Allocution de la mission de la Syrie à l'ONU : "ONU / Vous finirez par avoir votre « ligne rouge »... 3 camions turcs chargés de chlore viennent d’entrer en Syrie"
Video / The Syrian Mission to the United Nations
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal , Reseau international
Ce 28 février, nous apprenons du site de presse de l’ONU que deux responsables de cette Organisation avaient déploré devant le Conseil de sécurité la non application de la résolution 2401 (2018), adoptée à l’unanimité par ce même Conseil 4 jours auparavant, après trois jours de débats [1].
Une résolution demandant pour certains, exigeant pour d’autres, une cessation sans délai des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour l’instauration d’une pause humanitaire durable, dans toute la Syrie pour certains, dans la Ghouta orientale pour d’autres.
Nous notons un passage de ce compte-rendu dit non officiel, mais néanmoins destiné aux organes d’information, d’autant plus qu’il traduit la pensée de l’un des deux responsables en question, en l’occurrence, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman : « Les efforts antiterroristes ne l’emportent pas sur les obligations en vertu du droit international… L’étendue des attaques militaires aveugles contre la Ghouta orientale ne peut se justifier au prétexte de s’en prendre aux combattants du Front el-Nosra ».
Et puis, plus loin, dans le paragraphe de la déclaration de M. Feltman : « Par ailleurs, a-t-il poursuivi, l’ONU n’a pas encore vu de confirmation par le Gouvernement syrien de son engagement à mettre en œuvre la résolution 2401 (2018), cependant que le représentant syrien, après l’adoption de samedi, a déclaré: « Nous assumons la responsabilité en tant qu’État vis-à-vis de nos citoyens, et avons le droit de lutter contre le terrorisme ».»
Un rappel de la déclaration du « représentant syrien », ajouté probablement par le rédacteur de ce compte-rendu, qu’il faudrait remettre dans son contexte du 24 février dernier [2], mais cela prend du temps, beaucoup de temps…
Pour mémoire, voici la traduction de l’intervention du Dr Bachar al-Jaafari, suite à cette 48ème session du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie. [NdT].
Le Gouvernement de mon pays a pris connaissance du 48ème rapport mensuel émis par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et, comme d’habitude, nous avons adressé, ce matin, une lettre officielle au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité exposant notre point de vue sur son contenu.
Monsieur le Président,
Nous sommes réalistes. Nous savons que l’ONU n’est pas une association caritative du fait de son incapacité à mettre en œuvre les dispositions de la Charte et les principes du droit international depuis sa création. La situation palestinienne est le meilleur exemple de son échec, auquel il faudrait ajouter d’autres exemples, tels l’Irak, la Libye, la Yougoslavie, la Grenade pour ceux qui l’auraient oubliée, le Nicaragua, etc. Mais, puisqu’il ne s’agit pas de charité, gardons-la au moins en tant qu’Organisation.
J’aimerais souligner les points suivants :
- Premièrement : Le Gouvernement de mon pays réaffirme son engagement à respecter les principes du droit international et du droit humanitaire international, tout autant que les lois nationales et la Constitution syriennes ; l’ensemble ayant incontestablement mis à sa charge la responsabilité d’assurer la paix et la sécurité de ses citoyens face aux groupes terroristes.
- Deuxièmement : Le rapport d’aujourd’hui, comme le précédent, est toujours entaché d’un grave défaut, vu que ses concepteurs s’appuient sur des sources politisées et des chiffres peu fiables, ignorant les sources documentées du gouvernement syrien et, même, les rapports reçus des représentants des Nations Unies travaillant en Syrie ; lesquels reconnaissent ses efforts, sa coopération dans le domaine humanitaire ainsi que les facilités mises à leur disposition pour l’exercice de leur mission. Des éléments positifs qui s’évanouissent sous l’effet d’une puissance irrésistible une fois arrivés au siège des Nations Unies à New York.
- Troisièmement : Le gouvernement de mon pays déplore le silence des auteurs de ce rapport, ainsi que le silence du Conseil des droits de l’homme et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires [OCHA], notamment depuis l’adoption de la Résolution 2401, quant au suivi et à la mise en évidence des conséquences de l’agression barbare turque sur la ville syrienne de Afrin dont un grand nombre de victimes décédées ou blessées, notamment parmi les femmes et les enfants ; la destruction des propriétés privées et publiques ; une importante exode de la population ; une grave pénurie en besoins élémentaires… Mais Afrin n’est ni la Ghouta orientale, ni l’Est d’Alep, ni Kefraya, ni Al-Foua !
- Quatrièmement : Le gouvernement syrien refuse catégoriquement que les auteurs de ce rapport continuent de se taire sur les conséquences désastreuses des opérations de ladite « Coalition internationale » et de ses membres. Laquelle coalition a assassiné des centaines de civils et de militaires syriens qui combattent Daech ; ses deux derniers et récents massacres ayant fait, hier, 29 morts et nombre de blessures graves parmi les civils, notamment des femmes et des enfants habitant à Al-Chaf’aa et Zahrat. Alouni, deux villages à l’est de Deir ez-Zor… La coalition américaine est, en effet, plus particulièrement spécialisée dans le bombardement de cette région orientale de la campagne de Deir ez-Zor, car les résidents civils ne sont pas des incubateurs du terrorisme de Daech et d’Al-Nosra. Ceci, sans parler de la destruction massive commise par ses forces à Raqqa, comme vient de le dire mon cher collègue délégué de la Fédération de Russie.
Par conséquent, le Gouvernement syrien renouvelle sa demande de dissolution de cette alliance illégitime d’agresseurs avec arrêt immédiat de ses crimes contre les Syriens. D’ailleurs, ce matin, un communiqué de l’État-major russe soulignait que la situation humanitaire en zones contrôlées par les alliés et les agents des USA était la pire comparativement au reste du pays ; des zones devenues des trous noirs comparables à ceux de l’espace intersidéral.
Monsieur le président,
Concernant la Ghouta orientale, le Gouvernement syrien affirme que l’embrasement de la situation, observé ces derniers temps, est dû aux attaques lancées contre les zones résidentielles et les positions militaires par les terroristes largement déployés dans cette région : plus de 2180 obus et roquettes sur Damas, jusque hier ; ce qui a causé la mort de plus de 66 civils et 474 blessures graves chez d’autres.
Comme j’ai commencé par vous le dire, les forces gouvernementales ont été amenées à riposter en vertu de leurs devoirs constitutionnels d’assurer la paix et la sécurité des citoyens.
C’est dans un tel contexte que le Gouvernement de mon pays désapprouve l’usage répété de l’expression « zones assiégées » par les auteurs de ce rapport en parlant de la situation qui prévaut dans la Ghouta orientale, alors qu’ils continuent à délibérément ignorer -sous la pression d’États influents au sein et en dehors de ce Conseil- la vérité qui veut qu’elles sont assiégées de l’intérieur par les diverses organisations terroristes ; lesquels, comme cela s’est déjà produit à Alep, utilisent les civils comme boucliers humains, saisissent et monopolisent l’aide humanitaire en la distribuant à leurs partisans ou en la vendant à ceux qui sont dans le besoin, à des prix exorbitants.
Et le Gouvernement syrien déplore aussi que les auteurs de ce rapport ignorent les souffrances de milliers de personnes enlevées et séquestrées dans les prisons des terroristes sévissant dans la Ghouta orientale ou d’autres régions, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées, arrachés de leurs foyers ou de leurs lieux de travail et soumis aux pires formes de torture. Certains de ces civils croupissent dans ces prisons depuis qu’ils les ont enlevés dans la ville ouvrière Adra et la campagne de Lattaquié, il y a cinq ans.
Dans ce même contexte, le Gouvernement de mon pays s’élève contre les allégations du Secrétariat général et les rapports du Secrétaire général ; lesquels persistent, jusqu’à cet instant précis, à ignorer ce qu’endurent huit millions de civils résidant dans la capitale, Damas, sous les centaines de roquettes et d’obus lancés, quotidiennement, par les groupes terroristes à partir de la Ghouta orientale.
Le gouvernement de mon pays souligne que les allégations des auteurs du rapport, et les allégations des États occidentaux -qui les influencent- à propos du prétendu siège de la Ghouta sont constamment réfutées. En effet, les dernières preuves de leur manque de crédibilité émanent de leurs propres rapports concernant les aides accordées à la Ghouta orientale, par le régime saoudien, en ce mois de Février.
Ce qui, en réalité, prouve deux choses : premièrement, que la Ghouta orientale n’est pas assiégée ; deuxièmement, qu’il est possible d’y accéder, vu que les livraisons d’armes et de munitions en provenance de gouvernements soutenant le terrorisme sont ininterrompues jusqu’ici, y compris les prétendues aides humanitaires saoudiennes… ( humanitaires ) entre parenthèses !
Mesdames et Messieurs,
Nul n’est plus soucieux de la vie et de la protection de ses citoyens, sur chaque pouce du territoire national, que le Gouvernement syrien. C’est dans ce sens que mon gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour les protéger en ripostant aux terroristes de la Ghouta orientale et en tentant de les en éloigner, via un passage de sortie sécurisé.
Ce même passage annoncé et ouvert quelques heures après l’adoption de la Résolution 2401… quelques heures ! Ceci, pour garantir la sécurité des civils, en coopération avec nos amis et alliés russes, et répondre à tous leurs besoins aux frais du gouvernement syrien, soit dit en passant, non aux frais de l’OCHA. En même temps, le Gouvernement syrien a invité les membres des divers groupes terroristes à déposer les armes, à cesser de terroriser les civils par des attaques lancées à partir des quartiers peuplés et à rejoindre les initiatives du processus de réconciliation nationale.
Mais ce qui s’est passé, Mesdames et Messieurs, est que les groupes terroristes armés avec à leur tête le Front al-Nosra, Jaïch al-Islam et Faylak al-Rahmane ont interdit, par la force des armes, l’accès des civils au passage sécurisé, comme vous le savez, ou non ; ceci, en procédant au lancement de leurs obus de mortiers sur le passage, dès l’annonce de son ouverture.
Quant au message qui vous a été adressé par le terroriste Mohammad Allouche [chef du bureau politique de Jaïch al-Islam soutenu par les Saoudiens, tandis que Faylak al-Rahmane serait soutenu par les Qataris ; NdT] ; franchement, il signifiait son refus de laisser sortir toute personne civile de la Ghouta. C’est lui qui l’a dit et son but est évident : il veut utiliser les civils comme otages et boucliers.
Dieu soit loué, nous avons aujourd’hui une nouvelle mode aux Nations Unies : un message arrive d’un groupe terroriste et, son contenu est distribué comme document officiel. C’est la dernière invention caritative des Nations Unies. Il n’y a ni résolutions de lutte contre le terrorisme, ni respect de l’intelligence des délégués des États Membres.
Toute personne qui a suivi le processus d’adoption de la résolution 2401, ainsi que certaines notes d’information et déclarations entendues aujourd’hui, arrive à une vérité indubitable qui se résume à dire que l’objectif réel de l’adoption de cette résolution n’était pas de parvenir à une véritable trêve, comme certains le prétendent, ni de protéger les civils et de répondre à leurs besoins. L’objectif était d’utiliser, encore une fois, le Conseil de sécurité pour empêcher l’avancée de l’Armée syrienne et de ses alliés combattant les groupes terroristes armés qui menacent la capitale, Damas. Nous le disons pour la millième fois : ils menacent la capitale, Damas !
Sinon, qui pourrait nous expliquer l’absence de référence à toutes les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la lutte antiterroriste dans le texte de la Résolution 2401 ? Votre Résolution, Mesdames et Messieurs, n’a mentionné aucune de vos propres résolutions en rapport avec la lutte antiterroriste.
Et qui pourrait nous expliquer la forte résistance de certains États, pendant les négociations sur le projet de cette résolution, à tout énoncé excluant de la prétendue trêve, Daech, le Front al-Nosra et les groupes apparentés ? Vous avez négocié pendant trois jours sur : devons-nous mentionner Daech ou ne pas mentionner Daech… devons-nous mentionner Al-Nosra ou ne pas mentionner Al-Nosra ?
Monsieur le Président,
La campagne prétendument humanitaire en rapport avec le fait terroriste dans la Ghouta orientale a coïncidé avec une autre campagne, organisée sous des auspices occidento-américains, faisant de nouveau la promotion de l’utilisation d’armes chimiques dans certaines régions de Syrie ; régions où s’activent exclusivement des terroristes… veuillez m’excuser, je voulais dire les « Casques blancs » !
Et pour compléter le tableau, le New York Times [NYT] a publié, aujourd’hui même, un éditorial, façon Tintin, selon lequel il y aurait une coopération entre la République populaire démocratique de Corée [RPDC] et mon pays, en matière d’armes chimiques.
Ce qui est risible dans cette affaire est que l’article calomnie les gouvernements des deux pays sur toute une page à l’intérieur du journal, mais dit que selon les experts qui l’ont examiné, le rapport n’est pas probant… Je cite en anglais : « Though experts who viewed the report said the evidence it cited did not prove definitively that there was current, continuing collaboration between North Korea and Syria on chemical weapons…» [3]. Et voilà que nous nous mettons à vous lire le NYT !
Monsieur le Président,
Chez nous, l’adage populaire dirait : « Que Dieu accorde le Hadj au NYT alors que les gens en reviennent ». Car, il a échappé au NYT que c’est le navire américain « Cape Ray » qui a détruit le stock de produits chimiques, remis volontairement par les autorités syriennes, après adhésion de mon pays à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques [CIAC], puis à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC] dont il est devenu membre à part entière.
Autrement dit, ces informations sont vieilles, du « déjà vu » comme diraient les Français mais, bizarrement, le NYT s’est senti investi de l’enthousiasme d’en reparler.
En fait, ce n’est pas si bizarre. Je vais vous lire une dépêche reçue il y a quelques minutes. Des informations que vous pourrez prendre en considération au cas certains États Membres réactiveraient le sujet des armes chimiques au sein de ce Conseil. Nous, nous vous disons dès à présent : prochainement, il y aura utilisation du chimique par les terroristes en Syrie. Et maintenant, voici les informations :
- Dans la matinée du 20 février, trois camions turcs transportant du chlore sont entrés dans le Gouvernorat d’Idlib par le passage de Bab al-Hawa. Laissons le NYT vérifier ces informations. Il pourrait, peut-être, publier un article allant dans le sens contraire.
- Deux de ces camions se sont arrêtés au village Al-Lozé, dans la campagne d’Idlib, et sont actuellement stationnés dans son école, accompagnés de plusieurs voitures et d’un certain nombre de terroristes. Vous évoquez sans cesse les écoles et les hôpitaux… Ils ont transformé l’école du village en dépôt d’armes chimiques.
- Le troisième camion a continué jusqu’au village Al-Habet, situé dans la campagne nord de Idlib, et se trouve actuellement au siège de ladite Ha’yat Tahrir al-Cham [Organisation de libération du Levant] -des agents de la Turquie- où il est en train d’être déchargé, côté nord-est, en présence d’un grand nombre de terroristes.
- Les informations en possession du gouvernement syrien indiquent que les terroristes préparent une action terroriste avec usage de chlore à grande échelle, pour ensuite en accuser l’Armée arabe syrienne. Lesquels terroristes ont reçu des instructions fermes de la part de services secrets occidentaux et turcs pour mener une attaque chimique avant le 13 mars. Pourquoi le 13 mars ? Parce que c’est la date de la tenue de la 87ème session du Conseil exécutif de l’OIAC.
Nous vous confions ces informations en vous répétant que ces terroristes, par ordres de leurs employeurs, comptent utiliser le chimique avant le 13 mars prochain.
Monsieur le Président,
La vraie responsabilité de faire cesser les hostilités incombe aux États ayant le pouvoir d’influer effectivement sur les groupes terroristes armés sévissant dans la Ghouta et autres régions syriennes, afin qu’ils arrêtent leurs actions terroristes et autorisent les civils, pris pour boucliers humains, à sortir librement et en sécurité de ces régions qu’ils exploitent comme bases de lancement de leurs attaques terroristes.
Monsieur le Président,
Un groupe d’États Membres fait mine de pleurer sur la situation humanitaire en Syrie, cinq États dont certains sont, à notre grand regret, membres de ce Conseil et qui ont invité, deux jours après [l’adoption de la résolution 2401 ?], d’autres États Membres de cette Organisation à assister à un film sur Jabhat al-Nosra… pardon, sur lesdits « Casques blancs »… dans la salle du Conseil économique et social au sein des Nations Unies. Il y a des membres de ce Conseil qui font la promotion d’une organisation terroriste figurant sur sa liste en tant qu’entités terroristes !
Nous vous confions également cette affaire. Peut-être sera-t-elle traitée de la manière qui convient.
Merci.
Docteur Bachar al-Jaafari
Délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal
Source : Video / The Syrian Mission to the United Nations
https://www.youtube.com/watch?v=KzFddTaxZjQ
Notes :
[1] Deux responsables de l’ONU déplorent, devant le Conseil de sécurité, la non-application de la trêve de trente jours qu’il avait demandée en Syrie
https://www.un.org/press/fr/2018/cs13231.doc.htm
[2] Bachar al-Jaafari : Ce que nous avons compris de la Résolution 2401(2018)…
https://reseauinternational.net/author/mouna-alno-nakhal/
[3] U.N. Links North Korea to Syria’s Chemical Weapons Program