Revendiquer son racisme: les limites de la méthode Steve Bannon en France
Par Lucie Delaporte
Mediapart
En exhortant les militants du Front national à porter « comme une marque de fierté » leur racisme, l’ancien conseiller de Trump se réapproprie les codes d’une contre-culture forgée par des groupes minoritaires. Retour sur un rapt.
« Laissez-les vous traiter de xénophobes, de racistes, d’homophobes. Portez ces insultes comme une marque de fierté. » Au milieu d’un discours qui a électrisé le palais des congrès de Lille dimanche 11 mars, le conseiller déchu de Trump Steve Bannon a lancé cet étonnant mot d’ordre aux militants du FN. Un appel à un mouvement de fierté raciste, un genre de « Racist Pride », pour le moins déconcertant dans un parti qui tentait depuis quelques années de se présenter comme une formation aussi respectable que républicaine.
Fier d’être raciste, xénophobe, homophobe ? Le slogan, et Bannon le sait très bien, emprunte à une histoire qu’il connaît parfaitement et qui est celle de ses plus farouches adversaires. L’attitude consistant à porter en étendard l’insulte qui vous est envoyée, l’infamie qui vous est faite, désignée par la sociologie comme le « retournement de stigmate », est le propre des mouvements de groupes dominés.
Lorsqu’elles lancent leur manifeste des 343, dont le titre initial est « la liste des 343 Françaises qui ont le courage de signer le manifeste “Je me suis fait avorter” » en 1971, les signataires subissent la vindicte. Après une « une » de Charlie Hebdo évoquant dans un dessin humoristique « les 343 salopes », les féministes se réapproprieront ce terme dégradant en signe de défi...