Le pivot russe vers l’Afrique à partir de l’Egypte va-t-il réussir ?
Par Paul Antonopoulos
Fort Russ
Les échanges commerciaux entre la Russie et l’Egypte, qui se sont multipliés ces dernières années, connaîtront bientôt un nouvel élan : les deux pays s’apprêtent à signer un accord bilatéral sur la création d’une zone industrielle russe dans la ville égyptienne de Port-Saïd, située sur le Canal de Suez.
Le document devrait être signé en mai, peut-être le 23. Les investissements dans la première zone industrielle russe à l’étranger s’élèveront à environ 7 milliards de dollars.
C’est un projet unique pour Moscou, et l’expérience avec l’Egypte peut servir de base à d’autres projets similaires, a déclaré Veniamin Popov, directeur du Centre de coopération entre les civilisations à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou (MGIMO).
Le président du Conseil des affaires russo-égyptien Mikhail Orlov a déclaré à la Chambre de commerce russe que le commerce entre les deux pays avait augmenté quatre ou cinq fois au cours des dernières années, ce qui est une priorité pour la Russie.
« Nous sommes très reconnaissants au gouvernement égyptien d’avoir accepté de coopérer aux projets russes visant à renforcer les relations économiques entre les deux parties », a-t-il déclaré. « Il s’agit des produits alimentaires, de l’agriculture, des médicaments et de l’énergie, en particulier la construction d’une centrale nucléaire russe en Egypte ».
L’idée du projet est née en 2014 à la suite de la rencontre du président russe Vladimir Poutine avec son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sisi. En 2016, l’initiative avait été finalisée et le document sera déjà signé cette année.
C’est une initiative à long terme. Selon les estimations précédentes, la création de la zone industrielle russe dans la zone du canal de Suez prendra 13 ans.
Cependant, on prévoit qu’à partir de 2026, la production de la zone sera évaluée à environ 3,6 milliards de dollars américains par an.
À l’heure actuelle, le plus grand intérêt a été exprimé par les compagnies pharmaceutiques et automobiles russes.
En outre, les fabricants de machines lourdes envisagent de transférer une partie du processus de production dans la nouvelle zone afin de réduire les coûts et de faciliter la livraison de leurs appareils aux partenaires du continent.
Une des plus importantes raisons de l’intérêt de Moscou pour la région est la possibilité d’entrer sur le marché égyptien en tant que partenaire privilégié. Le Caire, pour sa part, bénéficiera d’un accès immédiat aux produits russes de haute technologie, ainsi que d’importants investissements et de milliers de nouveaux emplois pour ses citoyens.
En outre, l’accès au canal stratégique de Suez permettra aux entreprises russes d’exporter plus facilement leurs produits industriels en Afrique, en Europe du Sud, dans le golfe Persique et même dans des régions plus éloignées comme l’Amérique latine.
Al-Sisi a pris le pouvoir en juin 2014 à la suite d’une révolte populaire et militaire contre la marionnette américaine et turque, Morsi. L’arrivée d’Al-Sisi au pouvoir a été soutenue par la Russie et l’Arabie Saoudite. L’Arabie Saoudite était intéressée à équilibrer la géopolitique régionale de la Turquie, même si la Turquie et l’Arabie Saoudite sont toutes deux impliquées dans l’invasion de la Syrie. Les Etats-Unis ont installé Morsi en juin 2012 en organisant une « Révolution des couleurs » en Egypte pour enlever Moubarak, alors que le gouvernement égyptien ne voulait pas soutenir l’invasion de la Syrie, bien que Moubarak ait été un allié de confiance des Etats-Unis et travaillait avec Israël pour contenir la Palestine.
Depuis la montée d’al-Sisi, l’Egypte est restée relativement neutre et a bénéficié de relations équilibrées avec la Russie et les Saoudiens. En conséquence, les projets russes visant à renforcer les liens économiques avec l’Égypte en tant que pivot dans le reste de l’Afrique sont, à première vue, réalisables en termes de statut des relations entre Poutine et al-Sisi.
Traduction Avic Reseau international