Loi sur les "fake news" : "Le grand danger, c'est de donner la responsabilité à l'Etat de dire le vrai du faux"
France TV info
C'est une proposition qui a déjà fait couler beaucoup l'encre. Lors de ses vœux à la presse, mardi 2 janvier, Emmanuel Macron a affiché sa volonté de s'attaquer aux "fake news" en période électorale. Le gouvernement devrait présenter "probablement avant la fin de l'année" un projet de loi sur le sujet, a annoncé, vendredi 5 janvier, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
En cas de propagation d'une fausse nouvelle, cette législation permettrait, selon le président de la République, "de saisir le juge dans une action en référé, pour faire supprimer le contenu, déréférencer le site, fermer le compte utilisateur concerné, voire bloquer l'accès au site internet". Est-ce souhaitable ? L'opposition, notamment le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, et la présidente du FN, Marine Le Pen, ont immédiatement qualifié cette future loi de "liberticide". Qu'en est-il vraiment ? Franceinfo a interrogé Pascal Froissart, enseignant-chercheur en communication à l'université Paris VIII et spécialiste de la rumeur.
Franceinfo : Est-il possible de définir les "fake news" ?
Pascal Froissart : Eh bien non, sinon ce ne serait pas drôle ! Le problème de l'intervention d'Emmanuel Macron, c'est qu'elle donne corps à une notion qui n'a pas de définition théorique. La "fake news" est un mot-valise dans lequel on range des phénomènes pas tous identiques. C'est plus un sentiment qu'une réalité. En fait, il y a différentes sortes de "fake news", et le spectre est vaste : cela va de la fausse info répercutée avec ou sans malice jusqu'au coup monté par une officine cachée, parfois étrangère. Il y a donc d'un côté la répercussion d'une info biaisée ou partiale et, de l'autre, de véritables attaques concertées avec des moyens et une volonté de nuire. Ce n'est tout de même pas la même chose.
Est-ce un phénomène nouveau lié aux réseaux sociaux, ou bien n'est-ce pas l'actualisation de la bonne vieille rumeur ?
Rumeurs et "fake news" sont les deux faces d'une même monnaie. L'émergence de l'expression "fake news" est d'ailleurs toute récente, puisqu'elle date de novembre 2016, dans les éléments de langage de l'équipe de communicants autour de Donald Trump. C'est même fascinant de voir que ce petit mot vient se superposer aux autres termes comme "rumeur", "intox" ou "hoax", car ils se valent en grande partie. Les élections présidentielles américaine et française ont cependant nettement fait la publicité de l'expression "fake news", alors qu'en temps normal, on aurait davantage parlé de fausse info...