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Le Département de la sécurité intérieure compile la base de données des journalistes et de « ceux qui influencent les médias »

par Michelle Fabio 27 Juillet 2018, 09:49 Médias Surveillance Journaliste Contrôle Liberté d'informer Censure USA

Médias News (c) CCA Pixabay

Médias News (c) CCA Pixabay

Dans le numéro d’aujourd’hui de « I’m Not Terrified, You Are », Bloomberg Law rend compte d’un article publié sur FedBizOpps.gov par le Department of Homeland Security (DHS) sur un sujet apparemment relativement anodin « media monitoring services » [services de surveillance des médias, NdT].

Les détails de la demande d’information ci-jointe, cependant, décrivent un plan pour rassembler et surveiller les activités publiques des professionnels des médias et des personnes d’influence et sont de nature à causer des cauchemars à dimensions constitutionnelles, d’autant plus que la liberté de la presse est attaquée dans le monde entier.

Et le mot « attaque » n’est pas une hyperbole.

Chaque jour, les journalistes sont confrontés à de graves représailles, notamment la violence physique, l’emprisonnement et la mort. Il y a quelques jours, le Comité pour la protection des journalistes a lancé sa campagne annuelle Free The Press pour faire connaître les journalistes emprisonnés dans le monde entier. Le 3 mai, l’UNESCO marquera à nouveau la Journée mondiale de la liberté de la presse « pour informer les citoyens des violations contre la liberté de la presse – un rappel que dans des dizaines de pays à travers le monde, les publications sont censurées, sanctionnées, suspendues et fermées, tandis que les journalistes, rédacteurs et éditeurs sont harcelés, attaqués, détenus et même assassinés ».

Pendant ce temps, le gouvernement des États-Unis, traditionnellement l’un des bastions de la liberté de la presse, est sur le point de dresser une liste des journalistes professionnels et « d’importants influents des médias », qui semble inclure les blogueurs et les podcasters, et surveiller ce qu’ils mettent à la disposition du public.

Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Beaucoup de choses.

 

Plan de « surveillance des médias » du DHS.

Dans le cadre de sa « surveillance des médias », le DHS cherche à suivre plus de 290 000 sources d’information mondiales ainsi que les médias sociaux dans plus de 100 langues, y compris l’arabe, le chinois et le russe, pour une traduction instantanée en anglais. La société contractante retenue aura « un accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à un mot de passe protégé, à une base de données sur les personnes exerçant une influence dans les médias, notamment les journalistes, les éditeurs, les correspondants, les influents sur les médias sociaux, les blogueurs, etc. » afin « d’identifier toute couverture médiatique liée au Département de la sécurité intérieure ou à un événement particulier ».

« Toute la couverture médiatique », comme vous pouvez l’imaginer, est assez large et comprend « les médias en ligne, la presse écrite, la radiodiffusion, le câble, la radio, les publications commerciales et industrielles, les sources locales, les médias nationaux/internationaux, les sources d’information traditionnelles et les médias sociaux. »

La base de données sera consultable par « lieu, cadence et type d’influents”, et pour chaque influent, le contractant choisi devrait « présenter les coordonnées et toute autre information qui pourrait être pertinente, y compris les publications pour lesquelles cet influent écrit et un aperçu de la couverture précédente publiée par l’influent ».

L’un des éléments de la couverture médiatique à recueillir est son « opinion ».

Est-ce que quelqu’un d’autre tire un peu plus la couverture sur leur tête ? Ou est-ce juste moi ?

 

Pourquoi une « surveillance des médias » et pourquoi maintenant ?

Selon le DHS, le « NPPD/OUS [National Protection and Programs Directorate/Office of the Under Secretary ; Direction de la protection et des programmes nationaux/bureau du sous-secrétaire] a un besoin crucial d’incorporer ces fonctions dans ses programmes afin de mieux atteindre les partenaires fédéraux, étatiques, locaux, tribaux et privés ». Qui sait ce que cela signifie, mais le document indique également que la mission du NPPD est de « protéger et d’améliorer la solidité de l’infrastructure physique et de la cyber-infrastructure de la nation ».

Cette ligne donne l’impression que la création de cette base de données pourrait être une réponse directe aux allégations omniprésentes d’ingérence russe dans les élections présidentielles américaines de 2016 – bien que le président Donald Trump, qui a normalisé le terme « fake news », ne semble pas pouvoir décider si c’est un problème ou non.

Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, pense que oui. Un peu plus tôt cette semaine, il a annoncé que le site de réseau social supprimerait « plus de 270 pages et comptes exploités par une organisation russe appelée Internet Research Agency » dans un effort pour « protéger l’intégrité des élections dans le monde entier ».

Dans le contexte des préoccupations croissantes concernant les « fake news » et l’ingérence étrangère dans les élections, une action telle que la base de données du DHS pourrait sembler, à première vue, être une approche raisonnable.

Pas exactement.

Malheureusement, l’ingérence croissante du gouvernement dans la liberté de la presse est la toile de fond sinistre de tout cela. Freedom House, qui a surveillé la situation de la presse pendant près de 40 ans, a récemment conclu que la liberté des médias à l’échelle mondiale a atteint son niveau le plus bas en 13 ans. L’organisation indépendante de surveillance accuse « de nouvelles menaces pour les journalistes et les médias dans les grandes démocraties » ainsi que « de nouvelles mesures de répression contre les médias indépendants dans les pays autoritaires comme la Russie et la Chine ». Et puis ça va encore plus loin.

« Mais ce sont les graves attaques contre les médias et leur place dans une société démocratique de Donald Trump, d’abord comme candidat et maintenant comme président des États-Unis, qui alimentent les prévisions d’autres revers dans les années à venir », selon le rapport.

La base de données des médias du DHS pourrait-elle être un tel retour en arrière ?

C’est bien possible, et ce n’est même pas la première fois qu’un contrôle éventuel des journalistes a dérivé sur la scène politique américaine.

En octobre dernier, un législateur d’Indiana a proposé que les journalistes soient accrédités. Le projet de loi du représentant Jim Lucas était surtout un coup de publicité, mais cette action du DHS pourrait-elle être un moyen pour le gouvernement de surveiller les journalistes américains et étrangers ainsi que les « journalistes citoyens », menaçant non seulement la liberté de la presse mais aussi la liberté d’expression individuelle ?

La vraie question, bien sûr, est de savoir ce que le gouvernement compte faire de l’information qu’il rassemble, et il n’y a pas eu de commentaires à ce sujet, si ce n’est dans l’affichage, qui, soit dit en passant, intéresse au moins sept entreprises. Les personnes qui figurent dans la base de données des médias du DHS seront-elles interrogées plus durement à l’entrée et à la sortie du pays ? Auront-elles du mal à obtenir des visas pour se rendre dans certains pays pour leurs propres reportages ou pour des vacances personnelles ? Pire ?

En parlant de visas – et montrant que l’activité des médias sociaux est carrément dans le viseur de cette administration – plus tôt cette semaine, le département d’État a placé deux avis dans le Federal Register [Registre fédéral, NdT] afin d’obtenir des commentaires sur sa proposition d’exiger que tous les demandeurs de visa aux États-Unis transmettent les informations qu’ils ont postées sur les médias sociaux dans les cinq années précédentes.

En ce qui concerne la base de données des médias du DHS, nous entrons sur un territoire potentiellement dangereux, le gouvernement gardant la trace des « sentiments » des citoyens et des ressortissants étrangers. Si les organisations qui défendent la liberté de la presse et la liberté d’expression ne contestent pas les poursuites judiciaires, le gouvernement devrait s’attendre, à tout le moins, à un tollé de la part du public.

Et ça veut dire vous. Si vous pensez que l’idée que le gouvernement des États-Unis dresse et surveille une liste de professionnels des médias et de « personnalités importantes influençant les médias » est une menace potentielle pour la démocratie, ce serait le moment idéal pour appeler vos représentants locaux et du Congrès pour leur faire savoir à quel point vous attachez de l’importance à la liberté de la presse et à la liberté d’expression, au cas où ils l’auraient oublié.

Dormez bien, les enfants !

 

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.

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