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Au Royaume Uni, des procureurs admettent avoir détruit des e-mails d’importance majeure dans l’affaire Julian Assange

par Ewen MacAskill, Owen Bowcott 12 Février 2018, 07:45 Assange E-mail Suppression Police Justice Grande-Bretagne

Au Royaume Uni, des procureurs admettent avoir détruit des e-mails d’importance majeure dans l’affaire Julian Assange

orrespondance supprimée entre le CPS (Crown Prosecution Service) et son service homologue en Suède sur le fondateur de Wikileaks après qu’un avocat a pris sa retraite.

Julian Assange a demandé l’asile à l’ambassade d’Équateur en 2012

Le Crown Prosecution Service (Service de poursuite judiciaire de la couronne), fait face à une situation embarrassante après avoir admis la destruction d’e-mails relatifs au fondateur de Wikileaks, Julian Assange qui s’est réfugié dans l’ambassade d’Équateur et se bat contre son extradition.

Des échanges d’e-mails entre le CPS et son service homologue suédois sur cette affaire notoire ont été détruits après que l’avocat du Royaume Uni est parti en retraite en 2014.

La destruction d’informations potentiellement sensibles et révélatrice intervient avant une audience au tribunal à Londres la semaine prochaine.

Ajoutant à l’intrigue, il est apparu que l’avocat de la CPS impliqué avait, de façon injustifiable, conseillé aux Suédois en 2010 ou 2011 de ne pas se rendre à Londres pour interroger Assange. Un entretien à ce moment-là aurait pu empêcher l’impasse prolongée à l’ambassade.

Le CPS, répondant aux questions du Guardian, a nié qu’il y avait des implications juridiques liées à la perte de données pour une affaire Assange si elle devait être portée devant les tribunaux à l’avenir. Lorsqu’on lui a demandé si le CPS avait une idée de ce qui avait été détruit, un porte-parole a répondu : « Nous n’avons aucun moyen de connaître le contenu des messages électroniques une fois qu’ils ont été supprimés. »

M. Assange, dont la plateforme WikiLeaks a été impliquée dans une série de fuites controversées, incluant les rapports de guerre en Irak, les câbles du département d’État américain et les e-mails du parti démocrate, a était recherché par la Suède dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des allégations de viol. La Suède a abandonné l’enquête en mai.

 

Les détracteurs d’Assange, qui a cherché refuge à l’ambassade de l’Équateur en 2012, l’accusent d’avoir collaboré avec les propagandistes russes pour saper la candidature de Hillary Clinton à la présidence et aider Donald Trump à y parvenir.

Les partisans d’Assange craignent qu’il ait pu être extradé aux États-Unis depuis la Suède et peut-être même du Royaume-Uni. Le procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, a déclaré que cette année, M. Assange était une priorité pour le ministère de la Justice et que les procureurs fédéraux américains envisagent d’inculper M. Assange pour les fuites.

La destruction des données du CPS a été divulguée dans le cadre d’une affaire concernant la liberté d’information (FOI) menée par le journaliste italien Stefania Maurizi.

Maurizi, une reporter de La Repubblica qui a couvert WikiLeaks depuis 2009, fait pression sur le CPS et son homologue suédois pour obtenir des informations concernant Assange et son extradition.

Insatisfaite du peu de matériel divulgué jusqu’à présent, elle porte sa cause contre la SCP devant un tribunal d’information lundi et mardi.

« Il est incroyable pour moi que ces documents sur un affaire en cours et très médiatisée aient été détruits. Je pense qu’ils ont quelque chose à cacher », a dit Maurizi.

Elle tient à établir quelle influence le Royaume-Uni a eu sur la décision des autorités suédoises à l’époque de ne pas se rendre à Londres pour interroger Assange. Elle cherche également des preuves de l’implication américaine dans les démarches d’extradition.

Il y a deux ans, par le biais d’une demande d’accès à l’information (FOI) adressée aux procureurs suédois, elle a découvert un e-mail d’un avocat de l’unité d’extradition du CPS, du 25 janvier 2011, qui disait : « Mon premier conseil demeure que, selon moi, il ne serait pas prudent pour les autorités suédoises de tenter d’interroger le prévenu au Royaume-Uni. »

La phrase a été supprimée dans l’e-mail obtenu par Maurizi de la part du CPS dans le cadre d’une requête de la FOI, mais pas quand il a été publié dans le cadre d’une requête de la part des procureurs suédois.

M. Assange a refusé de se rendre en Suède à l’époque, craignant que ce ne soit une ruse qui pourrait ouvrir la voie à son extradition vers les États-Unis. Ses avocats ont proposé un compromis dans lequel les enquêteurs suédois pourraient l’interroger en personne à Londres ou par vidéoconférence, mais les autorités suédoises n’ont pas accepté l’offre à l’époque.

Mohammed Cheema, directeur juridique de la CPS, qui s’occupe des requêtes d’accès à l’information du FOI, a déclaré, lors d’une longue déposition de témoins en août dernier, que le dossier d’Assange comprend principalement 55 classeurs, un document A4 et une sélection d’autres documents sur support papier.

Il a ajouté qu’il était très improbable que la CPS ait maintenu ensuite une correspondance électronique importante.

 

Mais seulement 11 jours avant l’audience, Cheema a envoyé une autre déclaration disant qu’une recherche dans les archives électroniques a révélé que des données associées à l’avocat qui avait été en contact avec les procureurs suédois « ont été supprimées lorsqu’il a pris sa retraite et ne peuvent être récupérées ». Il a pris sa retraite en mars 2014.

Jennifer Robinson, avocate au barreau de Doughty Street, et Estelle Dehon, spécialiste de la liberté d’information, représenteront Maurizi au tribunal.

Robinson, qui a également représenté Assange, a déclaré : « Les renseignements manquants soulèvent des inquiétudes au sujet de la politique de rétention des données du Crown Prosecution Service et des mécanismes internes mis en place pour examiner la conduite de cette affaire à la lumière du fait que le Royaume-Uni s’est trouvé avoir failli à ses obligations internationales. »

L’année dernière, un panel des Nations Unies a conclu que Assange était détenu arbitrairement par le Royaume-Uni et la Suède.

 

Robinson a déclaré : « Le CPS a divulgué des informations très limitées. Nous savons qu’il y en a plus. »

Elle a ajouté : « De sérieuses questions doivent être posées sur le rôle du CPS. Si les Suédois avaient interrogé Assange en 2010, on peut se demander si cette affaire se serait poursuivie aussi longtemps. »

Les Suédois ont interrogé de nombreuses autres personnes au Royaume-Uni par rapport à d’autres cas, a déclaré Robinson. « Nous avions proposé aux procureurs suédois le témoignage d’Assange depuis octobre 2010. Nous ne savions pas à l’époque que le CPS leur conseillait de ne pas accepter l’offre. »

Le porte-parole du CPS, en réponse à une question du Guardian qui demandait pourquoi des documents aussi importants avaient été détruits, a déclaré que le compte de messagerie avait été supprimé après départ en retraite conformément à la procédure standard.

Lorsqu’on lui a demandé si la politique du CPS stipulait que les documents relatifs aux affaires judiciaires en cours devaient être détruits, le porte-parole a répondu : « La personne à qui vous vous référez était un avocat de l’unité d’extradition du CPS qui discutait des questions relatives aux procédures d’extradition qui ont pris fin en 2012. L’affaire n’était donc pas en cours quand le compte e-mail a été supprimé. »

Il a ajouté : « La plupart des documents papiers d’une affaire et du matériel qui y sont lié sont gardés pendant trois ans suivant la conclusion de la procédure, ou pour la durée de la sentence du prévenu condamné plus trois mois. Dans certains cas, le matériel peut être gardé plus longtemps. »

 

Source : The Guardian, Ewen MacAskill & Owen Bowcott, 10-11-2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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