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La censure d’Internet est un très mauvais moyen de lutter contre les “Fake news” (Les Crises)

par Les Crises 5 Janvier 2018, 07:18 Macron Fake News Fausse information Censure Internet Voeux France

La censure d’Internet est un très mauvais moyen de lutter contre les “Fake news” (Les Crises)

Hier était une bien triste journée pour la liberté d’expression…

S’il faut évidemment lutter impitoyablement contre les fake news, ce n’est sûrement pas à l’État de le faire, car “Malheur au Peuple dont l’État décide de ce qui est vrai ou faux”.

Hélas, en France, nous avons cette triste mentalité de soumission au Pouvoir centralisé, d’amour de la servitude – que nous avons pourtant déjà chèrement payés.

I. Parce que c’est son projeeeeeeeeeeeet ?

Notez l’expression du visage à 1’10…

Nous y sommes donc : notre pays va être la première « démocratie libérale » occidentale à légiférer contre les “Fake News”.

Dans le premier billet consacré au Décodex l’année dernière, j’avais proposé le schéma suivant, et indiqué :

Ce qui se passe est gravissime, car cela veut dire que désormais, les grands médias décident de s’attaquer en masse à des non-professionnels (et même pas à leurs écrits un par un).

Il est évident que le temps de l’Internet libre et insouciant est terminé.

Il aura duré environ 20 ans.

Songez à l’évolution du degré d’acceptabilité de l’humour dans les grands médias. N’a-t-il pas suivi le même schéma ? Une vraie croissance après 1968, encore augmentée à partir de 1981, un pic autour de 1984-1990 (Le Luron, Coluche, Desproges, Les Nuls, Les Guignols, Les Inconnus…), puis un déclin, qui augmente à partir de 2014-2015 – jusqu’à l’affaire Tex.

Ce projet de loi vient donc en quelque sorte entériner ce déclin progressif de la Liberté d’expression et d’information sur Internet.

Les fausses informations sont un problème, bien entendu. Mais ce n’est pas la bonne façon de le traiter – contrairement à ce qu’affirme Reporters sans Frontières :

La bonne réponse est venue, comme souvent, d’Edward Snowden (source) :

“La réponse aux fausses informations, ce n’est pas la censure. La réponse aux fausses informations, c’est plus d’informations, discutées en commun.” [Edward Snowden, 11/2016]

II. Le discours de Macron – 3 janvier 2018

“C’est vous, journalistes, qui êtes les premiers menacés par cette propagande. Elle adopte votre ton, parfois vos formats. Elle emploie votre vocabulaire et parfois même, elle recrute parmi vous. Parfois même financée par certaines démocraties ilibérales que nous condamnons au quotidien, elle se diffuse, elle se banalise et elle finit par jouer de cette confusion que nous avons progressivement acceptée.

La question du tiers de confiance que vous êtes, si essentielle en démocratie, est alors profondément brouillée et, à travers vous, c’est la démocratie libérale qui est visée. Il y a deux réponses au moins que nous pouvons apporter et que je souhaite que nous puissions apporter collectivement dans l’année qui s’ouvre.

La première, c’est à l’État de la porter. C’est pourquoi j’ai décidé que nous allions faire évoluer notre dispositif juridique pour protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles. Un texte de loi sera prochainement déposé à ce sujet. En période électorale, sur les plateformes Internet, les contenus n’auront plus tout à fait les mêmes règles. Comme vous le savez, propager puissamment une fausse nouvelle sur les réseaux sociaux ne requiert aujourd’hui que quelques dizaines de milliers d’euros et peut se faire dans l’anonymat complet. Les plateformes se verront ainsi imposer des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent, mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus. C’est un corrélat indispensable aux règles que nous avons fixées pour notre vie démocratique et nos débats politiques.

En cas de propagation d’une fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge à travers une nouvelle action en référé permettant le cas échéant de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l’accès au site Internet.”

OB : Soulignons un des grands dangers de ce genre de censure : le déréférencement. Il est particulièrement pervers, étant donné qu’il ne s’attaque pas au site, mais à la façon de le trouver dans les méandres du web. Voir, encore pire, le “malréférencement”. Il suffira en effet de pousser des sites dans les pages 5 ou 8 des résultats Google pour qu’il disparaissent en pratique de la vue de la quasi intégralité des internautes.

“Les pouvoirs du régulateur, qui seront par ailleurs profondément repensés durant l’année 2018, seront accrus pour lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des États étrangers. Cela permettra au CSA repensé notamment de refuser de conclure des conventions avec de tels services en prenant en compte tous les contenus édités par ces services, y compris sur Internet. Cela lui permettra aussi, en cas d’agissement de nature à affecter l’issue du scrutin, que cela soit en période préélectorale ou électorale, à suspendre ou annuler la convention.”

OB : Par contre, pour les tentatives de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des milliardaires à la tête d’immenses groupes, on repassera.

“Si nous voulons protéger les démocraties libérales, nous devons savoir être forts et avoir des règles claires. Ce nouveau dispositif impliquera un devoir d’intervention de la part des intermédiaires techniques afin de retirer rapidement tout contenu illicite porté à leur connaissance. Le contenu de ce texte sera détaillé dans les semaines qui viennent. Sa préparation sera importante car aucune des libertés de la presse ne doit être remise en cause par ce texte et votre regard sera à cet égard très important et des consultations seront prévues à cet effet.

Au-delà, il est évident que nous devons continuer à responsabiliser les plateformes et les diffuseurs sur Internet qui ne peuvent continuer de mélanger toutes les catégories d’informations et qui, comme nous avons commencé à le faire sur la propagande terroriste, doivent être responsabilisés sur toutes les formes d’intervention qu’ils véhiculent.

Mais le deuxième type d’action indispensable dépend de vous. Je sais que beaucoup parmi vous réfléchissent sur la déontologie du métier de journaliste

OB : Ah, on va enfin avoir un comité d’éthique pour sanctionner les journalistes ?

et la démarche de Reporters sans frontières d’inventer une forme de certification des organes de presse respectant la déontologie du métier me paraît à cet égard non seulement intéressante, mais souhaitable. Il vous revient d’organiser en quelque sorte les règles de votre profession si nous ne voulons plus que tout puisse se valoir et qu’aucune hiérarchie ne soit faite.

OB : Ah, non, on a eu peur : ils vont juste faire un Décodex officiel. Et comme dans l’original, oh surprise tous les médias mainstream seront en vert !

L’heure est sans doute venue pour votre profession de s’unir autour de principes fortement réaffirmés en un temps de fragilité démocratique et 2018, je le souhaite vivement, sera l’année de ce débat de fond parce que toutes les paroles ne se valent pas et parce qu’il est même des paroles qui ne sont ni journalistiques ni innocentes, mais de propagandes et de projets politiques nocifs pour nos démocraties.

III. Épilogue

Jacques Attali a résumé de façon intéressante cette problématique en 2000 (Source) :

“Internet représente une menace pour ceux qui savent et qui décident. Parce qu’il donne accès au savoir autrement que par le cursus hiérarchique”.

Ces attaques étaient donc prévisibles.

Des esprits visionnaires on pu dire « J’ai vécu dans votre avenir et ça n’a pas marché ! » [Vladimir Boukovski, écrivain et ancien dissident soviétique]

La question est donc : Nous laisserons-nous faire ?

 

« Quand les censeurs sont venus fermer RT, je n’ai rien dit, je n’étais pas “pro-russe”.

Quand ils ont fermé le site de Valeurs actuelles, je n’ai rien dit, je n’étais pas de cette droite.

Quand ils ont fermé le site de Fakir, je n’ai rien dit, je n’étais pas gauchiste.

Quand ils ont fermé des blogs, je n’ai rien dit, je n’étais pas blogueur…

Quand ils sont venus fermer mon site d’information, il ne restait plus personne pour protester. »

Certains journaux vont avoir des soucis avec la future loi Macron…

 
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