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Le massacre des Coréens pour lequel les Etats-Unis doivent s'excuser (Foreign Policy in Focus)

par Foreign Policy in Focus 19 Mai 2018, 20:05 Corée du Nord Jeju Massacre Corée du Sud USA Impérialisme Colonialisme Articles de Sam La Touch

Le massacre des Coréens pour lequel les Etats-Unis doivent s'excuser
Article originel : The Korean Massacre the U.S. Needs to Apologize For
Foreign Policy in Focus

Trump Kim Jong Un (c) Reuters

Trump Kim Jong Un (c) Reuters

Pour aider à faire la paix en Corée, les États-Unis devraient suivre l'exemple de la Corée du Sud et s'excuser pour le rôle qu'ils ont joué dans le massacre dévastateur de Jeju.

Singapour a été choisie pour accueillir le sommet improbable entre le président étatsunien Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un au début du mois de juin. Le choix du lieu du sommet allait à l'encontre de la préférence de Trump pour que la réunion ait lieu à la Maison de la paix de Panmunjeom, où le monde avait été captivé quelques semaines auparavant par les scènes amicales de Kim marchant main dans la main sur la ligne de démarcation militaire avec le président sud-coréen Moon Jae-in.

Étant donné que Panmunejom incarne la division de la péninsule coréenne, il est regrettable que les négociateurs étatsuniens et nord-coréens aient opté pour la ville-État de l'Asie du Sud-Est. La raison en est que la racine de la question nucléaire découle en grande partie de la décision des officiers militaires étatsuniens de diviser la péninsule au 38e parallèle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce clivage arbitraire a conduit à une guerre dévastatrice, à des décennies d'hostilité entre un peuple précédemment unifié, et au chagrin pour des familles à jamais séparées de leurs proches.

L'un des résultats les plus tragiques de la division a été le soulèvement de Jeju en 1948, qui a commencé le 3 avril de la même année et qui a entraîné la mort de plus de 10 000 habitants de l'île - dont beaucoup étaient des civils, dont environ 770 enfants de moins de cinq ans.

La cause principale du soulèvement a été l'élection de l'Assemblée constitutionnelle de 1948, qui a été organisée sous les auspices des Nations Unies dans le but d'établir un gouvernement national pour la Corée. Par crainte d'exacerber la division existante, l'élection a été boycottée par la Corée du Nord et les principaux politiciens sud-coréens, y compris Kim Gu, qui avait été président du gouvernement provisoire coréen pendant la période coloniale japonaise.

Le Parti du travail de Corée du Sud (WPSK), un groupe communiste qui avait été interdit par le gouvernement militaire étatsunien à Séoul, s'est également opposé à l'élection et avait une forte base de soutien à Jeju. La tension était à son comble sur l'île après que la police ait tiré sur un rassemblement pour commémorer le Mouvement pour l'indépendance du 1er mars, tuant cinq civils et un enfant de six ans. Dans les mois qui ont précédé le soulèvement, environ 2 500 habitants de l'île ont été emprisonnés, dont beaucoup ont été soumis à la torture. Le 3 avril, un mois avant les élections nationales, la WPSK a lancé une révolte armée ciblant les postes de police de toute l'île.

Le gouvernement militaire étatsunien a réagi au soulèvement en bloquant l'île, en envoyant des renforts de la garde nationale coréenne et en faisant appel à des conseillers étatsuniens pour coordonner les efforts de lutte contre l'insurrection. En août 1948, Syngman Rhee est devenu le premier président de la République de Corée nouvellement déclarée, cimentant ainsi la division nationale.

Soutenu par les États-Unis, Rhee a autorisé une campagne de terre brûlée à Jeju au cours de laquelle des villages ont été brûlés et des milliers de guérilleros présumés exécutés sommairement sans procès. Des centaines d'autres ont été raflés et envoyés dans les prisons du pays à la suite de condamnations douteuses pour rébellion. Rhee a également déployé une force paramilitaire, la Northwest Youth League, qui consistait en des anticommunistes qui avaient fui la Corée du Nord et étaient responsables de certaines des pires atrocités.

Conscient de ce passé, le président sud-coréen Moon Jae-in s'est récemment rendu à Jeju à l'occasion du 70e anniversaire du soulèvement et a prononcé un discours puissant dans le parc de la paix du 3 avril, qui abrite des stèles funéraires pour des milliers de victimes dont les corps n'ont jamais été retrouvés. Dans son discours, Moon s'est excusé "pour la douleur causée par la violence de l'État" et a décidé d'indemniser les membres des familles des victimes et de rétablir la réputation des personnes condamnées à tort par les tribunaux militaires. Il a également parlé de la nécessité d'"éviter d'être piégé dans un cadre idéologique usé".

Bien sûr, la péninsule coréenne est toujours prise au piège dans un cadre idéologique, dont les graines ont été semées en partie à cause des événements tragiques de Jeju. L'une des manifestations évidentes de ce conflit est l'impasse sur le programme nucléaire nord-coréen et l'hostilité de longue date entre ce pays et les États-Unis. Au cœur de cette animosité se trouve le blâme que le régime nord-coréen attribue au gouvernement étatsunien pour son rôle dans la division de la péninsule en 1945.

Lorsque les dirigeants de ces deux parties s'assoiront à Singapour le mois prochain, Trump et Kim seront accablés non seulement par la question complexe de la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais aussi par des griefs historiques qui remontent à plusieurs décennies. L'établissement d'un sentiment de confiance et de bonne volonté devrait donc être la première question à l'ordre du jour.

Les excuses peuvent faire beaucoup pour favoriser le processus, et peut-être c'est justement en Corée que cela est le plus censé. Après tout, c'est un pays où des centaines de personnes se réunissent chaque mercredi à l'extérieur de l'ambassade du Japon pour exiger des excuses sur la question des femmes de réconfort coréennes forcées de servir dans des bordels de l'armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.

En suivant l'exemple du président Moon et en présentant des excuses pour le rôle des États-Unis dans la facilitation de l'effusion de sang sur Jeju et le cadre idéologique rance de la péninsule coréenne, Trump signalerait sa reconnaissance d'un problème qui va bien au-delà de la question nucléaire. Un tel geste serait chaleureusement accueilli par les Coréens des deux côtés.

Plus important encore, cela constituerait un moyen très efficace de permettre au sommet avec Kim Jong-un d'être sur la voie du succès.

Traduction SLT

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