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Emmanuel Macron reçoit Condor, l’as algérien de l’optimisation fiscale (Mondafrique)

par Mondafrique 23 Janvier 2018, 05:52 Macron Condor Réception Algérie France Françafrique Optimisation fiscale

Abderrahmane Benhamadi, le patron du groupe Condor et le partenaire de plusieurs groupes français comptait, le 22 janvier, parmi les 140 grands patrons du monde entier invités par Emmanuel Macron à Versailles.

Emmanuel Macron reçoit Condor, l’as algérien de l’optimisation fiscale (Mondafrique)

Chez les Benhamadi, ils sont cinq frères, cinq comme les doigts de la main: l’ainé Moussa, tour à tour ministre de la poste et des technologies de l’information et Pdg d’Algérie Télécom, un des artisans des campagnes électorales du président Bouteflika; Abderrahmane, l’amateur de golf et le patron de l’enseigne Condor qui commercialise électroménager et téléphones mobiles; Omar, le directeur général du groupe familial; Hocine, le responsable local du FCE, l’organisme qui représente le patronat algérien; et enfin Smail, député du RND, le deuxième parti du pouvoir en Algérie.

 

Un partenariat public privé

La réussite industrielle de cette famille s’explique d’abord par les liens étroits tissés au fil des années avec la classe politique algérienne. A peine nommé Premier ministre au mois d’août, Ahmed Ouyahia, ce vieux routier du sérail et patron du RND, confie à Smail Benhamadi qui appartient au même mouvement, une tâche de la plus haute importance. Qu’il relaie, après un été mouvementé son message d’apaisement aux forces économiques de la région de Bordj Bou Arridj.

Les deux hommes se connaissent bien. La silhouette d’Ouyahia a été aperçue dans les locaux du groupe familial durant les élections législatives du printemps dernier. “Il y a une  place qui lui est réservée quand il vient”, précise un collaborateur de Smail Benhamadi.

Niché sur les hauts plateaux algériens, le luxueux hôtel Béni Hammad qui appartient aux Benhamadi est le coeur des affaires de cette puissante famille. L’établissement fait office de guichet où les habitants de la région déposent leurs doléances. Et un proche de raconter: “On  a vu des femmes y attendre pour demander un frigo ou un climatiseur”.

 

La loi du clan 

Depuis les derniers étages du bâtiment, Smail Benhamadi, l’un des plus riches députés de l’hémicycle algérien, dirige ses activités politiques, depuis un bureau sans prétention, à l’exception d’une table de jeu posée dans un coin. L’homme, dit-on, est un fondu de cartes, dont il garde plusieurs jeux sur son étagère. Pour naviguer dans les eaux mouvementées de la politique et du business en Algérie, il faut savoir, comme au poker, jouer de bluff, de chance et de doigté.

Ainsi en ce début d’année 2017, lorsque les deux frères Moussa et Smail sont concurrents pour les législatives du mois de mai, l’un au RND et l’autre au FLN, il a fallu naviguer à vue. Une famille, deux étiquettes, une même circonscription. La candidature FLN de Moussa finira par être détournée vers Boumerdes, provoquant une levée de bouclier des militants locaux face à ce parachutage mal engagé.

 

Couscous et climatiseurs 

Grâce au patriarche “El Hadj” Mohammed Tahar, la famille de Bordj Bou Arredj a réussi,  à transformer la petite quincaillerie du père héritée à l’indépendance en un mastodonte. Le groupe est présent dans le bâtiment, l’agroalimentaire, l’emballage, les toiles en jute, le métal, et plus récemment l’électroménager, le mobile et le photovoltaïque. Mais la façade commerciale du groupe reste le petit bijou de technologie: Condor, l’entreprise qui estampille les écrans plasma , les téléphones portables, les tablettes et bientôt les GPS. Près de 6000 salariés sur le territoire.  Ce serait la première marque certifiée  “Basma Djazairia” (“made in Algeria” ). A cette réserve près que elle annonce d’ici 2022, 50 % de son chiffre d’affaires à l’export. “Une nouvelle ère” affichent les réclames, “celle de l’internationnalisation.”

 

Rien de surprenant. Car la saga Condor commence à l’international.

                                               Le Luxembourg, forcément   

Dès 2001, une société est créée au Luxembourg par le clan Benhamadi: “Condor Trading SA”.

C’est dans le petit paradis fiscal qu’en 2001 la marque voit le jour pour la première fois. Le groupe Benhamadi profite de la fin du monopole d’Etat sur le commerce extérieur pour importer des matériaux de construction, du cuivre,  avant de se lancer dans l’assemblage de pièces électroniques.

Condor” n’existe pas encore officiellement en Algérie, mais une société lui est déjà créée au Luxembourg : “Condor Trading SA”. C’est par elle que passe “la vente, l’import et l’export de cuivre et de composants électroniques”, comme l’indiquent les documents de la société consultés par Mondafrique.

Une histoire commerciale comme seule l’Algérie sait les produire.

Un jeune de banlieue dans la boucle

Pour mener à bien l’opération, Abdrrahmane Benhamadi fait appel à un intermédiaire français. Ali est un jeune de Clichy, domicilié dans un immeuble sans vie tenu par un marchand de sommeil en banlieue parisienne. En 2001, il est appelé à parapher les statuts de Condor Trading SA société dont il endosse le rôle d’administrateur.

La même année, Abderrhmane, le troisième frère, injectait l’équivalent de 24000 euros dans sa société parisienne spécialisée dans l’import export “de supports musicaux”,  “World Soul SARL” (voir le document ci dessus).  Interrogé par Mondafrique, Ali devait répondre qu’il “ne travaille plus pour les Benhamadi”.

 

L’air du large

La société brasse surtout des sommes importantes. Elle achète dès 2001 pour 694000 euros de marchandises et elle engrange plus de 800 000 euros de chiffre d’affaires annuel, en payant même la cotisation à la chambre de commerce du Grand Duché. Une société 100% luxembourgeoise ! A ceci près qu’elle ne possède que des bureaux au Luxembourg. Ni usines, ni zone de stockage. La société luxembourgeoise se contente d’administrer discrètement la gestion financière des importations de matériel.

Le  montage luxembourgeois  accompagne l’ascension fulgurante de la marque Condor , dont on ne se lasse pas de louer dans la presse “le rapport qualité-prix”.

 

Les belles années Boutef

Forte d’une cinquantaine de salariés en 2002, la PME va exploser. Après la clim et la TV, Condor se lance en 2006 dans l’assemblage de téléphones portables. A mesure que les activités fleurissent en  Algérie, le groupe Benhamadi  se désengage petit à petit de sa société luxembourgeoise. En 2010, Abderahmane Benhamadi  démissionne de son poste d’administrateur pour laisser les rênes de la société du Grand Duché à un cabinet de gestion domicilié au Panama, “Flanders Foundation”.  Au cours d’une AG extraordinaire en septembre 2012, les administrateurs de “Condor Trading” décident de changer les statuts de la société. Exit l’importation de “matériel électronique” et de cuivre, “Condor Trading” se concentre sur l’investissement.

Plusieurs sociétés du groupe sont enregistrées à Hong Kong

Coïncidence, c’est toujours en 2012 qu’une société du groupe apparait dans une autre place offshore. En juin 2012, “Condor International Co LTD” est enregistrée par le très cabinet Panaméen Monsack Fonseca aux îles Samoa. Cette fois, c’est Omar Benhamadi, numéro 2 de Condor qui administre l’entité avec un montage encore plus folklorique. Enregistrée aux iles Samoa, “Condor International Co LTD” dispose en fait d’une boite aux lettres à Hong Kong. Là où le groupe avait déjà domicilié une autre entité du groupe en 2007, “Groupe Benhamadi Antar Trade Co”, dissoute depuis (voir le document).

En 2015, Condor Algérie annonçait un chiffre d’affaire de près d’un milliard de dollars. Voici un groupe réputé non sans bonnes raisons pour “sa capacité d’innovation”, d’après son site internet.

Avec une médaille en matière d’optimisation fiscale?

 

 

Contacté à plusieurs reprises au téléphone et durant le week end, puis via des emails envoyés à la direction de la communication, les dirigeants du groupe ont souhaité lire l’article dans sa totalité. Ce que Mondafrique a refusé naturellement. Mais ils n’ont pas répondu, malgré plusieurs relances, aux interrogations que nous pouvions avoir sur l’existence et l’utilité de ces comptes situés dans des paradis fiscaux.

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