"On n'a jamais vu autant d'enfants en centre de rétention"
Par Marie Campistron
L'Obs
Une famille tchétchène et ses huit enfants derrière les grilles du centre de rétention de Rennes avant son expulsion. (DR)
Un intervenant de la Cimade alerte ce vendredi sur le sort d'un nourrisson, qui a dormi selon lui dans une chambre où il faisait 10°C. La préfecture conteste.
Un nourrisson prématuré aurait passé la nuit dans un centre de rétention de Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) dans une chambre... à 10°C. L'histoire a été relayée sur Twitter ce vendredi par un intervenant de la Cimade au Centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, Nicolas Braun. "Nous n'oublierons jamais votre inhumanité", lâche-t-il, interpellant la préfecture de l'Essonne et le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.
La nouvelle est bouleversante. Pourtant, elle n'a rien d'exceptionnel, souligne la Cimade. Contactée par "l'Obs", Marion Beaufils, membre de l'association et intervenante dans ce centre qui compte plus de 200 places de rétention, parle plus généralement d'une "situation de catastrophe". "C'est simple, on n'a jamais vu autant d'enfants", remarque-t-elle, amère.
Marion a commencé à intervenir dans des centres (CRA) il y a trois ans. A l'époque, voir débarquer une famille avec des enfants était "exceptionnel". "Cela choquait tout le monde, les juges se bougeaient. Mais aujourd'hui, c'est devenu normal de voir des petits se balader dans les couloirs", déplore-t-elle.
Récemment, quatre familles avec 10 enfants ont passé la nuit derrière les barbelés du centre de rétention de Mesnil-Amelot. Un triste "record" que déplore l'association. Parmi ces enfants, le plus jeune est donc ce bébé prématuré âgé d'un mois. Les autres ont entre trois mois et 12 ans.
Mercredi, le froid gagne particulièrement les bâtiments du centre. Pas plus de 10 degrés dans la chambre du bébé, indique le thermomètre de sa mère.
"La maman l'a alors signalé à la directrice du centre. Celle-ci lui a répondu qu'elle n'avait qu'à fermer la porte de la chambre pour avoir plus chaud...", raconte Marion, présente ce même jour dans le bâtiment.
Mais le froid et la mauvaise isolation des chambres ne sont pas les seuls problèmes, souligne la militante. S'ajoutent à cela les contacts difficiles avec la police, l'angoisse de l'attente, le manque de place... mais aussi le bruit insupportable. Car le centre de Mesnil-Amelot se situe dans un couloir aérien, à dix minutes de l'aéroport de Roissy.
"Un avion passe toutes les minutes au-dessus de leur tête. Les enfants deviennent fous", explique la jeune femme.
En règle générale, une famille ne reste qu'un ou deux jours dans ces centres de rétention. Mais les délais se sont rallongés. "L'une des familles est là depuis 8 jours, c'est énorme", note l'intervenante.
"Il faut gérer les problèmes de lingettes et de biberons des plus petits. Et répondre aux questions des plus grands (10 et 12 ans) qui veulent retourner à l'école et voir leurs copains."
Et de conclure :
"On est toujours surpris de voir jusqu'où peut aller ce besoin d'expulser les gens..."
Contactées par "l'Obs", les équipes du centre n'ont pas souhaité commenter l'affaire.
Une femme et son enfant dans un car qui les conduit au centre de rétention de Vincennes. (THOMAS COEX / AFP)
Depuis des années, la Cimade n'a cessé de condamner la rétention d'enfants, une mesure qu'elle juge "indigne" et "dont aucun ne peut sortir indemne". L'association avait même lancé l'an dernier une pétition pour demander à Emmanuel Macron de mettre fin à l'enfermement d'enfants dans les CRA. Celle-ci compte à ce jour plus de 92.000 signatures.
En parallèle, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France en 2016 pour des "pratiques dégradantes" à l'encontre des enfants enfermés. Mais cela n'a pas suffi à faire bouger les lignes.
En 2017, le nombre d'enfants en rétention avait dangereusement augmenté : 275 placements "soit presque autant qu'entre 2012 et 2015", signalait le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Cette année, les chiffres pourraient de nouveau exploser...
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