopté par les Français avant l'été. Pour peu que l'on finisse par croire qu'il se comporte comme un enfant ?
Il a dû rattraper par la suite ce quiproquo en déclarant le lendemain des violences qu'il honorerait bien sûr les engagements économiques du précédent gouvernement dont il faisait parti et a dû descendre dans la rue pour rencontrer les Guyanais. Mais le mal est fait et les bruits, les informations circulent sur les réseaux sociaux et sur internet selon lesquels "Macron est le père Noël des riches".
Lire également :
- La révolution fiscale selon Macron : une « grande machine à redistribuer à l’envers » (Bastamag)
Réception à l'Elysée du dictateur Sissi et relativisme sur les droits de l'homme
Depuis le temps que nous disions que Macron avait une conception sélective des droits de l'homme, il vient d'en administrer la preuve en recevant à l'Elysée le dictateur égyptien Sissi parvenu au pouvoir suite à un coup d'Etat légitimé ensuite au travers d'élections contestables.
On avait compris que les droits de l'homme n'étaient pas le fort du chef de guerre Macron (MW n°7, MW n°6, MW n°4, MW n°2, MW n°1). Il le confirme en ayant reçu le dictateur égyptien Al Sissi à l'Elysée les 24 et 25 octobre 2017 et en ayant déclaré tout de go en conférence de presse qu'il ne veut "pas donner de leçons sur les droits de l'Homme à Sissi".
C'est somme toute assez logique quand on regarde le parcours du bonhomme (MW n°7, MW n°6, MW n°4, MW n°2, MW n°1) et les pratiques en matière de droits de l'homme de l'Etat français notamment dans son pré-carré d'Afrique francophone. Pour une fois que l'homme affiche une certaine cohérence sur ce sujet. On ne voit pas en effet très bien quelle aurait été sa légitimité pour parler des droits de l'homme. Les ventes d'armes sont sans doute beaucoup plus importantes que les droits de l'homme dans un Etat qui est habitué à les fouler du pied dans ses néocolonies ([Vidéos] France et Françafrique. Le régime de la Vème République est la prolongation du régime colonial et du régime de Vichy en Afrique !). .
Depuis 2015, l'Egypte a conclu des contrats d'armement avec la France pour plus de 6 milliards d'euros comprenant notamment 24 avions de combat Rafale, une frégate, deux porte-hélicoptères Mistral et des missiles. En effet, au cours des 3 dernières années, Paris n'a fait que renforcer sa coopération économico-militaire avec l'Égypte. Il s'agit du premier pays étranger à s'être officiellement porté acquéreur de chasseurs Rafale en 2015. Outre la livraison tant attendue des avions de combat de Dassault, le contrat de 2015, qui prévoyait également la vente d'une frégate multimissions (DCNS) et de missiles de croisière SCALP et air-air (MICA), avait alors rapporté gros aux équipementiers français: 5,2 milliards d'euros. Le prix du silence pour les violations du régime d'Al-Sissi ? En juillet 2017, il a été révélé que l'entreprise française Amesys avait vendu aux autorités égyptiennes en 2014 un système de renseignement - Cerebro -, qui a pu servir à identifier, surveiller, arrêter et torturer des opposants politiques ou des défenseurs des droits humains, selon l'Huffington Post. Pour Amnesty international : il existe de graves violations des droits humains en cours en Égypte, de la liberté d'expression bafouée aux répressions homophobes en passant par les ventes d'armes de la France qui permet à ce gouvernement de réprimer son peuple : "Le 21 août 2013, l'Union Européenne (UE) a demandé à ses États membres, dont la France, de suspendre leurs transferts d'armes vers l'Égypte, afin d'éviter qu'elles ne soient utilisées pour alimenter la répression sanglante dans le pays. La répression dure maintenant depuis plus de quatre ans. Pourtant depuis 2011, la France n’a jamais vendu et livré autant d’armes à l'Égypte, son quatrième plus important client sur la période 2007-2016. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, en dépit de la demande de l'UE et à l'encontre de ses engagements en tant que pays partie au Traité sur le commerce des armes (TCA), la France a continué à fournir des armes et des équipements pouvant servir à des fins de sécurité intérieure et de maintien de l’ordre, faisant d’elle un complice de la répression férocement mise en œuvre par les autorités égyptiennes". (Amnesty international E.Macron, al-Sissi : ce qu'il faut savoir avant la rencontre).
Emmanuel Macron a déclaré mardi qu'il ne voulait "pas donner de leçons" sur les droits de l'Homme au président égyptien Abdel Fattah Sissi, qu'il a reçu à l'Elysée.
"Il s'agit de ne pas donner des leçons hors de tout contexte" et "je suis conscient du contexte sécuritaire" auquel fait face le président égyptien, qui "a un défi, la stabilité de son pays" et "la lutte contre le fondamentalisme religieux", a déclaré le président français devant la presse.
Voici la définition de la conception des droits de l'homme par Macron qui selon lui doit tenir compte du contexte égyptien de lutte contre le terrorisme :
Au nom du contexte français avec la nouvelle loi sur le terrorisme, Macron va-t-il renoncer à la défense des droits de l'homme en France ? Certains magistrats et journalistes évoquent déjà la fin de l'Etat de droit :
- Christine Lazerges: le projet de loi antiterroriste est «une grave régression de l’Etat de droit» (Mediapart)
- Giorgio Agamben : "De l’Etat de droit à l’Etat de sécurité" (Le Monde)
A noter que Macron n'a pas jugé bon de revenir sur les massacres commis le 17 octobre 1961 par l'Etat français sous Papon-de Gaulle (MWn°7). Sans doute fallait-il tenir compte aussi du contexte ? Un trou noir dans la mémoire de l'administration Macron décidément bien lacunaire. L'amnésie menant à la reconduction, certains ont vu dans la nouvelle loi antiterroriste qui prolonge certains aspects de l'Etat d'urgence dans la loi, un risque de reconduction de l'horreur en France. Ainsi, le journal étatsunien du Washington Post "a comparé la nouvelle loi antiterroriste ,adoptée par l’assemblée nationale française, à une autre loi utilisée par la police parisienne pour commettre les massacres du 17 octobre 1961 contre les manifestants algériens qui sont descendus dans la rue pour réclamer l’indépendance. Pour ce journal, la loi Macron inclut des mesures controversées, entre autres le renforcement de l’autorité des services de sécurité au détriment du pouvoir judiciaire, l’autorisation des perquisitions, les assignations à résidence, la fermeture des lieux de culte aux "idées et théories" qui y seraient diffusées à des fins de soutien au terrorisme ainsi que les contrôles d’identités..."(La Loi Macron rappelle les massacres du 17 octobre 1961; Echoroukonline)
Conférence de Macron avec le Maréchal al-Sissi en intégrale
Crimes de guerre dans la néocolonie françafricaine du Cameroun, que dit Macron ?
Macron pourra sans doute évoquer à nouveau le contexte de la guerre contre le terrorisme pour s'abstenir de rappeler au régime camerounais, installé par la France gaulliste au prix d'une terrible répression des indépendantiste et de massacres de masse, la nécessité de faire respecter les droits de l'homme dans la néocolonie camerounaise. Selon Amnesty international, sur la base camerounaise de Salak, des militaires camerounais du BIR et des agents de la DGRE torturent de manière régulière voir assassinent les présumés terroristes alors que des troupes françaises et étatsuniennes y sont présentes (MWn°2). Un fait dénoncé par Amnesty international (AI), qui si il était avéré poserait la question de la complicité française de crimes de guerre au Cameroun. (Détention, torture et meurtre de présumés complice de Boko Haram, finalement innocentés : un Camerounais écrit à Paul Biya).
Mais le relativisme culturel françafricain en la matière ne mérite sans doute pas que Macron s'y arrête ?
A noter que lorsque le chef de guerre Macron reçoit des dirigeants des néocolonies françaises installés par l'Etat français (Déby, Ouattara...) qui n'ont rien à envier à Sissi, les médias français se taisent sur les droits de l'homme (MW n°6; MW n°3; MW n°1). Question sans doute aussi de relativisme culturel en la matière ?
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