Répression tous azimuts et alliance avec les ultranationalistes. En Turquie, le président Erdoğan s’aligne sur l’extrême droite
Par Akram Belkaïd
Monde diplomatique
Le président turc vient d’annoncer des élections législatives anticipées pour le 24 juin. Mi-mars, le dirigeant avait pourtant démenti vouloir avancer le scrutin, prévu en 2019. Dans le numéro du mois, Akram Belkaïd se demande si M. Erdoğan est guidé par de simples calculs électoraux, ou s’il existe bien une convergence idéologique entre sa formation politique, l’AKP, et celles du Parti d’action nationaliste (MHP), une formation ultranationaliste d’extrême droite avec laquelle il a conclu un accord inédit après le MHP, antikurde et antieuropéen, a soutenu sa réforme constitutionnelle de 2017.
Le 19 mars, l’armée turque a pris la ville syrienne d’Afrin, tenue depuis 2012 par les troupes arabo-kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). Cette victoire galvanise la propagande guerrière d’Ankara, qui menace d’étendre ses opérations à l’est de l’Euphrate. Allié à l’extrême droite, M. Recep Tayyip Erdoğan, qui prépare sa réélection en 2019, s’en prend à ses partenaires occidentaux.
La Grande Assemblée nationale de Turquie a adopté le 13 mars dernier une révision du code électoral. La séance parlementaire nocturne a été marquée par une rixe entre des députés ultranationalistes alliés au Parti de la justice et du développement (AKP, majoritaire) du président Recep Tayyip Erdoğan et des élus du Parti républicain du peuple (CHP), l’une des principales formations de l’opposition. Dans un contexte politique miné par la répression consécutive à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 (lire « “Dès qu’on frappe à la porte…” »), la validation de ce texte de vingt-six articles témoigne de la volonté du président d’accroître son pouvoir et de ne rien laisser au hasard pour être assuré de l’emporter lors des prochaines échéances électorales.
Le 3 novembre 2019 doivent se tenir des élections législatives et présidentielle, les premières depuis la réforme constitutionnelle d’avril 2017, qui a conduit à la fin du régime parlementaire. M. Erdoğan a été instruit par son échec relatif lors de ce référendum constitutionnel : le « oui » en faveur d’un passage à un régime présidentiel ne l’avait emporté que par 51,4 % des voix, loin du plébiscite espéré, et avec un choix marqué des grandes villes pour le « non ». Il entend donc être réélu avec un score bien plus important — une manière pour lui de disposer de la légitimité et du prestige nécessaires pour célébrer avec faste, en 2023, le centenaire de la fondation de la République turque. Cette ambition passe à la fois par un contrôle accru du processus électoral et par le renforcement de l’alliance inédite entre son parti islamo-conservateur, l’AKP, et une formation ultranationaliste d’extrême droite, le Parti d’action nationaliste (MHP). Ce dernier, antikurde et antieuropéen, avait soutenu la réforme constitutionnelle de 2017.
Avec le texte adopté par le Parlement, il deviendra possible de valider, lors du décompte des voix, des bulletins de vote ne portant pas le tampon officiel, jusqu’à présent obligatoire pour éviter...