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Le retrait militaire de la Russie amènera le président Assad à faire des "compromis" (Oriental Review)

par Andrew Korybko 12 Décembre 2017, 18:14 Assad Poutine Syrie Concession Départ Armée russe Russie Articles de Sam La Touch

Le retrait militaire de la Russie amènera le président Assad à faire des "compromis".
Article originel : Russia's Military Withdrawal Will Prompt President Assad To "Compromise"
Par Andrew Korybko
Oriental Review


Traduction SLT

La Russie a tout à fait le droit de retirer la plupart de ses forces aérospatiales de Syrie après la défaite de l'Etat islamique (EI), l'une des conséquences les plus immédiates de cette décision étant qu'elle incitera le président Assad à faire un "compromis politique" avec l'"opposition".

Le retrait militaire de la Russie amènera le président Assad à faire des "compromis" (Oriental Review)

Lors de la visite surprise du président Poutine en Syrie, le dirigeant russe a annoncé le retrait massif des forces aérospatiales de son pays de la République arabe, ce qui signifie que Moscou croit vraiment que l'Etat islamique (EI) est vaincu et que sa mission initiale en Syrie a été accomplie. Il convient de rappeler que l'intervention antiterroriste de la Russie en 2015 a été déclenchée par la nécessité de détruire cette menace terroriste internationale, bien que d'autres organisations terroristes plus actives sur le plan local ont également été ciblées afin d'être éliminées au cours des évènements.

Contrairement à certaines attentes et déductions trompeuses partagées par quelques plates-formes de médias alternatifs depuis lors, la Russie ne s'est pas impliquée en Syrie afin de "sauver Assad", mais pour protéger l'ordre constitutionnel de l'Etat et empêcher sa chute sur le mode libyen aux mains des terroristes. À cette fin, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a même fait remarquer une fois que "Assad n'est pas notre allié, soit dit en passant. Oui, nous le soutenons dans la lutte contre le terrorisme et la préservation de l'État syrien. Mais il n'est pas un allié comme la Turquie est l'allié des Etats-Unis", ce qui nous ramène encore plus loin à ce point d'une manière inoubliable.

Maintenant que l'EI est vaincu, il n'y a plus de raison "officielle" pour que les forces militaires russes restent activement déployées en Syrie, bien que le président Poutine ait clairement indiqué qu'elles continueront à rester hébergées dans les deux bases que Moscou possèdent dans le pays et n'hésiteront pas à agir si les terroristes reviennent soudainement. C'est à ce stade qu'il est important de clarifier ce que la Russie entend par "terroristes"  ; à la différence de Damas, l'interprétation de Moscou de ce terme ne s'étend pas aux "rebelles de l'opposition modérée" armés qui participent aux processus de paix internationaux parallèles d'Astana et de Genève.

Il s'agit là d'une différence cruciale dans la compréhension, car elle détermine la portée légitime de l'aide antiterroriste de la Russie à l'armée arabe syrienne (AAS). Bien que l'EI soit vaincu, tout le nord-est du pays, au-delà de l'Euphrate, est sous le contrôle des "Forces démocratiques syriennes" (FDS) dirigées par les Kurdes, qui s'entêtent obstinément à "fédéraliser" les deux tiers restants du pays avec le soutien étatsunien. De même, il existe déjà quatre "zones de désescalade" (DEZ) actives dans le reste de la Syrie, qui servent essentiellement à séparer l'AAS de l'"opposition" armée dans ces endroits.

Le président Assad a promis un jour de libérer "chaque centimètre" de la Syrie, mais il n' y a aucune chance qu'il puisse libérer ces régions du pays maintenant, à moins qu'il ne fasse des "compromis" avec ses adversaires. Rétrospectivement, c'est peut-être la raison pour laquelle le président Poutine a déclaré, lors du sommet de Sotchi du mois dernier avec ses homologues iranien et turc, qu'"il est évident que le processus de réforme ne sera pas facile et exigera des compromis et des concessions de la part de tous les participants, y compris, bien sûr, du gouvernement syrien". La Russie ne ciblera jamais les "rebelles modérés de l'opposition" avec lesquels elle a signé des accords de désescalade et qu'elle a invitée à Astana, de sorte que Damas sera contrainte de "faire des compromis" avec eux si il veut réaffirmer son autorité sur le territoire qu'ils occupent actuellement.

Il en va de même pour les Kurdes PYD-YPG. Les 2000 soldats étatsuniens dans le nord-est de la Syrie et les 10 bases étatsuniennes qui s'y trouvent rendent impossible la réintégration militaire de cette région par l'AAS, ce qui nécessite une sorte d'accord de "décentralisation", probablement calqué sur celui qui figure dans le "projet de constitution" rédigé par la Russie, et qui pourrait éventuellement voir les DEZ (qui pourrait qualifier le tiers du pays contrôlé par les Kurdes) se transformer en unités de "décentralisation". Le Corps de la Garde Révolutionnaire Iranienne (CGRI) et les alliés du Hezbollah de l'AAS ne seront pas d'une grande aide lors des prochaines opérations de libération que Damas pourrait secrètement planifier dans ces régions, car ils n'ont pas la puissance aérienne des Forces Aérospatiales de Russie, qui a pu renverser la tendance de la guerre en premier lieu à la fin de 2015.

Cela violerait également les zones de désescalade (DEZ) que Moscou a eu tant de mal à obtenir, entraînant probablement à chacun de ceux qui ne les respecteraient pas un reproche sévère de la Russie derrière des portes closes ou même en public si la situation était suffisamment grave pour le "justifier".  Le Président Poutine est catégorique sur le fait que la guerre en Syrie commence à passer du théâtre militaire au théâtre politique, en utilisant son projet de "Congrès du dialogue national syrien" comme modèle pour passer à l'étape suivante, et il fera tout ce qui est raisonnablement possible dans la mesure de ses moyens et de ceux de son pays pour que cela se produise.

    Le refus de la Russie de s'impliquer militairement dans ce qu'elle considère officiellement comme relevant d'une dimension de "guerre civile" du conflit entre Damas et les "rebelles d'opposition modérée" armés suite à sa victoire dans le conflit international entre l'AAS et l'EI suggère que Moscou va maintenant intensifier tous ses efforts diplomatiques en vue de parvenir à une "solution politique". Il y a plusieurs raisons derrière tout cela, mais elles peuvent généralement être catégorisées en fonction d'impératifs nationaux et internationaux qui partagent un pragmatisme commun.

 

Sur le front intérieur, le président Poutine tient la promesse qu'il a faite à ses compatriotes de gagner leur guerre contre le terrorisme, après seulement un tiers de son mandat (~2 ans) et sans la faire traîner indéfiniment comme les États-Unis l'ont fait pendant plus de 8 fois plus longtemps. Ni lui ni ses électeurs ne veulent voir la Russie s'immiscer dans ce qu'ils craignent toujours de devenir un bourbier afghan en poursuivant des opérations militaires pendant ce qu'ils croient maintenant être un contexte de "guerre civile". En outre, la réduction d'échelle de l'engagement de la Russie en Syrie pourrait permettre au gouvernement fédéral de rediriger des centaines de millions de dollars vers des projets nationaux au cours du quatrième mandat du président Poutine, qui envisage un quatrième mandat, ce qui renforcera son crédit pendant la présente campagne électorale.

L'autre raison pour laquelle la Russie se concentrera probablement surtout sur les initiatives diplomatiques à l'heure actuelle est le rôle que ce processus complexe peut jouer dans la promotion de Moscou au 21e siècle comme force stabilisatrice suprême dans le supercontinent eurasiatique. En retirant la plupart des forces aérospatiales russes de Syrie et en créant ainsi les conditions qui incitent le Président Assad à faire des "compromis politiques", la Russie espère renforcer ses relations stratégiques avec la Turquie, les Kurdes, Israël et l'Arabie saoudite, en vue de faire progresser les perspectives de l'ordre mondial multipolaire naissant dans ce lieu charnière à la croisée des trois continents de l'Afro-Eurasie.

En outre, en se retirant juste après avoir accusé les Etats-Unis de manœuvres provocatrices en l'air au-dessus de la Syrie, la Russie tend une "branche d'olivier" de "bonne volonté" à son rival étatsunien et signale qu'elle est désireuse, comme toujours, de normaliser les relations si Washington est prêt à rendre la pareille. La soit-disant "nouvelle détente" tant recherchée pourrait enfin faire des progrès si la Russie et les États-Unis parvenaient à un " gentlemen's agreement" les uns avec les autres sur le sort des "fédéralistes" kurdes syriens, comme cela semble d'ores et déjà être le cas pour ces deux pays qui encouragent leurs partenaires sur le terrain de l'AAS et des FDS, respectivement, à s'abstenir de franchir la frontière de l'Euphrate.

Compte tenu de tout ce qui précède, les implications du retrait militaire annoncé de la Russie de la Syrie sont beaucoup plus importantes que le simple signal de la défaite de l'EI, mais soulignent un plan réfléchi et ambitieux visant à inciter le Président Assad à faire des "concessions politiques" à l'"opposition" comme moyen de renforcer le rôle global de la Russie dans l'"équilibre" au Proche-Orient, tout cela pour le "plus grand bien" de la multipolarité. S'il y a lieu d'espérer que ce processus pourrait également déboucher sur une percée dans les relations avec les États-Unis, il est compréhensible que ces attentes soient tempérées par la réalité de la "guerre de l'État profond" contre Trump, même si les perspectives d'une interaction "constructive" entre les États-Unis et la Russie via les Kurdes syriens - en particulier dans le cas où ils parviendraient à "institutionnaliser" leur "fédération" autoproclamée dans le nord-est de la Syrie - ne devraient pas être négligées.

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