Yanis Varoufakis fait remonter à 2011 sa collaboration avec Alexis Tsipras et son alter ego, Nikos Pappas. Cette collaboration s’élargit progressivement, à partir de 2013, à Yanis Dragasakis (qui est devenu, en 2015, vice-premier ministre). Une constante dans les rapports entre Varoufakis et Tsipras : Yanis Varoufakis plaide en permanence pour modifier l’orientation adoptée par Syriza. Varoufakis affirme que Tsipras-Pappas-Dragasakis veulent eux-mêmes clairement adopter une orientation différente, nettement plus modérée, de celle décidée par leur parti.

La narration faite par Varoufakis ne manque pas de piment. À travers son témoignage, on voit comment, à des étapes très importantes, des choix sont faits dans le dos de Syriza au mépris des principes démocratiques élémentaires.

Varoufakis s’attribue un rôle central et, en effet, il a exercé une influence sur la ligne adoptée par le trio Tsipras-Pappas-Dragasakis. Il est également certain que Tsipras et Pappas ont cherché à construire, en dehors de Syriza, des rapports plus ou moins étroits avec des personnes et des institutions afin de mettre en pratique une politique qui s’est éloignée de plus en plus de l’orientation que Syriza avait faite sienne. Varoufakis n’est pas la seule personne à avoir été contactée mais effectivement, à un moment donné, Tsipras et Pappas ont considéré qu’il était l’homme de la situation pour aller négocier avec les institutions européennes et le FMI.

 

Début 2011, premiers contacts de Varoufakis avec Tsipras et Pappas

Varoufakis décrit sa première rencontre avec Alexis Tsipras et Nikos Pappas début 2011. Pappas lui avait donné rendez-vous dans un petit hôtel restaurant proche du local de Syriza.

  • « Quand je suis arrivé à l’hôtel, Alexis et Pappas étaient déjà en train de commander leur déjeuner. Alexis avait une voix chaleureuse, un sourire sincère et la poignée de main d’un éventuel ami. Pappas avait un regard plus illuminé et une voix plus haute. […] Il était évident qu’il avait l’oreille du jeune prince et qu’il lui servait à la fois de guide, de frein et d’aiguillon, une impression que j’aurai toujours au fil des années tumultueuses qui suivraient : deux jeunes hommes du même âge mais de tempéraments différents, qui agissaient et pensaient comme un seul homme. |1| »

Varoufakis explique que Tsipras hésitait sur l’orientation à prendre quant à une sortie éventuelle de la zone euro.

  • « Depuis 2011, Syriza était déchiré par les divisions internes face au problème : fallait-il officiellement soutenir le Grexit (quitter la zone euro, mais pas nécessairement l’Union européenne) ? Je trouvais l’attitude d’Alexis face à la question à la fois cavalière et immature. Son objectif était de maîtriser les tendances rivales au sein de son parti plus que de se faire une opinion claire et personnelle. À en juger par les regards complices de Pappas, il était évident qu’il partageait mon point de vue. Il comptait sur moi pour l’aider à empêcher le leader du parti de jongler avec l’idée du Grexit.

 

  • J’ai fait de mon mieux pour impressionner Alexis et le convaincre que viser le Grexit était une erreur aussi grave que de ne pas s’y préparer du tout. J’ai reproché à Syriza de s’engager à la légère (…). »

Tsipras a soumis à Varoufakis l’idée de menacer les dirigeants européens d’une sortie de la Grèce de la zone euro, en cas de refus de leur part de remettre en cause la politique mémorandaire. Varoufakis lui a répondu qu’il éviter de sortir de la zone euro car il était possible par la négociation d’obtenir une solution favorable à la Grèce, notamment une nouvelle restructuration de sa dette.

Tsipras a répliqué que des économistes renommés, comme Paul Krugman, affirmaient que la Grèce irait bien mieux sans l’euro.

Varoufakis poursuit son récit : « Je lui ai répondu qu’on irait bien mieux si on n’était jamais entrés dans la zone euro, mais ne pas y être entrés était une chose, en sortir était une autre. […] Pour le persuader d’abandonner ce raisonnement paresseux, je lui ai fait le tableau de ce qui nous attendait en cas de Grexit. Contrairement à l’Argentine qui avait renoncé à la parité entre le peso et le dollar, la Grèce n’avait pas de pièces ni de billets à elle en circulation. » Pour le convaincre, Varoufakis fait observer à Tsipras que : « Créer une nouvelle monnaie demande des mois. »

En réalité cet argument qui a été utilisé à de multiples reprises par Varoufakis et d’autres opposants à la sortie de l’euro n’est pas solide. En effet, il était possible d’adopter une nouvelle monnaie en utilisant les billets en euro après les avoir estampillés. Les distributeurs automatiques des banques auraient délivré des billets en euro qui auraient été préalablement marqués d’un sceau. C’est notamment ce que James Galbraith a expliqué dans une lettre à son ami Varoufakis en juillet 2015 |2|.

En réalité, ce que souhaite Varoufakis, c’est convaincre Tsipras qu’il est possible de rester dans la zone euro tout en rompant avec la politique anti sociale appliquée jusque-là : « nous exigerons une renégociation qui impliquera un new deal pour la Grèce et qui nous permettra d’avoir une économie sociale viable au sein de la zone euro ; si l’UE et le FMI refusent de négocier, nous n’accepterons plus le moindre prêt empoisonné payé par les contribuables européens. Et s’ils répliquent en nous poussant hors de l’euro, ce qui aurait un coût considérable pour eux et pour nous, laissez-les choisir la politique du pire. »

Varoufakis à Tsipras : nous exigerons une renégociation qui impliquera un new deal pour la Grèce et qui nous permettra d’avoir une économie sociale viable au sein de la zone euro

Pour Varoufakis, il ne faut donc pas préparer la sortie de la zone euro et s’il faut un jour y passer, cela sera la pire des solutions.

Varoufakis poursuit :

  • « Pappas hochait la tête avec enthousiasme, mais Alexis avait l’esprit ailleurs, jusqu’à ce que je l’oblige à sortir de son silence. Sa réponse m’a confirmé qu’il était davantage préoccupé par les rapports de force au sein de Syriza que prêt à prendre le taureau par les cornes à propos du Grexit. Je ne me suis pas laissé impressionner. Notre rendez-vous arrivait à sa fin, et, au risque de paraître condescendant, je lui ai donné un conseil bienveillant, non sollicité, qui n’avait rien à voir. Il aurait pu le prendre mal.

 

  • – Alexis, si tu veux être Premier ministre, il faut que tu apprennes l’anglais. Prends des cours, c’est essentiel. »

Quand Varoufakis rentre chez lui, son épouse, Danaé lui demande comment s’est passé le rendez-vous et il répond : « Le type est sympa, mais je ne pense pas qu’il ait la carrure. »

Varoufakis, l’audit de la dette et la suspension du paiement

Dans sa narration des évènements de l’année 2011, Varoufakis ne mentionne à aucun moment l’importante initiative d’audit citoyen de la dette à laquelle il a refusé de participer.

Il est utile de préciser que les positions du CADTM commencent à être connues en Grèce à partir de 2010. Plusieurs interviews sont publiées dans la presse grecque. Par exemple, la revue grecque Epikaira publie une longue interview de moi réalisée par Leonidas Vatikiotis, journaliste et militant politique d’extrême-gauche très actif. J’y explique les causes de l’explosion de la dette publique grecque et en quoi l’expérience de l’Équateur peut être une source d’inspiration pour la Grèce en termes de commission d’audit et de suspension du paiement de la dette. En guise de conclusion, à la question « Que doit faire la Grèce ? », je répondais : « Mon conseil est catégorique : ouvrez les livres de comptes ! Examinez dans la transparence et en présence de la société civile tous les contrats de l’État – des plus grands, comme par exemple ceux des récents Jeux olympiques, jusqu’aux plus petits – et découvrez quelle partie de la dette est le fruit de la corruption, et par conséquent est illégale et odieuse selon le jargon international, et dénoncez-la ! » |3|.

Dans sa narration des évènements de l’année 2011, Varoufakis ne mentionne à aucun moment l’importante initiative d’audit citoyen de la dette à laquelle il a refusé de participer

De son côté, dans plusieurs articles largement diffusés en Grèce par la presse imprimée et par les réseaux sociaux, l’économiste Costas Lapavitsas défendait également activement la nécessité de créer une commission d’audit. Dans un de ses papiers, il affirme : « La Commission internationale d’audit pourrait jouer le rôle de catalyseur contribuant à la transparence requise. Cette commission internationale, composée d’experts de l’audit des finances publiques, d’économistes, de syndicalistes, de représentants des mouvements sociaux, devra être totalement indépendante des partis politiques. Elle devra s’appuyer sur de nombreuses organisations qui permettront de mobiliser des couches sociales très larges. C’est ainsi que commencera à devenir réalité la participation populaire nécessaire face à la question de la dette. » (article publié le 5 décembre 2010 par le quotidien Eleftherotypia |4|).

Le 9 janvier 2011, le troisième quotidien grec en termes de tirage (à l’époque), Ethnos tis Kyriakis m’interviewe et titre « Ce n’est pas normal de rembourser les dettes qui sont illégitimes. Les peuples de l’Europe ont aussi le droit de contrôler leurs créanciers » |5|. Le quotidien explique que « Le travail du Comité en Équateur a été récemment mentionné au Parlement grec par la députée Sofia Sakorafa. ».

En effet, Sofia Sakorafa, qui a rompu avec le Pasok quand celui-ci a accepté le mémorandum de 2010, était intervenue en décembre 2010 au parlement pour proposer la création d’une commission d’audit de la dette grecque en s’inspirant de l’expérience équatorienne. Le parlement ne l’avait pas suivie.
Costas Lapavitsas, qui résidait à Londres où il enseignait et dont les positions trouvaient un écho important en Grèce, prend alors contact avec moi et me propose de collaborer au lancement d’une initiative internationale pour la création d’une commission d’audit, ce que j’accepte immédiatement.

Simultanément Giorgos Mitralias du CADTM Grèce prenait contact avec Leonidas Vatikiotis qui était en pointe dans l’activité pour faire avancer sur le terrain en Grèce la création d’une telle commission.

Costas Lapavitsas m’a consulté sur le contenu de l’appel international de soutien à la constitution du comité, j’ai fait quelques amendements. Après quoi, nous avons commencé à chercher des appuis parmi des personnalités susceptibles de nous aider à augmenter l’écho et la crédibilité de cette initiative. Je me suis chargé de collecter un maximum de signatures de personnalités internationales en faveur de la mise en place du comité d’audit. Je connaissais plusieurs d’entre elles depuis des années comme Noam Chomsky avec qui j’étais en contact sur la thématique de la dette depuis 1998, Jean Ziegler, à l’époque rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Tariq Ali ainsi que de nombreux économistes, …

Dans ma recherche de signatures je n’ai essuyé qu’un seul refus, celui de James Galbraith. Je dialoguais avec lui depuis plusieurs années à l’occasion de conférences sur la globalisation financière où nous nous retrouvions. Plus tard, j’ai reçu une partie de l’explication de ce refus, lorsque Yanis Varoufakis a expliqué publiquement pourquoi il refusait de souscrire à l’appel de la création de la commission d’audit |6|. Il raconte qu’il a été contacté par Galbraith qui lui demandait s’il fallait signer cet appel ou non. Il déclare qu’il lui a recommandé de ne pas le faire. Dans cette longue lettre, Y. Varoufakis justifie son refus de soutenir la création du comité citoyen d’audit (ELE). Il déclare que si la Grèce suspendait le paiement de la dette, elle devrait sortir de la zone euro et se retrouverait du coup à l’âge de pierre. Varoufakis explique que, par ailleurs, les personnes qui ont pris cette initiative sont bien sympathiques et bien intentionnées et qu’en principe, il est favorable à l’audit mais que dans les circonstances dans lesquelles la Grèce se trouve, celui-ci n’est pas opportun. Dans ce long texte, Varoufakis donne également son avis critique sur le documentaire Debtocracy.

En mars 2011 était lancé le comité grec d’audit de la dette (ELE). C’est le résultat de gros efforts de convergence entre des personnes qui se connaissaient à peine ou pas du tout quelques semaines ou mois auparavant. Le processus de création a été stimulé par l’ampleur de la crise en Grèce.

Le documentaire Debtocracy diffusé à partir d’avril 2011 et dans lequel Hugo Arias (économiste équatorien qui a été l’un des principaux animateurs de la commission d’audit créée en 2007 par le président Rafael Correa) et moi-même intervenons longuement, a permis de donner un très grand écho à la proposition d’audit citoyen de la dette et à la nécessité et au bienfondé d’annuler la partie illégitime et odieuse de celle-ci |7|. Dans les 6 premières semaines de la sa diffusion sur internet, Debtocracy a été téléchargé par plus d’un million et demi de Grecs.

Parmi les personnalités grecques qui ont signé l’appel en 2011, on retrouve Euclide Tsakalotos (devenu ministre des finances du gouvernement Tsipras, en remplacement de Yanis Varoufakis, à partir de début juillet 2015, il a gardé ce portefeuille ministériel dans le deuxième gouvernement Tsipras mis en place fin septembre 2015), Panagiotis Lafazanis (un des principaux dirigeants de la plate-forme de gauche dans Syriza, ministre de l’énergie dans le gouvernement Tsipras entre janvier et le 16 juillet 2015, leader de l’Unité populaire, créée fin août 2015 par le secteur qui a quitté Syriza en s’opposant au 3e mémorandum), Nadia Valavani (membre également de la plate-forme de gauche, vice-ministre des finances du 27 janvier au 15 juillet 2015, membre également de l’Unité populaire), Sofia Sakorafa (élue eurodéputée Syriza en mai 2014 et siégeant comme indépendante depuis septembre 2015 car en désaccord avec la capitulation), Georges Katrougalos (vice-ministre de la réforme administrative de janvier 2015 à juillet 2015, devenu ensuite ministre du travail à partir de août 2015, reconduit dans les mêmes fonctions dans le cadre du 2e gouvernement formé par Alexis Tsipras. A partir de novembre 2016, il a occupé la fonction de vice-ministre des affaires étrangères), Notis Maria (élu eurodéputé en mai 2014 sur la liste du parti souverainiste de droite Anel, siégeant comme indépendant depuis janvier 2015).

Varoufakis ne mentionne pas non plus la conférence internationale réalisée à Athènes en mars 2011 par Synaspismos (la principale composante de Syriza présidée par Alexis Tsipras) et par le Parti de la Gauche européenne, à laquelle il a pourtant lui-même participé. Au cours de cette conférence ont pris la parole Alexis Tsipras, Oskar Lafontaine (ex-ministre social-démocrate des Finances en Allemagne, un des fondateurs de Die Linke), Pierre Laurent (dirigeant du PCF et du Parti de la Gauche Européenne), Mariana Mortagua du Bloc de Gauche au Portugal, Euclide Tsakalotos, Yannis Dragasakis, moi-même et plusieurs autres invités.

À cette conférence, ma communication a porté sur les causes de la crise, l’importance vitale de réduire radicalement la dette par des mesures d’annulation liées à la réalisation d’un audit de la dette avec participation citoyenne |8|.

Il était évident de mettre au programme une intervention sur la nécessité de l’audit de la dette, thème qui est totalement évacué par Varoufakis, tant dans l’orientation qu’il a défendu que dans la narration de ce qui s’est passé en 2011

Il y avait 600 ou 700 participants et plusieurs des communications ont été rassemblées dans un livre publié en anglais par l’institut Nikos Poulantzas sous le titre The Political Economy of Public Debt and Austerity in the EU |9|. Si je mentionne cette conférence, c’est pour indiquer qu’à l’époque, il était évident de mettre au programme une intervention sur la nécessité de l’audit de la dette, thème qui est totalement évacué par Varoufakis, tant dans l’orientation qu’il a défendu que dans la narration de ce qui s’est passé en 2011.

En mai 2011, la conférence internationale d’appui à l’audit citoyen de la dette grecque qui s’est tenue à Athènes a remporté un franc succès, avec l’affluence de près de 3 000 personnes réparties sur les 3 jours. Le CADTM faisait partie des organisations qui ont convoqué cette réunion. Pendant cette conférence, j’ai coordonné le premier panel de discussion auquel ont participé notamment Nadia Valavani |10|, qui est devenue plus tard vice-ministre des Finances du gouvernement Tsipras 1, et Leonidas Vatikiotis. Le CADTM avait contribué, avec les organisateurs grecs et d’autres mouvements non grecs, à convaincre un nombre significatif d’organisations d’Europe de soutenir la conférence et d’adopter collectivement une déclaration qui garde toute sa valeur (voir encadré).

Déclaration de la Conférence d’Athènes sur la dette et l’austérité adoptée en mai 2011 (extraits)

Nous appelons à soutenir :

• L’audit démocratique des dettes comme un pas concret en direction de la justice en matière d’endettement. Les audits de la dette avec participation de la société civile et du mouvement syndical, tels que l’Audit citoyen de la dette au Brésil, permettent d’établir quelle part de la dette publique sont illégales, illégitimes, odieuses ou simplement insoutenables. Ils offrent aux travailleurs/euses les connaissances et l’autorité nécessaires au refus de payer la dette illégitime. Ils encouragent également la responsabilité, la reddition de comptes et la transparence dans l’administration du secteur public. Nous exprimons notre solidarité avec les audits en Grèce et en Irlande et nous tenons prêts à y apporter notre aide en termes pratiques.

• Des réponses souveraines et démocratiques à la crise de la dette. Les gouvernements doivent répondre en premier lieu à leur peuple, et non aux institutions de l’UE ou au FMI. Les peuples de pays comme la Grèce doivent décider quelles politiques sont à même d’améliorer leurs chances de reprise et de satisfaire leurs besoins sociaux. Les États souverains ont le pouvoir d’imposer un moratoire sur le remboursement si la dette détruit les moyens de subsistance des travailleurs/euses. L’expérience de l’Équateur en 2008-9 et de l’Islande en 2010-11 montre qu’il est possible de donner des réponses radicales et souveraines au problème de la dette, y compris en répudiant sa part illégitime. La cessation de paiements justifiée par l’état de nécessité est même reconnue légale par des résolutions de l’ONU.

• Une restructuration économique et une redistribution, pas d’endettement. La domination des politiques néolibérales et le pouvoir de la finance internationale ont mené à une croissance faible, des inégalités croissantes, et à des crises majeures tout en sapant les processus démocratiques. Il est impératif de changer les fondements des économies par des programmes de transition qui comprennent le contrôle sur les capitaux, une régulation stricte des banques et même leur transfert au secteur public, des politiques industrielles qui reposent sur des investissements publics, le contrôle public des secteurs stratégiques de l’économie et le respect de l’environnement. Le premier objectif doit être de protéger et d’augmenter l’emploi. Il est aussi crucial que les pays adoptent des politiques redistributives radicales. La base d’imposition doit être étendue et devenir plus progressive en taxant le capital et les riches, permettant ainsi la mobilisation de ressources internes comme alternative à l’endettement. La redistribution doit aussi inclure la restauration des services publics de santé, d’éducation, de transport et des retraites ainsi que renverser la pression à la baisse sur les salaires.

Il s’agit là des premiers pas vers la satisfaction des besoins et aspirations des travailleurs/euses, mesures qui par ailleurs renverseraient le rapport de forces au détriment du grand capital et des institutions financières. Elles permettraient aux peuples d’Europe, et plus largement du monde entier, de maîtriser davantage leurs moyens de subsistance, leurs vies et le processus politique. Elles offriraient également de l’espoir à la jeunesse d’Europe dont l’avenir semble aujourd’hui bien sombre, avec peu d’emplois, des salaires bas et l’absence de perspectives. Pour ces raisons, soutenir la lutte contre la dette en Grèce, en Irlande, au Portugal et dans d’autres pays d’Europe est dans l’intérêt des travailleurs/euses, où qu’ils/elles se trouvent.

Athènes, le 8 mai 2011

La déclaration est signée par : Initiative pour une Commission d’audit grecque (ELE)
European Network on Debt and Development (Eurodad)
Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM)
The Bretton Woods Project, Grande-Bretagne
Research on Money and Finance, Grande-Bretagne
Debt and Development Coalition Irlande
Afri – Action from Ireland
WEED – World Economy Environment Development, Allemagne
Jubilee Debt Campaign, Grande-Bretagne
Observatorio de la Deuda en la Globalización, Espagne

Source : http://www.cadtm.org/Declaration-de-la-Conference-d

Lors d’une discussion que Varoufakis et moi avons eue le 9 novembre 2016 à Athènes |11|, je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas soutenu l’initiative d’audit citoyen de la dette à partir de 2011. Il m’a répondu que cette initiative n’était pas bonne car elle remettait en cause la légitimité et la légalité de la dette. Selon lui, il n’y avait pas lieu de remettre en cause la légalité ou la légitimité de la dette grecque.

Varoufakis a adopté une position d’économiste borné qui ne voit la dette qu’en termes de soutenabilité financière et d’accès aux sources de financement. Il n’a pas du tout saisi l’importance de l’audit citoyen. Alors que dans son livre il insiste sur l’importance du mouvement d’occupation des places qui a eu lieu en juin-juillet 2011 en Grèce, il ne s’est pas aperçu de l’écho que l’initiative d’audit citoyen a obtenu au cours de ce puissant mouvement.

Varoufakis a adopté une position d’économiste borné qui ne voit la dette qu’en termes de soutenabilité financière et d’accès aux sources de financement. Il n’a pas du tout saisi l’importance de l’audit citoyen

J’ai donc été témoin direct du refus de Varoufakis de soutenir l’audit citoyen en 2011 et j’ai constaté sa capacité à convaincre James Galbraith de ne pas signer l’appel international que nous avions lancé avec Costas Lapavitsas. Après avoir lu attentivement le livre de Varoufakis, je suis convaincu qu’il est intervenu activement pour convaincre Tsipras, au moins à partir de mai-juin 2012, d’abandonner le soutien à l’audit de la dette et à la revendication de la suspension du paiement de la dette pendant la réalisation de l’audit.

Au sein de la direction de Syriza et des conseillers économiques de Tsipras, plusieurs personnes clés étaient également opposées à l’audit de la dette et à la suspension de paiement. Yannis Dragasakis, un des responsables de Syriza en matière économique (devenu vice-premier ministre dans les gouvernements Tsipras I et II) n’y était pas favorable, il l’avait déclaré à Giorgos Mitralias lorsque celui-ci avait tenté de le convaincre dès 2010 de soutenir la perspective de la création d’une commission d’audit. Georges Stathakis, de l’équipe d’économistes qui entourait Tsipras, avait, de son côté, déclaré à la presse qu’il n’y avait pas de quoi soulever la question de la dette odieuse dans le cas de la Grèce car la partie odieuse ne représentait pas plus de 5 % de la dette totale. Stathakis a été ministre de l’économie dans le gouvernement Tsipras I et pendant un an dans le gouvernement Tsipras II avant de devenir en septembre 2016 ministre de l’énergie et de l’environnement.