Lors de son "grand oral" à l’université de Ouagadougou, où il a innové en se confrontant aux questions des étudiants, Emmanuel Macron a habilement prétendu qu’« il n’y a plus de politique africaine de la France », tout en défendant « un lien indéfectible » entre la France et l’Afrique. Venu proposer « un nouveau partenariat » et même « d’écrire une nouvelle relation d’amitié », le président français n’a pas manqué de défendre des piliers essentiels de la politique africaine de la France et ouvert des perspectives aux entreprises françaises, notamment dans le secteur de la santé.
Pour Thomas Borrel, porte-parole de Survie, « durant son discours fleuve, Emmanuel Macron a volontairement éludé certains aspects essentiels de la politique franco-africaine comme le franc CFA ou la coopération militaire avec des dictatures, promu le rôle du secteur privé français et défendu une posture de prétendue neutralité vis-à-vis des dirigeants illégitimes qui s’accrochent au pouvoir. En assénant à plusieurs reprises ne pas être venu pour donner des leçons, il a cherché à exonérer les autorités françaises actuelles et passées de leur responsabilité dans la situation politique et économique de plusieurs pays d’Afrique francophone. Au final, cela s’apparente à un énième discours de "nouvelle" relation franco-africaine, comme si des formules incantatoires pouvaient gommer la part de responsabilité française dans tout ce que combat justement cette jeunesse africaine qu’il est venu célébrer ».
Certaines questions des étudiants ont contraint le président français à se faire plus précis sur certains sujets de fond. Il a ainsi reconnu à demi-mot la responsabilité française dans l’effondrement de la Libye, et s’est dit favorable à la déclassifications des archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara - mais sans évoquer une possible commission rogatoire pour que l’instruction ait lieu parallèlement en France, ce qui est pourtant la demande des juges burkinabè. Il a par contre opposé un argumentaire technique classique pour défendre le franc CFA, tout en prétendant qu’il s’agissait d’un "non-sujet" pour la France. Dans ses réponses à des étudiantes qui l’interpellaient sur la présence militaire française et sur la demande d’extradition vers le Burkina Faso de François Compaoré, Emmanuel Macron n’a même pas eu la décence de présenter des excuses officielles pour l’exfiltration par les forces spéciales françaises de Blaise Compaoré et ses proches en 2014. Au contraire, il a asséné : « vous ne devez qu’une chose pour les soldats français : les applaudir ! ». La visite d’Emmanuel Macron a par ailleurs été marquée par une hostilité évidente : outre les interpellations, polies mais franches, par les étudiants, des véhicules de la délégation ont été la cible de jets de pierres et de projectiles pendant le trajet vers l’université.
Pour Thomas Borrel, « même s’il tente toujours d’incarner le renouvellement et le changement politique, Emmanuel Macron ne peut pas venir défendre ouvertement ou implicitement des pans entiers de la politique africaine de la France, faire quelques promesses de visas à des étudiants et instrumentaliser l’insurrection burkinabè de 2014 sans craindre que son exercice arrogant de communication ne se retourne contre lui. Il avait l’opportunité de poser des actes concrets, il n’a posé que des mots, qui ne soigneront pas les maux de la Françafrique. Lui qui a pris un ton professoral pour expliquer qu’il n’était pas là pour donner des leçons, tout en passant son temps à en donner, il devrait pouvoir comprendre cela. »
L’association Survie avait publié la veille de ce discours un rapport sur la coopération militaire et policière, en dénonçant justement un non-dit récurrent de la politique africaine de la France. Le rapport « La coopération militaire et policière en Françafrique : de l’héritage colonial au partenariat public-privé » est disponible au téléchargement ICI
Revoir la séance de questions/réponses entre M. Macron et les étudiant.es :