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Mai 1988. 19 Kanak assassinés. Nous n’oublions pas (AISDPK)

par AISDPK 6 Mai 2018, 05:46 Ouvéa Kanak Nouvelle-Calédonie Colonialisme Assassinats Répression Articles de Sam La Touch

 © I. Leblic

© I. Leblic

Un rassemblement a eu lieu le 4 mai 2018 dans la soirée, devant le musée des Colonies, pour commémorer le drame d’Ouvéa qui se déroula le 5 mai 1988 en Nouvelle-Calédonie où les forces militaires de l’État colonial assassinèrent dix-neuf militants kanak de Iaai. Pendant ce temps-là, les Kanak de Gossanah et du Nord d’Ouvéa qui se rendaient sur la tombe des 19 sont bloqués par un barrage de gendarmes.

Entre 50 et 100 personnes se sont rassemblées ce soir pour commémorer le 30e anniversaire d'Ouvéa.

Intervention de l'AISDPK à la Porte Dorée à Paris

Le 4 mai 1988, à cette heure-ci, et donc au petit matin du 5 à Ouvéa, les forces spéciales de l’armée se préparent à donner l’assaut contre la grotte d’Ouvéa. 

Une fois de plus, sur cet archipel colonisé depuis 1853, l’État français déploie ses commandos spéciaux aux côtés du groupe d’intervention de la gendarmerie pour écraser la revendication indépendantiste.

Une fois de plus, la presse parle des événements calédoniens, comme elle faisait, un quart de siècle plus tôt pour désigner la guerre de libération algérienne.

En 1988, c’est la deuxième fois en moins de 4 ans que le FLNKS est amené à s’opposer au moyen d’un boycott d’élections, à un statut contraire au droit du peuple kanak à disposer de lui-même.

Le 18 novembre 1984, Éloi Machoro brisait une urne pour marquer le début du boycott contre le statut Lemoine proposé par le gouvernement socialiste. Le GIGN l’assassinait en janvier 1985, sur fond d’émeutes anti-indépendantistes à Nouméa.

En 1988, c’est contre le statut Pons imposé par la droite lors de son retour au pouvoir 1986, que le congrès FLNKS appelle à boycotter les élections présidentielles et territoriales des 24 avril et 8 mai.

 

22 avril 1988

Dans le cadre de cette mobilisation, les militants kanak de l’île d'Ouvéa ont prévu l’occupation de la gendarmerie.

Mais, le 22 avril, l’action tourne mal : les gendarmes résistent, 4 sont tués et vingt-sept autres sont pris en otage dont une partie fut emmenée dans la grotte de Gossanah.

L’île est bientôt bouclée, interdite d'accès à la presse, l’armée appelée en renforts. 

 

24 avril, premier tour des présidentielles

Le ratissage de l’île commence.

L’armée s’installe dans la tribu de Gossanah.

Les femmes et les hommes sont séparés et enfermés dans des cases. Ils vont le rester jusqu’au 29 avril.

Les hommes sont privés d’eau. Les uns après les autres, ils sont appelés, torturés et, après l’interrogatoire, attachés à des poteaux.

Au soir du premier tour, les vainqueurs sont François Mitterrand et Jacques Chirac, le Front national avec près de 15 % se présente en arbitre. 

 

26 avril

Le GIGN localise la grotte, établit le contact avec les militants dans la grotte. Au nom de ces derniers, Alphonse Dianou annonce qu’ils sont prêts à libérer les otages contre le retrait des forces de l'ordre et la nomination d’un médiateur.

Dans cet entre-deux tours, la droite se déchaîne : Pons, envisage toute les solutions pour en finir vite avec les Kanak, y compris le napalm. Sur le terrain, les Kanak sont toujours prêts à négocier.

 

5 mai 1988

C’est dans ce contexte, trois jours avant le second tour, que l’assaut est donné contre la grotte sur ordre du Premier ministre, J. Chirac, avec l'aval du président de la République, F. Mitterrand.

Bilan : 19 Kanak tués dont plusieurs assassinés après reddition. Des dizaines de prisonniers transférés en métropole ; 2 morts côté militaires.

 

8 mai 1988

Ouvéa enterre ses morts.

En France, le président de la République François Mitterrand est réélu.

Une mission de dialogue va sur le terrain, elle pousse les anti-indépendantistes à accepter le dialogue avec le FLNKS, un FLNKS endeuillé.

C’est de ces sacrifices, de ces martyrs que découle – qu’on le veuille ou non – le statut transitoire vers l’autodétermination. C’est de cette mobilisation initiale que sont issus les accords de Matignon Oudinot, relayés en 1988 par l’accord de Nouméa.

Pourquoi exiger vérité et justice en cette année de référendum ?

Parce que la parole et les témoignages des Kanak victimes d’exactions, des témoins y compris le médecin légiste de l’État, des corps des militants assassinés n’ont jamais été pris en compte par la justice.

Parce que le processus de négociations a été associé à une amnistie qui a permis la libération des prisonniers, mais a permis aussi l’impunité des militaires assassins. 

Parce que les militants indépendantistes preneurs d’otage n’ont pas été traités selon les procédures normales et que la justice de l’époque a agi comme une justice coloniale discriminante.

Parce que tous ceux qui aspirent à un avenir pacifique savent qu’il n’y a pas de paix qui se construise sur le silence, le mensonge et l’injustice.

Ces jours, l’actuel président de la République française s’est invité sur l’île même où un massacre a été perpétré avec l’aval d’un autre président de la République. Le comité de Gossanah dénonce cette venue impromptue comme une provocation. Le président répond qu’il ne prononcera aucun discours.

Drapeau de Kanaky flottant devant l'ex-musée des Colonies © I. Leblic

 

Et pourtant, en Algérie, en 2017, Emmanuel Macron avait assimilé la colonisation à « un crime, une crime contre l’humanité ».

À Ouvéa, il y a eu des crimes,

À Ouvéa, les militants kanak rescapés de la grotte ont au cours de ces trente dernières années entamer des discussions, les faits ont été établis, la douleur des familles de gendarmes tués reconnue.

À Ouvéa, la présidence de la République a donc à son tour l’occasion de reconnaître les crimes de son État profond ? et d’annoncer, comme le lui demande le Comité vérité et justice :

  • La réouverture et l’accès aux dossiers qui ont fait l’objet de l’amnistie ;
  • La possibilité de consulter les archives des ministères de l’Intérieur, des DOM-TOM, et celles de l’armée, de la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI), la synthèse des Renseignements généraux sur la Nouvelle-Calédonie, et le Fonds Foccart pour la période 1981 à 1990 ;
  • La levée du secret-défense pour les affaires néo-calédoniennes.

Ces revendications sont portées par le Comité Vérité et Justice en Kanaky, pour les familles de Pierre Declercq, d’Éloi Machoro, Marcel Nonnaro et les 19 d’Ouvéa.

Nous soutenons ces revendications et, à la veille du référendum d’autodétermination, fixé au 4 novembre 2018, nous rappelons que :

  • nous soutenons le droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes,
  • dans le cas de la Nouvelle Calédonie, il s’agit du peuple kanak,
  • la France y est la puissance coloniale et, de ce fait, juge et partie,
  • c’est elle qui a rendu le peuple kanak minoritaire sur son propre territoire pratiquant une politique de colonisation de peuplement ;
  • le scrutin n’est pas organisé par une instance internationale indépendante.

 

Pendant ce temps-là à Ouvéa

Les Kanak de Gossanah et du Nord de l'île d'Ouvéa qui se rendaient sur la tombe des dix-neuf  sont bloqués par un barrage de gendarmes jusqu'à 14 heures. Sans doute pour laisser le président Macron se rendre à la tombe sans contestation…

 

Au moins 200 personnes sont ainsi bloquées. Les forces de l'ordre ont en effet eu ordre de les empêcher d’aller à Hwadrilla.

 

Puis ils ont ensuite laisser passer progressivement les voitures en les fouillant et confisquant les sabres d’abattis et autres outils. Par contre, ils ont bloqué le fils d’Alphonse Dianou, son passage étant suspendu à la réponse directe du haut-commissaire. Il est finalement passé, escorté par les renseignements généraux.

 

Ensuite, les vieux de Gossanah ont décidé de rebrousser chemin et de rentrer à Gossanah.

À suivre demain...

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