Arabie Saoudite : la crise qui vient dans le Royaume saoudien (TeleSUR)

Arabie Saoudite : la crise qui vient dans le Royaume saoudien
Article originel : Saudi Arabia: The Coming Crisis in the Kingdom
Par Pierre Gootee
TeleSUR

Traduction SLT

/Au fur et à mesure que le pouvoir au sein de la monarchie change, que les conflits internationaux s'intensifient, que les tensions internes augmentent et que le besoin désespéré de diversification économique se fait sentir, comment la Maison des Saoud gérera-t-elle les inévitables difficultés à venir ?

Ces derniers mois, le Royaume d'Arabie saoudite a resserré son blocus contre le Yémen, pays ravagé par la guerre. Ce resserrement a été justifié par le lancement d'un missile balistique de longue portée par les rebelles Houthi vers la capitale Riyad en novembre. Malgré ces tactiques brutales au Yémen qui ont été critiquées par l'ONU, l'UE et de nombreuses organisations humanitaires, le Royaume a tenté désespérément d'améliorer son image internationale au cours de l'année écoulée. Le président étatsunien Donald Trump, bien que soutenant l'intervention, a récemment fait une déclaration exhortant l'Arabie saoudite à mettre fin à son blocus et à autoriser l'aide humanitaire au Yémen.

Selon des responsables saoudiens, le missile Houthi a parcouru près de 1 000 km et a failli frapper le cœur du Royaume dans la capitale Riyad avant d'être intercepté au-dessus de l'aéroport international. Cependant, une analyse récente du New York Times suggère que le Patriot Missile Defense System a échoué cinq fois à intercepter le missile, qui a peut-être simplement éclaté en raison de la vitesse et de la force. Selon l'analyse, l'ogive du missile a en effet explosé à environ 19 km du reste des débris alors que l'ogive mortel survolait le système de défense antimissile. L'explosion s'est produite à environ 2 km d'un terminal rempli de civils.

Si cette analyse se vérifie, l'échec du système de défense Patriot jettera certainement le doute sur les capacités de défense d'autres pays qui en dépendent, comme Israël, la Corée du Sud, le Japon et l'Allemagne. En même temps, cela va encourager leurs ennemis, comme la Corée du Nord et les Houthis, à développer davantage leur propre programme de missiles afin d'exploiter cette faiblesse. Jusqu'à présent, le conflit a surtout touché les régions frontalières saoudiennes, en particulier les régions autour de Najran. Toutefois, comme les Houthis continuent de démontrer les capacités à longue portée de leurs missiles, personne dans le pays ne se sentira en sécurité et la situation continuera probablement de s'aggraver.

Les relations publiques pressent

La Maison des Saoud et leur étoile montante, le prince héritier Mohammed bin Salman, ne sont pas insensibles aux opinions mondiales. Un système extrêmement strict de la charia wahabbite, une intervention militaire sanglante au Yémen et l'ascension machiavélique du prince héritier au pouvoir ne sont que quelques exemples qui minent la position saoudienne aux yeux du monde. La crise actuelle au Yémen rend l'avenir assez sombre, mais l'ambitieux prince héritier tente de se recentrer sur les grands projets qu'il veut réaliser d'ici 2030.

L'une des idées les plus controversées envisagées par le prince héritier est l'évolution vers un islam modéré. L'Arabie saoudite a déjà fait un pas dans cette direction en accordant récemment aux femmes le droit de conduire et en retirant progressivement la plus grande partie du pouvoir à la tristement célèbre police religieuse de Mutaween. Il projette également de construire une mégapole transnationale futuriste près du golfe d'Aqaba appelée NEOM, de commencer à délivrer des visas touristiques aux étrangers et même de construire une série de stations balnéaires où les femmes sont autorisées à porter des bikinis. Pour aider à financer ce projet, le Prince héritier prévoit de vendre 5% de la compagnie pétrolière publique Aramco à des investisseurs internationaux.

Toutes ces idées semblent être un pas dans la bonne direction. Cependant, le Royaume pourrait entrer en crise et s'enflammer. Ces plans aliènent les religieux wahabbites radicaux qui exercent un pouvoir et une influence considérables dans le pays. De plus, l'Arabie saoudite a déjà aliéné sa minorité chiite opprimée. Les tensions sectaires se sont exacerbées avec le siège récent de la ville à majorité chiite d'Awamiyah, où 20 000 civils ont été contraints de fuir leurs maisons. Alors que les missiles extérieurs et les affrontements frontaliers à proximité du Yémen s'avèrent être des problèmes colossaux pour la monarchie, les conflits internes potentiels pourraient représenter la plus grande menace pour la Maison des Saoud.

La crise humanitaire

Comme pour la Syrie, la Libye, l'Afghanistan et l'Irak, le conflit au Yémen a dégénéré en un conflit sanglant et prolongé. L'intervention saoudienne a créé une crise humanitaire d'une ampleur sans précédent. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans sa mise à jour d'octobre, il y a eu au total 922 704 cas de choléra, dont 2317 décès liés au choléra, en un an seulement. La famine se profile aussi à l'horizon pour le pays déchiré par la guerre. Le Yémen dépend des importations pour 90 % de sa nourriture, ce qui signifie qu'un blocus continu entraînerait une famine massive.

Cette crise humanitaire est due à la destruction par l'Arabie saoudite des infrastructures yéménites par les bombardements incessants et est exacerbée par le blocus susmentionné. Les organisations humanitaires ont désespérément besoin non seulement de nourriture mais aussi de carburant pour distribuer leur aide. La semaine dernière, huit dirigeants des Nations unies ont appelé l'Arabie saoudite à lever complètement le blocus, seul moyen d'éviter un effondrement total et une tragédie humanitaire massive qui pourrait coûter la vie à des millions de personnes.

La situation est devenue si grave que le président Trump a récemment demandé à ses alliés saoudiens de mettre fin au blocus. Cependant, si les Saoudiens ne réagissent pas assez rapidement et efficacement à ces plaidoyers, une famine de masse est inévitable. Même si une telle crise est évitée, l'épidémie de choléra de masse et l'intervention bâclée ont déjà laissé un point noir inévitable sur la réputation de la Maison Saoudienne, quel que soit le succès de leurs projets pour 2030.

Redevance en péril

La Maison des Saoud se trouve actuellement dans une situation difficile. L'inaction et le maintien de leur confortable statu quo conduiront à l'effondrement économique en cas de krach pétrolier et seront éclipsés par des puissances rivales comme l'Iran. D'un autre côté, agir peut diversifier leur économie et les placer dans une position de leadership mondial, mais aussi mettre à rude épreuve les tensions sociales au sein du pays et mener à des conflits militaires dévastateurs à l'étranger. Bien que la famille royale a des rêves ambitieux pour l'année 2030, leur royaume pourrait finir par se retrouver face à un cauchemar.