Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Chronique des Fake News du New York Times sur la Russie et d'autres ennemis officiels : 1917-2017. (Monthly Review )

par Edward S. Herman 18 Novembre 2017, 18:33 NYT Fake News Médias Fausse information Propagande USA Articles de Sam La Touch

Chronique des Fake News du New York Times sur la Russie et d'autres ennemis officiels : 1917-2017
Article originel : Fake News on Russia and Other Official Enemies: The New York Times, 1917–2017
Par  Edward S. Herman*

Monthly Review, Aout 2017

 

Traduction SLT

Chronique des Fake News du New York Times sur la Russie et d'autres ennemis officiels : 1917-2017. (Monthly Review )

*Edward S. Herman, économiste, professeur émérite de la Wharton School et auteur prolifique, est décédé cette semaine à l'âge de 92 ans. Parmi ses nombreux livres figurent Manufacturing Consent, qu'il a écrit avec Noam Chomsky, et The Myth of the Liberal Media. L'article suivant est paru dans le numéro de juillet-août de Monthly Review .

Il a été amusant de voir le New York Times et d'autres grands médias exprimer leur consternation face à l'augmentation et à la diffusion de "fausses nouvelles", car ils considèrent leurs productions comme une vérité évidente, comme l'émanation d'un reportage direct, impartial et basé sur des faits. Ils offrent effectivement de telles infos, mais ils fournissent aussi un flux régulier de leurs propres fausses nouvelles, souvent en diffusant des informations fausses ou trompeuses qui leur sont fournies par l'État, d'autres branches du gouvernement et d'autres liées à de riches entreprises.

Une forme importante de fausses nouvelles des médias grand public est celle qui consiste à supprimer l'information qui remet en question leurs versions des faits. C'était le cas de "The Lie That Wasn' t Shot Down", le titre d'un éditorial paru dans le Times du 18 janvier 1988, qui faisait référence à une allégation de propagande survenue cinq ans plus tôt, selon laquelle les rédacteurs en chef avaient avalisé une info et n'avaient jamais cherché plus loin. Le mensonge - que les Soviétiques savaient que l'avion de ligne coréen 007, qu'ils ont abattu le 31 août 1983, était un avion civil - a finalement été découvert par le député Lee Hamilton, et non par le Times.

Les fausses informations des médias grand public sont particulièrement probables lorsqu'une ligne officielle est rapidement déterminée sur un sujet, et que les autres versions sont donc immédiatement rejetées comme naïves, antipatriotiques ou tout simplement fausses. Dans une illustration dramatique, Noam Chomsky et moi avons montré, pour un chapitre de livre intitulé "Worthy and Unworthy and Unworthy Victims", que la couverture par le Time, Newsweek, CBS News et le New York Times de l'assassinat du prêtre Jerzy Popieluzko en 1984 dans la Pologne communiste, un événement dramatique et politiquement utile pour les grands médias occidentaux politisés, a largement dépassé toute leur couverture médiatique des meurtres d'une centaine de personnalités religieuses tuées dans les Etats dlients d'Amérique latine soutenus par les Etats-Unis dans les années de l'après-guerre qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.[1] Mais il s'agissait en fait d'une forme de fausse nouvelle qui consistait à consacrer si sélectivement la couverture (et l'indignation) à une victime utile sur le plan politique, tout en ignorant l'assassinat d'un grand nombre de personnes que l'establishment politique cherchait à minimiser ou à occulter complètement.

"L'opposition zélée des rédacteurs aux Communistes a conduit le journal à rapporter des atrocités qui n'ont jamais eu lieu et à prédire l'effondrement imminent du régime bolchévique pas moins de  91 fois en trois ans."

Les fausses informations sur la Russie sont une tradition du Times qui remonte au moins jusqu'à la révolution de 1917. Dans une étude de la couverture médiatique de la Russie par ce journal de février 1917 à mars 1920, Walter Lippmann et Charles Merz ont constaté que "Du point de vue du journalisme professionnel, le reportage sur la Révolution russe n'est rien de moins qu'un désastre. Sur les questions essentielles, la couverture a presque toujours été mensongère, et les informations trompeuses sont pires que pas du tout..... Ces publications peuvent être accusées de crédulité sans borne et d'une volonté inlassable de se faire berner et, à maintes reprises, d'un manque flagrant de bon sens". [2]
Lippmann et Merz ont constaté qu'une forte partialité éditoriale alimentait clairement les reportages d'information. L'opposition zélée des rédacteurs en chef aux Communistes a conduit le journal à rapporter des atrocités qui n'ont jamais eu lieu, et à prédire l'effondrement imminent du régime bolchévique pas moins de 91 en trois ans. Les journalistes ont accepté sans réserve les déclarations officielles et se sont appuyés sur des informations émanant de "hautes autorités" non identifiées.

Ces fausses informations de 1917-1920 vont souvent se répéter dans les années qui suivront. L'Union soviétique était une cible ennemie jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, et grâce à tout cela, la couverture du Times était constamment hostile. Avec la fin de la guerre et l'émergence de l'Union soviétique en tant que rival militaire, et bientôt en tant que puissance nucléaire concurrente, la guerre froide a commencé. Aux États-Unis, l'anticommunisme est devenu une religion nationale, et l'Union soviétique a été dépeinte dans le discours officiel et les médias comme une menace mondiale urgente à contenir. Avec cette idéologie en place et les plans étatsuniens d'expansion du pouvoir à l'échelle mondiale établis, la menace communiste contribuerait à soutenir la croissance constante du complexe militaro-industriel et des interventions répétées pour contrer les prétendues agressions soviétiques [3].


 

Un premier grand crime : le Guatemala

L'un des cas les plus flagrants où la menace soviétique a été exploitée pour justifier la violence parrainée par les États-Unis a été le renversement du gouvernement social-démocrate du Guatemala en 1954 par une petite armée supplétive envahissant le Nicaragua de Somoza, un allié étatsunien. Cette action a été provoquée par les réformes gouvernementales qui ont inquiété les responsables étatsuniens, y compris une loi de 1947 autorisant la formation des syndicats, et les plans de rachat et la redistribution aux paysans sans terre de certains des biens non utilisés appartenant à la United Fruit Company et de ceux d'autres grands propriétaires terriens. Les États-Unis, qui avaient été parfaitement satisfaits de la dictature de Jose Ubico, qui durait depuis quatorze ans, ne pouvaient tolérer ce défi démocratique, et le gouvernement élu, dirigé par Jacobo Arbenz, fut bientôt accusé de diveres vilainies, sur la base d'une prétendue prise de contrôle communiste du gouvernement guatémaltèque [4].

Dans la campagne de propagande pré-invasion, les médias grand public se sont rangés derrière de fausses accusations de répression gouvernementale extrême, de menaces envers les voisins et de prise de contrôle communiste. Le Times rapporta à plusieurs reprises ces allégations d'abus et de menaces à partir de 1950 (un de mes articles préféré sur le genre fut celui de Sidney Gruson,"How Communists Won Control of Guatemala", 1er mars 1953). Arbenz et son prédécesseur, Juan José Arevalo, avaient soigneusement évité d'établir des ambassades avec les pays du bloc soviétique, craignant les représailles étatsuniennes - en vain. Après le retrait d'Arbenz et l'installation d'une dictature de droite, l'historien judiciaire Ronald Schneider, après avoir étudié 50 000 documents saisis auprès de sources communistes au Guatemala, a constaté que non seulement les communistes n'avaient jamais contrôlé le pays, mais que l'Union soviétique " n'avait pas fait d'investissements significatifs ni même matériels dans le régime Arbenz " et qu'elle était à l'époque trop préoccupée par les problèmes internes pour se préoccuper de l'Amérique centrale [5].

"Les rédacteurs n'ont pas noté que la politique étatsunienne au Guatemala avait précisément pour but de" bloquer le progrès social et économique "par la mise en place d'un régime de terreur réactionnaire."

Le gouvernement issu du coup d'État a rapidement attaqué et décimé les nouveaux groupes sociaux qui s'étaient formés à l'ère démocratique, principalement des organisations paysannes, ouvrières et d'enseignants. Arbenz avait remporté 65% des voix lors d'une élection libre, mais le "libérateur" Castillo Armas a rapidement remporté un "plébiscite" avec 99,6% des voix. Bien qu'il s'agisse là d'un résultat familier des régimes totalitaires, les grands médias n'avaient alors plus d'intérêt pour le Guatemala, évoquant à peine ce résultat électoral. Le Times a prétendu en 1950 que la politique étatsunienne du Guatemala "n'essayait pas de bloquer le progrès social et économique, mais souhaitait voir le Guatemala devenir une démocratie libérale". [6]  Mais après coup, les journalistes n'ont pas noté que la politique étatsunienne avait précisément pour but de "bloquer le progrès social et économique", par l'instauration d'un régime de terreur réactionnaire.

En 2011, plus d'un demi-siècle après 1954, le Times rapportait que le président guatémaltèque Alvaro Colom s'était excusé pour ce "grand crime", pour le renversement violent du gouvernement Arbenz,"un acte d'agression à un gouvernement qui commençait son printemps démocratique". [7] L'article mentionnait que, selon le président Colom, la famille Arbenz "cherchait à obtenir des excuses des États-Unis pour son rôle" dans ce grand crime. Le Times n'a jamais présenté d'excuses ni même reconnu son propre rôle dans ce grand crime.

Un autre grand crime : le Vietnam

Les fausses nouvelles ont abondé dans le Times et dans d'autres publications grand public pendant la guerre du Vietnam. La perception commune selon laquelle les rédacteurs du journal s'opposaient à la guerre est trompeuse et essentiellement fausse. Dans Without Fear or Favor, l'ancien journaliste du Times, Harrison Salisbury, a reconnu qu'en 1962, lorsque l'intervention des États-Unis s'est intensifiée, le Times appuyait "profondément et constamment" la politique de guerre [8]. Mais Salisbury ne reconnaît pas que de 1954 à aujourd'hui, le Times n' a jamais abandonné le cadre et le vocabulaire de la Guerre Froide, selon lequel les Etats-Unis s'opposaient à l'"agression" d'une autre nation et protégeaient le "Sud Vietnam"  ; le journal n'a jamais appliqué le mot "agression" à ce pays, mais l'a utilisé librement pour désigner les actions des Nord-Vietnamiens et celles du Front de Libération Nationale dans la moitié sud du Vietnam.

Les diverses pauses dans la guerre de bombardement étatsunienne en 1965 et après, dans l'intérêt présumé de "donner une chance à la paix", ont également servi de base à de fausses nouvelles alors que l'administration Johnson a profité de ces pauses temporaires pour calmer les manifestations anti-guerre, tout en faisant comprendre aux Vietnamiens que les responsables étatsuniens exigeaient une reddition complète. Le Times et les autres mass médias ont avalé cet appât sans aucun murmure de dissidence [9].

"De 1954 à nos jours, le Times n'a jamais abandonné le cadre et le vocabulaire de la guerre froide."

En outre, bien qu'à partir de 1965, le Times ait voulu publier davantage de rapports qui mettent la guerre sous un jour moins favorable, il n'a jamais rompu avec sa forte dépendance aux sources officielles, ni avec sa réticence à faire face aux dommages causés au Vietnam et à sa population civile par la machine de guerre étatsunienne. Contrairement à sa recherche avide de réfugiés cambodgiens des Khmers rouges après avril 1975, le journal a rarement cherché à obtenir des témoignages de millions de réfugiés vietnamiens fuyant les bombardements et la guerre chimique des États-Unis. Dans ses tribunes d'opinion également, la nouvelle ouverture se limitait aux commentateurs qui acceptaient les prémisses de la guerre et limitaient leurs critiques aux problèmes tactiques et aux coûts intérieurs. Du début à la fin, ceux qui ont critiqué la guerre comme une campagne immorale d'agression pure et simple ont été exclus du débat [10].

La tentative d'assassinat du Pape de 1981

Les médias grand public ont donné un nouvel élan à la propagande de la guerre froide en relatant la tentative d'assassinat du pape Jean-Paul II à Rome en mai 1981. À une époque où l'administration Reagan cherchait à diaboliser l'Union soviétique en tant qu'"empire du mal", la tentative de meurtre du pape par le fasciste turc Ali Agca fut rapidement lié à Moscou, aidé par les aveux d'Agca - après dix-sept mois d'emprisonnement, d'interrogatoires, de menaces, d'allégations - que les Bulgares et le KGB soviétique étaient derrière tout cela. Aucune preuve crédible n'a corroboré ce lien, les allégations étaient peu plausibles et la corruption dans le processus était remarquable. L'affaire contre les Bulgares (et implicitement le KGB) a été perdue, même dans le cadre judiciaire extrêmement biaisé et politisé de l'Italie. Mais le Times l'a acceptée et lui a accordée une attention prolongée, intense et totalement acritique, comme la plupart des médias étatsuniens.

Lors des auditions sénatoriales de 1991 sur la nomination de Robert Gates à la tête de la CIA, l'ancien officier Melvin Goodman a témoigné que la CIA savait dès le début que les aveux d'Agca étaient faux, parce qu'ils avaient "une très bonne pénétration" des services secrets bulgares. Le Times a omis cette déclaration dans son reportage sur le témoignage de Goodman. Au cours de la même année, alors que la Bulgarie est devenue membre du "monde libre", l'analyste conservateur Allen Weinstein a obtenu la permission d'examiner les dossiers des services secrets bulgares sur la tentative d'assassinat. Sa mission a fait l'objet de nombreux reportages, y compris dans le Times, mais quand il est revenu sans avoir trouvé quoi que ce soit impliquant la Bulgarie ou le KGB, plusieurs journaux, y compris le Times, ont trouvé que ses enquêtes n'étaient plus dignes d'être mentionnées.

Course aux armements

De 1975 à 1986 environ, la plupart des reportages sur le prétendu "fossé de missiles" entre les États-Unis et l'Union soviétique n'étaient rien d'autre que des fausses nouvelles, les journalistes du Times faisant circuler un flot incessant de déclarations officielles incendiaires et de déclarations sans fondement. Un cas important s'est produit au milieu des années 1970, alors que les faucons de droite de l'administration Ford tentaient d'intensifier la guerre froide et la course aux armements. Un rapport de 1975 de la CIA avait constaté que les Soviétiques visaient uniquement la parité nucléaire. C'était insatisfaisant, donc le chef de la CIA George H. W. Bush a nommé une nouvelle équipe de ligne dure, qui a rapidement découvert que les Soviétiques étaient en train d'atteindre la supériorité nucléaire et de se préparer à mener une guerre nucléaire. Ce soit-disant rapport de l'équipe B a été pris au pied de la lettre dans un article en première page du Times du 26 décembre 1976, par David Binder, qui a omis de mentionner son parti pris ou son but politique et n'a pas tenté de consulter des experts ayant des opinions divergentes. La CIA a finalement admis en 1983 que les estimations de l'équipe B relevaient du domaine de la fabrication pure et simple. Mais tout au long de cette période, le Times a soutenu la militarisation en diffusant de fausses informations, souvent réfutées de manière convaincante par Tom Gervasi dans son classique The Myth of Soviet Military Supremacy (Le Mythe de la suprématie militaire soviétique), un livre jamais analysé dans le Times.

Yougoslavie et "Intervention humanitaire".

Les guerres de démantèlement des années 1990 en Yougoslavie ont réussi à retirer un gouvernement indépendant du pouvoir et à le remplacer par un reste serbe brisé et des États pauvres et instables en Bosnie et au Kosovo. Elles ont également apporté un soutien injustifié au concept d'"intervention humanitaire", qui reposait sur une masse de fausses déclarations et de reportages sélectifs. Le leader serbe diabolisé Slobodan Miloševic n'était pas un ultra-nationaliste à la recherche d'une "grande Serbie", mais plutôt un leader non-aligné sur la ligne occidentale qui tentait d'aider les minorités serbes de Bosnie, de Croatie et du Kosovo à rester en Yougoslavie, les États-Unis et l'Union européenne soutenant une partition juridiquement discutable de plusieurs républiques yougoslaves constituantes. Il a soutenu chacune des propositions de règlement de ces conflits, qui ont été sabotées par les responsables bosniaques et étatsuniens qui voulaient de meilleures conditions ou la défaite militaire pure et simple de la Serbie, pour finalement parvenir à leur objectif. Miloševic n'avait rien à voir avec le massacre de juillet 1995 à Srebrenica, au cours duquel des Serbes bosniaques se sont vengés contre des soldats musulmans bosniaques qui avaient ravagé des villages serbes bosniaques proches de leur base de Srebrenica, sous la protection de l'OTAN. Les milliers de décès de civils serbes n'ont pratiquement pas été signalés dans les médias grand public, tandis que le nombre de victimes exécutées à Srebrenica a augmenté en conséquence [11].

L'ère Poutine

L'establishment politique étatsunien a été stupéfait et ravi par la chute de l'Union soviétique en 1989-1991, et ses membres se sont également réjouis de la politique du président Boris Eltsine, un client étatsunien virtuel, sous le régime duquel les Russes ordinaires ont subi une chute catastrophique de leur niveau de vie, tandis qu'un petit groupe d'oligarques a pu piller l'État brisé. La victoire électorale d'Eltsine en 1996, largement soutenue par des consultants, des conseils et de l'argent étatsuniens, a été, pour les rédacteurs en chef du Times,"Une victoire pour la démocratie russe".[12] Ils n'ont été dérangés ni par la fraude électorale, ni par la création d'une oligarchie économique fondée sur le pillage à grande échelle, ni, peu après, par les nouvelles règles centralisant le pouvoir dans la fonction présidentielle.[13]

Le successeur d'Eltsine, Vladimir Poutine, a progressivement abandonné l'assujettissement aux intérêts occidentaux et a été perçu comme une menace. Sa réélection en 2012, bien que certainement moins corrompue que celle d'Elltsin en 1996, a été critiquée dans les médias étatsuniens. L'article principal du Times du 5 mai 2012, publié le 5 mai 2012, présentait cette élection comme "une gifle au visage" par des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, affirmant qu'il n'y avait pas de véritable concurrence, et que "des milliers de manifestants antigouvernementaux se sont rassemblés sur la place de Moscou pour chanter La Russie sans Poutine".[14] Il n'y avait pas eu de "contestation de la légitimité" rapportée dans le Times après la victoire entachée d'Eltsine en 1996.

La diabolisation de Poutine s'est intensifiée avec la crise ukrainienne de 2014 et la guerre de Kiev qui a suivi en Ukraine orientale, le soutien russe à la résistance de l'Ukraine orientale et le référendum en Crimée et l'absorption de la Crimée par la Russie. Tout cela a été déclaré comme une "agression" par les États-Unis et ses alliés et clients, et des sanctions ont été imposées à la Russie, et un important déploiement militaire entre les États-Unis et l'OTAN a été initié sur les frontières de la Russie. Les tensions se sont intensifiées avec l'abatage du vol MH17 de la compagnie aérienne Malaysia Airlines au-dessus du sud-est de l'Ukraine - rapidement, mais presque sûrement à tort, les rebelles "pro-russes" et la Russie elle-même ont été accusés [15].

 

"L'appel du 'Times' à la punition de 'l'agression'" russe sans pertes humaines en Crimée contraste nettement avec son apologie du million et plus de victimes causées par l'agression étatsunienne délibérée en Irak à partir de mars 2003.

Les hostilités antirusses ont été exacerbées par l'intensification de l'intervention de la Russie en Syrie à partir de 2015, à l'appui de Bachar al-Assad et contre les forces rebelles qui étaient désormais dominées par l'Etat islamique (EI) et al-Nosra, une branche d'Al-Qaïda. Les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN et du Moyen-Orient commettent depuis plusieurs années une agression contre la Syrie, en alliance de facto avec Al-Nosra et d'autres factions islamiques extrémistes. L'intervention russe a inversé la tendance, contrariant l'objectif étatsunien et saoudien de changement de régime contre Assad et affaiblissant les alliés tacites des États-Unis.

 

Le Times a présenté une couverte apologétique constante de ces événements - pour le coup d'État de février 2014 à Kiev - qu'il n'a jamais qualifié comme tel, pour le rôle des États-Unis dans le renversement du gouvernement élu de Victor Ianoukovitch, et montrait une couverture furieuse et horrifiée du référendum sur la Crimée et face à l'absorption russe, qu'il n'a jamais accepté, ce qui pourrait être considéré en fait comme une réponse défensive russe face au coup d'État de Kiev. Ses appels en faveur d'une punition de "l'agression" russe sans pertes humaines en Crimée contrastent nettement avec son apologie pour le million et plus de victimes causées par l'agression étatsunienne "délibérée" (et non plus défensive) en Irak à partir de mars 2003. Les rédacteurs en chef et les chroniqueurs du journal condamnent le mépris de Poutine pour le droit international, tout en exemptant leur propre pays de toute critique pour ses violations répétées de ce même droit [16].
 

Dans les chroniques de reportage et d'opinion du Times, la Russie est régulièrement accusée d'être expansionniste et de menacer ses voisins, mais pratiquement aucune mention n'est faite par le Times [17] de l'expansion de l'OTAN jusqu'aux frontières russes  - et du déploiement d'armes antimissiles en Europe de l'Est -, ces derniers pays prétendant plus tôt répondre à une menace de missiles venant d'Iran ! En revanche, un membre du groupe russe Pussy Riot, Maria Alyokhina, s'est vu accorder un large espace d'opinion dans le journal pour dénoncer Poutine et la Russie, et le groupe punk rock s'est vu accorder une réunion avec le comité de rédaction du Times [18]. Pussy Riot avait perturbé une messe religieuse à Moscou et s'était arrêté seulement après l'intervention de la police, à la demande des autorités ecclésiastiques. Une peine d'emprisonnement de deux ans a suivi. Entre-temps, en février 2014, Sœur Megan Rice, une religieuse de quatre-vingt-quatre ans, a été condamnée à quatre ans de prison pour être entrée dans un site d'armes nucléaires des États-Unis en juillet 2012 et avoir organisé une manifestation symbolique. Le Times a fait une toute petite allusion à cette nouvelle dans sa section National Briefing, sous le titre "Tennessee Nun is Sentenced for Peace Protest": aucune chronique d'opinion ou réunion avec le conseil d'administration du Times pour Rice. Il y a des manifestants dignes et indignes, tout comme il y a des victimes dignes et indignes.

En Syrie, avec l'aide de la Russie, l'armée d'Assad et les milices alliées ont réussi à déloger les rebelles d'Alep, au grand dam de Washington et des mass médias. Il a été instructif de voir l'inquiétude exprimée au sujet des victimes civiles à Alep, accompagnée de photographies d'enfants abandonnés et d'histoires de souffrances et de privations civiles. L'accent mis par le Times sur ces civils et ces enfants et son indignation face à l'inhumanité du tandem Poutine-Assad contraste vivement avec leur silence sur les pertes civiles massives à Fallujah en 2004 et au-delà, et plus récemment dans les zones tenues par les rebelles en Syrie, et dans la ville irakienne de Mossoul, lors de l'offensive étatsunienne et alliée [19].

 

“L''intervention US dans les élections russes de 1996 a été manifeste, directe, et a dépassé de loin toute campagne secrète d'influence.""

Une autre phase de l'intensification de la Russophobie pourrait être datée des débats présidentiels d'octobre 2016, au cours desquels Hillary Clinton a déclaré que Donald Trump serait une "marionnette" de Poutine en tant que président, thème sur lequel sa campagne a commencé à mettre l'accent. Cet accent n'a fait que s'accentuer après les élections, avec l'aide des médias et des services de renseignements, alors que le camp Clinton cherchait à expliquer sa défaite électorale, à maintenir le contrôle du parti et peut-être même à faire annuler les résultats des élections devant les tribunaux ou le collège électoral en attribuant la victoire de Trump à l'ingérence russe.

 

La publication, en janvier 2017, d'un rapport du Bureau du directeur du renseignement national (DNI), intitulé Background of Assessing Russian Activities and Intention in Recent US Elections, a donné un élan majeur à l'influence de Poutine. Plus de la moitié de ce bref document est consacré au réseau d'information RT parrainé par la Russie, que le rapport considère comme une source de propagande illégitime. Cet organisme fait prétendument partie de la "campagne d'influence" de la Russie...[qui] aspirait à aider Trump à gagner lorsque cela était possible en discréditant la secrétaire d'État Clinton et en l'opposant publiquement à Trump de façon défavorable :" Il n' y a aucune preuve qu'il y ait eu une"  campagne  "planifiée, plutôt qu'une expression continue d'opinions et de jugements dans les médias. Les mêmes normes utilisées pour identifier une "campagne d'influence" russe pourraient être appliquées avec la même force aux médias étatsuniens et au traitement de Radio Free Europe pour toutes les élections russes - et bien sûr, l'intervention des États-Unis dans les élections russes de 1996 était manifeste, directe et allait bien au-delà de toute "campagne d'influence" secrète.

En ce qui concerne l'intervention plus directe de la Russie dans les élections étatsuniennes, les auteurs du DNI admettent l'absence de "preuves pleinement étayées", mais en fait, ils ne fournissent aucune preuve à l'appui de leurs affirmations, hypothèses et suppositions purement spéculatives. "Nous estimons que... Poutine a ordonné une campagne d'influence en 2015 ", écrivent-ils, conçus pour vaincre Mme Clinton, et "pour saper la confiance du public dans le processus démocratique étatsunien", mais ils ne fournissent aucune preuve d'un tel ordre. Le rapport ne contient pas non plus de preuves que la Russie a piraté les communications du Comité national démocrate (CND) ou les courriels de Clinton et de l'ancien directeur de campagne de Clinton John Podesta, ou qu'elle a donné des informations piratées à WikiLeaks. Julian Assange et l'ancien diplomate britannique Craig Murray ont affirmé à maintes reprises que ces sources avaient été divulguées par des initiés locaux, et non piratées de l'extérieur. Les experts chevronnés du renseignement William Binney et Ray McGovern soutiennent également que les preuves de WikiLeaks ont été divulguées, et non piratées [20]. Il est également remarquable que des trois agences de renseignement qui ont signé le document DNI, l'Agence de sécurité nationale - l'agence la plus susceptible d'avoir la preuve du piratage russe et de sa transmission à WikiLeaks, ainsi que des "ordres" de Poutine - aient exprimé une "confiance modérée" dans ses conclusions.

 

"Les mêmes normes utilisées pour identifier une campagne d'influence russe pourraient être appliquées avec la même force aux médias étatsuniens."

Mais comme pour les Rouges au pouvoir au Guatemala, les Soviétiques devançant les missiles étatsuniens, ou le KGB complotant pour assassiner le pape, le Times a pris l'histoire du piratage informatique russe comme un fait établi, malgré l'absence de preuves tangibles. Le journaliste du Times, David Sanger, fait référence au "rapport accablant et étonnamment détaillé sur les efforts déployés par la Russie pour saper le système électoral étatsunien", mais reconnaît ensuite que le rapport publié "ne contient aucune information sur la façon dont les agences sont...parvenues à leurs conclusions." [21].

Le Times n'a jamais cité ni donné de place à William Binney, Ray McGovern ou Craig Murray, chefs de file des autorités dissidentes sur la technologie, la méthodologie et les spécificités des pirates informatiques. Mensch est une théoricienne de la conspiration notoire, qui n'a pas de formation technique pertinente, elle est décrite par les écrivains Nathan Robinson et Alex Nichols comme plus connue pour "avoir passé la majeure partie de son temps sur Twitter à émettre des dénonciations frénétiques d'armées imaginaires de" Poutinbots "en ligne, ce qui fait d'elle "l'une des personnes les moins crédibles sur Internet" [22].
Mais elle est publiée dans le Times parce que, contrairement à Binney et Murray, qui sont informés et crédibles, elle suit la ligne du parti, prenant pour prémisse le piratage russe du CND.

L'intervention effrontée de la CIA dans le processus électoral en 2016 et 2017 a ouvert de nouvelles voies dans la politisation de l'agence. L'ancien chef de la CIA, Michael Morell, a annoncé en août 2016 dans un article d'opinion paru dans le Times :"J'ai dirigé la C. I. A.". "Maintenant, je soutiens Hillary Clinton", et l'ancien patron de la CIA Michael Hayden a publié un article d'opinion dans le Washington Post quelques jours avant les élections, intitulé "Former CIA Chief: Trump is Russia’s Useful Fool (Ancien chef de la CIA : Trump est l'idiot utile de la Russie." Morell avait encore un autre article d'opinion dans le Times du 6 janvier, attaquant ouvertement le nouveau président. Ces attaques insultaient sans relâche Trump et louaient Clinton, en décrivant Trump comme un traître ; elles montraient aussi clairement que la position plus pugnace de Clinton envers la Syrie et la Russie était de loin préférable aux penchants de Trump pour la négociation et la coopération avec la Russie.

 

"Nous avons peut-être assisté à un début d'espionnage ou à un coup d'État de palais qui n'a pas réussi, mais qui a quand même eu l'effet escompté d'affaiblir la nouvelle administration."

 

C'était également vrai pour le scandale entourant l'appel téléphonique de Michael Flynn, ancien candidat à la Trump Defense Intelligence, avec l'ambassadeur russe, qui aurait pu inclure une discussion sur les actions politiques de la nouvelle administration. Les responsables de l'administration sortante d'Obama, le personnel de sécurité et les principaux médias ont rapidement saisi les possibilités politiques de cette interaction, notamment le FBI qui a interrogé Flynn suivi de manifestations généralisées d'horreur sur l'action de Flynn qui aurait pu être soumis à un chantage des Russes. Mais de telles réunions préalables à l'investiture avec des diplomates russes ont été une "pratique courante" selon Jack Matlock, l'ambassadeur des États-Unis en Russie auprès de Reagan et Bush, et Matlock ont personnellement organisé une telle rencontre pour Jimmy Carter [23]. L'ambassadeur d'Obama en Russie, Michael McFaul, a admis qu'il se rendait à Moscou pour s'entretenir avec des responsables en 2008, avant même les élections. Daniel Lazare a démontré que non seulement l'illégalité et la menace de chantage sont peu plausibles, mais que l'interrogatoire de Flynn par le FBI est un véritable piège. Pourtant, les libéraux anti-trump tentent de convaincre le public que cet évènement est pire que le Watergate.” [24]

Le point politique du rapport DNI semble donc avoir été, au minimum, de lier les mains de l'administration Trump dans ses rapports avec la Russie. Certains analystes de l'extérieur du courant dominant ont fait valoir que nous avons peut-être assisté à un coup d'État naissant d'espionnage ou de palais qui n'a pas réussi, mais qui a quand même eu l'effet escompté d'affaiblir le nouveau gouvernement. [25] Le Times n'a pas critiqué cette politisation et cette intervention dans le processus électoral par des agences de renseignements, et en fait les rédacteurs en chef ont travaillé avec eux et le Parti démocrate en tant qu'équipe souple dans le cadre d'un programme nettement antidémocratique.

Le Times et les médias grand public en général ont également à peine mentionné le fait embarrassant que les courriels prétendument piratées du CND, de Clinton et Podesta révélaient des faits incontestés sur les manipulations électorales réelles au nom de la campagne de Clinton, des faits que le public avait le droit de savoir et qui auraient pu affecter les résultats des élections. Le fait de se concentrer sur les allégations sans preuves d'une intrusion russe de piratage a aidé à détourner l'attention des véritables abus électoraux révélés par WikiLeaks. Là encore, les fausses nouvelles des médias officiels et grand public ont contribué à cacher de vraies nouvelles.

"L'accent mis sur les allégations sans preuves d'une intrusion russe de piratage a aidé à détourner l'attention des véritables abus électoraux révélés par WikiLeaks."

 

Une autre flèche dans le carquois de la russophobie fut un "dossier" de renseignement privé compilé par Christopher Steele, un ancien agent de renseignement britannique travaillant pour Orbis Business Intelligence, une firme privée embauchée par la CND pour trouver des infos contre Trump. Le premier rapport de Steele, publié en juin 2016, a porté de nombreuses allégations sérieuses contre Trump, notamment que Trump avait été pris dans une escapade sexuelle à Moscou, que son avancée politique avait été soutenue par le Kremlin pendant au moins cinq ans, sous la direction de Poutine, afin de semer la discorde au sein de l'establishment politique étatsunien et de perturber l'alliance occidentale. Ce document s'appuyait sur des conversations présumées de Steele avec des responsables étrangers (russes) - c'est-à-dire strictement sur des preuves par ouï-dire, dont les allégations, là où elles sont vérifiables, sont parfois erronées [26]. Le Times s'est couvert quelque peu sur sa propre coopération dans cette campagne sordide en qualifiant le rapport de "non vérifié", mais il a néanmoins rapporté les allégations [27].

Le dossier Steele est également devenu un élément central de l'enquête et des auditions sur le "Russiagate" tenues par la Commission du renseignement de la Chambre des représentants à partir de mars 2017, dirigée par le représentant démocrate Adam Schiff. Alors qu'il fondait sa déclaration liminaire sur le dossier dont les charges reposaient sur le ouï-dire, Schiff n'a manifesté aucun intérêt pour établir qui finançait l'effort de Steele, l'identité et le statut exact des fonctionnaires russes cités, ou combien ils étaient payés. Apparemment parler à des Russes avec un projet d'influencer une élection présidentielle étatsunienne est parfaitement acceptable si le candidat soutenu par cette intrusion est anti-russe !

Le Times a joué un rôle majeur dans cette dernière vague de Russophobie, rappelant sa performance de 1917-1920 dans laquelle, comme Lippmann et Merz l'ont noté en 1920,"la crédulité sans bornes, et une volonté infatigable d'être berné" caractérisaient le processus de production des informations. Tout en citant l'aveu de la CIA selon lequel elle n'avait pas de preuves tangibles, s'appuyant plutôt sur des "preuves circonstancielles" et des "compétences", le Times était heureux de décrire ses compétences en détail et d'insinuer qu'elles prouvaient quelque chose [28]. Les éditoriaux et les articles de presse ont travaillé uniformément sur la fausse supposition que le piratage russe était prouvé, et que les Russes avaient donné ces données à WikiLeaks, également non prouvées et vigoureusement niées par Assange et Murray.

"Les éditoriaux et les articles de presse ont travaillé uniformément sur la fausse supposition que le piratage russe a été prouvé."
 

Le Times s'est allié au Washington Post pour semer la crainte d'une guerre de l'information russe et d'un engagement illicite avec Trump. Le Times allie maintenant facilement les fausses nouvelles à toute critique des institutions établies, comme dans Europe Combats a New Foe of Political Stability: Fake News, de Mark Scott et Melissa Eddy, 20 février 2017 [29]. Mais ce qui est plus extraordinaire, c'est l'uniformité avec laquelle les chroniqueurs réguliers du journal acceptent, compte tenu de l'évaluation de la CIA du piratage et de la transmission russe à WikiLeaks, la possibilité ou la probabilité que Trump est une marionnette russe. Cette acceptation d'une nouvelle ligne du parti de la guerre s'est largement répandue dans les médias libéraux. Le Times et le Washington Post ont tous deux tacitement soutenu l'idée que cette menace de "fausse information" doit être freinée, peut-être par une forme de censure volontaire organisée par les médias ou une intervention gouvernementale qui, au moins, exposerait la contrefaçon.

L'épisode médiatique le plus remarquable de cette campagne anti-influence fut l'article de Craig Timberg paru dans le Post,"l'effort de propagande russe a aidé à diffuser de" fausses informations"pendant les élections, disent les experts" qui comportait un rapport d'un groupe d'experts anonymes appelé PropOrNot qui prétendait avoir identifié deux cents sites Web qui, avec ou sans esprit, étaient des "colporteurs usuels de la propagande russe". Mais le Post a accueilli favorablement et promu cet effort de McCarthyite, qui pourrait bien être un produit de la guerre de l'information du Pentagone ou de la CIA. (Et ces entités sont elles-mêmes bien financées et fortement engagées dans le domaine de la propagande).

"Le Times allie facilement les fausses informations aux critiques des institutions établies."

Le 23 décembre 2016, le président Obama a signé la loi Portman-Murphy Countering Disinformation and Propaganda Act, qui devrait permettre aux États-Unis de lutter plus efficacement contre la propagande et la désinformation étrangères (à savoir les Russes et les Chinois). Il encouragera les efforts de contre-propagande du gouvernement et fournira des fonds aux entités non gouvernementales pour les aider dans cette entreprise. Il s'agit clairement d'une suite aux allégations de piratage et de propagande russes, et partage l'esprit de la liste de deux cents sites pro-Moscou figurant dans le Washington Post. (Peut-être que PropOrNot ne sera pas admissible à une subvention et pourra peut-être élargir sa liste.) Les libéraux se sont tus sur cette nouvelle menace à la liberté d'expression, sans doute influencés par leurs craintes de fausses informations et de propagande russes. Par contre, ils peuvent encore le remarquer, même tardivement, quand Trump ou l'un de ses successeurs oeuvrent à de fausses nouvelles et à de la propagande.

 

Le succès de la campagne menée par le parti de la guerre pour contenir ou inverser toute tendance visant à apaiser les tensions avec la Russie a été mis en évidence de manière spectaculaire dans la réponse rapide de l'administration Trump aux bombardements du 4 avril 2017, date à laquelle des armes chimiques syriennes ont été utilisées. Le Times et d'autres rédacteurs en chef des médias grand public et des journalistes ont accueilli cette démarche agressive avec un enthousiasme presque uniforme et, une fois de plus, n'ont pas eu besoin de preuves de la culpabilité d'Assad au-delà des allégations de leur gouvernement [31]. L'action a nui à Assad et à la Russie, mais a bien servi les rebelles.

 

Mais les médias grand public ne demandent jamais à Cui Bono ? dans ce genre de cas. En 2013, une accusation similaire contre Assad, qui a amené les États-Unis au bord d'une guerre de bombardement à grande échelle en Syrie, s'est avérée être une opération sous faux drapeau, et certaines autorités estiment que le cas actuel est tout aussi problématique [32]. La CIA, le Pentagone, les Démocrates de premier plan et le reste du parti de la guerre avaient gagné un important point dans la lutte pour une guerre permanente.

 

 

Références :
 

  1. Noam Chomsky and Edward S. Herman,Manufacturing Consent (New York: Pantheon, 2008), chapter 2.
  2. Walter Lippmann and Charles Merz,A Test of the News (New York: New Republic, 1920).
  3. On the Grand Area framework, see Noam Chomsky, “The New Framework of Order,” inOn Power and Ideology (Boston: South End, 1987).
  4. Edward S. Herman, “Returning Guatemala to the Fold,” in Gary Rawnsley, ed.,Cold War Propaganda in the 1950s (London: Macmillan, 1999).
  5. Ronald Schneider,Communism in Guatemala, 1944–1954 (New York: Praeger, 1959), 41, 196–97, 294.
  6. Editorial Board, “The Guatemala Incident,”New York Times, April 8, 1950.
  7. Elisabeth Malkin, “An Apology for a Guatemalan Coup, 57 Years Later,”New York Times, October 11, 2011.
  8. Harrison Salisbury,Without Fear or Favor (New York: Times Books, 1980), 486.
  9. Richard Du Boff and Edward Herman,America’s Vietnam Policy: The Strategy of Deception(Washington, D.C.: Public Affairs, 1966).
  10. See Chomsky and Herman,Manufacturing Consent, chapter 6.
  11. Editorial Board, “A Victory for Russian Democracy,”New York Times, July 4, 1996.
  12. Edward S. Herman and David Peterson, “The Dismantling of Yugoslavia,”Monthly Review 59, no. 5 (October 2007); Herman and Peterson, “Poor Marlise: Her Old Allies Are Now Attacking the Tribunal and Even Portraying the Serbs as Victims,” ZNet, October 30, 2008, http://zcomm.org.
  13. Stephen F. Cohen,Failed Crusade: America and the Tragedy of Post-Communist Russia (New York: Norton, 2000).
  14. Ellen Barry and Michael Schwartz, “After Election, Putin Faces Challenges to Legitimacy,”New York Times, March 5, 2012.
  15. Robert Parry, “Troubling Gaps in the New MH-17 Report,” Consortium News, September 28, 2016, http://consortiumnews.com.
  16. Paul Krugman says, “Mr. Putin is someone who doesn’t worry about little things like international law” (“The Siberian Candidate,”New York Times, July 22, 2016)—implying, falsely, that U.S. leaders do “worry about” such things.
  17. A version of Mearsheimer’s article appeared as “Why the Ukraine Crisis Is the West’s Fault,”Foreign Affairs, September 10, 2014. The paper likewise rejected Stephen Cohen’s 2012 article “The Demonization of Putin.”
  18. “Sochi Under Siege,”New York Times, February 21, 2014.
  19. Michael Kimmelman, “Aleppo’s Faces Beckon to Us, To Little Avail,”New York Times, December 15, 2016. Above this front-page article were four photographs of dead or injured children, the most prominent one in Syria. The accompanying editorial, “Aleppo’s Destroyers: Assad, Putin, Iran,” omits some key actors and killers. See also Rick Sterling, “How US Propaganda Plays in Syrian War,” Consortium News, September 23, 2016.
  20. William Binney and Ray McGovern, “The Dubious Case on Russian ‘Hacking,’” Consortium News, January 6, 2017.
  21. David Sanger, “Putin Ordered ‘Influence Campaign’ Aimed at U.S. Election, Report Says,”New York Times, January 6, 2017.
  22. Nathan J. Robinson and Alex Nichols, “What Constitutes Reasonable Mainstream Opinion,”Current Affairs, March 22, 2017.
  23. Jack Matlock, “Contacts with Russian Embassy,” Jack Matlock blog, March 4, 2017, http://jackmatlock.com.
  24. Daniel Lazare, “Democrats, Liberals, Catch McCarthyistic Fever,” Consortium News, February 17, 2017.
  25. Robert Parry, “A Spy Coup in America?” Consortium News, December 18, 2016; Andre Damon, “Democratic Party Floats Proposal for a Palace Coup,” Information Clearing House,” March 23, 2017, http://informationclearinghouse.info.
  26. Robert Parry, “The Sleazy Origins of Russia-gate,” Consortium News, March 29, 2017.
  27. Scott Shane et al., “How a Sensational, Unverified Dossier Became a Crisis for Donald Trump,”New York Times, January 11, 2017.
  28. Matt Fegenheimer and Scott Shane, “Bipartisan Voices Back U.S. Agencies On Russia Hacking,”New York Times, January 6, 2017; Michael Shear and David Sanger, “Putin Led a Complex Cyberattack Scheme to Aid Trump, Report Finds,”New York Times,January 7, 2017; Andrew Kramer, “How Russia Recruited Elite Hackers for Its Cyberwar,”New York Times, December 30, 2016.
  29. Robert Parry, “NYT’s Fake News about Fake News,” Consortium News, February 22, 2017.
  30. Matt Taibbi, “The ‘Washington Post’ ‘Blacklist’ Story Is Shameful and Disgusting,”Rolling Stone, November 28, 2016.
  31. Adam Johnson, “Out of 47 Media Editorials on Trump’s Syria Strikes, Only One Opposed,” Fairness and Accuracy in Reporting, April 11, 2017, http://fair.org.
  32. Scott Ritter, “Wag the Dog—How Al Qaeda Played Donald Trump and The American Media,” Huffington Post, April 9, 2017; James Carden, “The Chemical Weapons Attack in Syria: Is There a Place for Skepticism?”Nation, April 11, 2017.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Haut de page