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Enquête sur une PME française qui aide l’armée égyptienne à charger ses revolvers (Orient XXI)

par Omar Sultan 7 Mars 2018, 18:10 Egypte Manurhin Armes Collaboration Françafrique France

 Enquête sur une PME française qui aide l’armée égyptienne à charger ses revolvers (Orient XXI)

L’entreprise française Manurhin est le leader mondial des machines-outils fabriquant des cartouches. Depuis les années 1950, elle commerce avec l’Égypte. Une collaboration qui se poursuit presque sans accrocs avec le régime militaire d’Abdel Fattah Al-Sissi, malgré le massacre d’au moins 800 civils en août 2013 par les forces de l’ordre. Une enquête d’Omar Sultan, avec Paul-Anton Krüger du Süddeutsche Zeitung pour la partie allemande.

 Le Caire, place Tahrir, novembre 2011. — Un manifestant montre des cartouches tirées sur la foule par les forces de sécurité. Jonathan Rashad.

Le Caire, place Tahrir, novembre 2011. — Un manifestant montre des cartouches tirées sur la foule par les forces de sécurité. Jonathan Rashad.

Au nom de sa lutte antiterroriste, l’Égypte ne cesse d’accroitre son arsenal militaire et répressif, avec le soutien notoire de la France et pour le plus grand bonheur des industriels de la défense. Derrière les mastodontes Dassault et Naval Group, on trouve la petite entreprise Manurhin, dont le siège est à Mulhouse, présente en Égypte depuis la présidence de Gamal Abdel Nasser (NDLR. 1956-1970). Malgré la répression sans précédent des voix dissidentes sous le régime d’Abdel Fattah Al-Sissi, la PME de Mulhouse continue d’y exporter ses machines à fabriquer des munitions.

 

Massacre de Rabaa

Le 12 août 2013, une machine de Manurhin fabriquée en France aurait dû être livrée à l’Égypte. Soit exactement deux jours avant « le plus grand massacre en un seul jour de l’histoire contemporaine » selon Human Rights Watch qui a comptabilisé plus de 800 morts lors de l’évacuation du sit-in de Rabaa. Dans les semaines qui ont précédé cette opération, les affrontements meurtriers ont été quotidiens entre les forces de l’ordre et les partisans de l’ex-président Mohamed Morsi, destitué par l’armée le 3 juillet 2013.

C’est dans ce contexte que les douanes françaises bloquent, selon nos informations, une machine de Manurhin servant à fabriquer des étuis pour des cartouches de 20 et 40 mm. Ces diamètres sont similaires à ceux des balles en caoutchouc et des bombes lacrymogènes utilisées par les forces anti-émeutes.

La veille de cette livraison programmée, la tension est à son paroxysme au Caire. Plusieurs milliers de partisans pro-Morsi continuent d’occuper la place et la mosquée Rabaa Al-Adawiyaa alors que le premier ministre égyptien vient d’annoncer son évacuation « irréversible ». Le 14 août, au petit matin, les forces de sécurité encerclent la place et donnent l’assaut. C’est un carnage anticipé et planifié, de l’aveu même des ministres de l’époque qui avaient tablé sur « un bilan pouvant aller jusqu’à 3 500 morts ». Le jour même, le ministre français des affaires étrangères français Laurent Fabius demande « l’arrêt immédiat de la répression »...


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