Dans une tribune publiée sur jeuneafrique.com, nous attirions votre attention sur les omissions du film d’Édouard Deluc, qui tait les relations pédophiles du peintre dans la colonie française de Tahiti. Relayée par les réseaux sociaux puis par nos confrères, la polémique a permis d’ouvrir très largement le débat.
Le 20 septembre sortait sur les écrans un long-métrage d’Édouard Deluc, Gauguin, voyage de Tahiti. Parmi les critiques plus ou moins flatteuses parues dans la presse, aucune ne relevait alors ce qui nous avait profondément scandalisé, et que notre journaliste Léo Pajon vous révélait dans une tribune publiée sur notre site.
Ce biopic évoquant l’idylle du peintre français avec Tehura, une Polynésienne qui l’a inspiré, ne précise jamais que celle-ci était âgée de 13 ans. L’artiste, lui, avait 43 ans lorsqu’il la prit pour épouse en 1891. D’autres très jeunes filles partagèrent la vie et la couche de Gauguin : la jeune prostituée métisse Titi, ainsi que Pau’ura et Vaeoho (toutes deux âgées de 14 ans).
Dernier fâcheux coup de gomme, le maître – à qui l’on diagnostique simplement du diabète dans le film – était atteint de syphilis, une maladie sexuellement transmissible et potentiellement mortelle qu’il distribua généreusement dans l’île.
Replacés dans leur contexte historique, ces faits ternissent considérablement le portrait fantasmé dépeint par Édouard Deluc. Le cinéaste décrit un maître incompris, en marge du système colonial, retrouvant auprès d’une femme certes jeune, mais mature (l’actrice jouant le rôle de Tehura, Tuhei Adams, avait 17 ans lors du tournage) une certaine verdeur artistique.
Gauguin ne faisait que reproduire le comportement sordide des colons de la fin du XIXe siècle
Or, comme le rappelle Jean-François Staszak dans Gauguin voyageur (Géo Éditions), Gauguin ne faisait que reproduire le comportement sordide des colons de la fin du XIXe siècle dans ce lointain paradis. Il était en effet courant pour les célibataires blancs de prendre une « petite épouse » (comprendre : de moins de 15 ans) pour s’occuper des tâches domestiques et satisfaire leurs besoins sexuels.
Le peintre se vantait d’ailleurs auprès de ses correspondants français de leurs prouesses, sans faire de sentiment. Il écrit en 1896 à Alfred Vallette, directeur du Mercure de France, la grande revue parisienne de l’époque sur le monde des arts : « […] Il me reste à vous dire que Tahiti est toujours charmante, que ma nouvelle épouse se nomme Pahura, qu’elle a quatorze ans, qu’elle est très débauchée, mais cela ne paraît pas, faute de point de comparaison avec la vertu. Et finalement, que je continue à peindre des tableaux d’une grossièreté répugnante […]. »...