Le Quai d’Orsay ordonne le premier exercice avec la marine israélienne depuis... 55 ans !
Par Etienne Pellot
Proche et Moyen-Orient.ch
La marine israélienne a participé – fin juin – à un exercice conjoint avec la Marine nationale au large de Toulon : une première depuis 55 ans ! Vu la sérieuse dégradation de l’image d’Israël dans l’opinion française – accentuée par les répressions meurtrières récurrentes à Gaza et l’adoption d’une loi d’apartheid privilégiant les citoyens juifs -, les autorités françaises sont restées très discrètes tandis que la marine israélienne a multiplié les communiqués et déclarations indiquant notamment qu’il s’agissait d’améliorer la « coordination » en Méditerranée…
Si la multiplication des efforts de Tel-Aviv visant à banaliser l’Etat hébreu afin de le faire apparaître comme un « pays normal, comme les autres », participant de plein pied à la vie internationale, ne constitue pas – en soi – une surprise, la position française pose davantage de questions, Paris ne pouvant ignorer les violations israéliennes répétées du droit international et de plus de 400 résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Non, Paris ne peut ignorer qu’Israël n’est pas un Etat comme les autres et encore moins depuis l’adoption de sa dernière loi d’apartheid !
Conformément à un plan communication visiblement très préparé, un officier israélien « de communication » a, longuement expliqué à l’AFP que deux corvettes israéliennes ont participé à un exercice aux cotés de la frégate française La Fayette, appuyée par plusieurs avions et un hélicoptère de la Marine nationale. Les bâtiments israéliens sont restés une semaine à Toulon, l’exercice lui-même ayant duré deux jours. Une source militaire française a confirmé, aussi à l’AFP qu’« il n’y avait pas eu d’escale de bâtiment israélien à Toulon depuis plus de 50 ans », sans autre précision sur ce sujet, visiblement délicat pour nos marins.
L’exercice proprement dit a porté sur une « attaque asymétrique de petits navires visant un grand vaisseau (israélien ou français) et sur les manœuvres à effectuer pour assurer la défense de ce genre de bâtiment dans une telle situation », a précisé l’officier israélien, ajoutant : « nous avons également testé nos communications en vue d’une attaque commune ». Il a, aussi indiqué que le chef de la marine israélienne, l’amiral Eli Shavit, s’était rendu à Toulon pour assister à l’exercice. « Nous espérons que ces manœuvres vont (…) se renouveler à l’avenir dans les ports français », a conclu l’officier israélien très enthousiaste d’avoir pu ainsi collaborer avec l’une des meilleures marines du monde.
La Marine nationale effectue de fréquentes escales à Haïfa, port militaire dans le nord d’Israël, selon des accords négociés par le Quai d’Orsay. Et vérifications faites, c’est bien le cabinet du ministre des Affaires étrangères et plus particulièrement Jean-Claude Mallet – l’inamovible conseiller de Jean-Yves Le Drain – qui a ordonné la tenue de l’exercice franco-israélien, en rupture complète avec plus de quarante ans de politique étrangère gaullienne aux Proche et Moyen-Orient.
Avant l’accession à la présidence du général de Gaulle en 1958, les dirigeants de la IVème république ont été les principaux pourvoyeurs d’armes d’Israël, participant notamment aux transferts de technologies nécessaires à la construction du réacteur nucléaire (militaire) de Dimona, dans le sud du pays. Mais, après la guerre de juin 1967 et l’annexion des territoires palestiniens, le général de Gaulle avait donné un sérieux coup de frein à toute espèce de coopération militaire entre les deux pays. La France avait même imposé un embargo sur les ventes d’armes à Israël. Visiblement, cette mémoire gaulliste, sinon gaullienne n’embarrasse pas notre actuel ministre des Affaires étrangères qui a pourtant milité dans plusieurs organisations de défense de la cause palestinienne durant sa jeunesse.
Dans le même temps, nous apprenions que le même ministère avait décidé d’interrompre (à la demande des autorités de Tel-Aviv), les activités de l’Institut Français de Naplouse, l’une des plus grandes villes de Cisjordanie. Une décision incomprise par les Palestiniens francophones sur place qui signe aussi la disparition de la dernière représentation étrangère officielle dans le nord de la Cisjordanie. Un retrait incompréhensible et contraire aux intérêts de la France…
Niché sur une colline de Naplouse, l’Institut Français existe depuis un peu plus de trente ans dans cette ville très peuplée de Cisjordanie, plus de 150 000 habitants. Il est hébergé dans une superbe demeure ottomane et on y trouve une bibliothèque, des salles de cours qui accueillaient cette année près de 370 étudiants, un hall qui fait office de salle d’exposition et de salle de projection, comme dans tous centres culturels et d’enseignement du français.
Au printemps dernier, le ministère des Affaires Etrangères a acté la fermeture de cet institut, sans aucune explication. Elle sera effective dès la fin du mois d’août prochain. Les Francophones (mais pas seulement) de Naplouse qui ont lancé une pétition sur la plateforme change.org pour demander aux autorités françaises de revenir sur cette décision. Tala Shelbayeh, est l’une des signataires. Pour cette jeune Palestinienne, c’est un lieu d’ouverture sur le monde dans un territoire soumis aux restrictions de circulation, à l’occupation et à la répression : « L’Institut n’est pas seulement pour les étudiants en français, mais pour tout le monde. Nous sommes dans un pays enfermé. Nous n’avons pas beaucoup la possibilité de découvrir le monde extérieur. L’Institut français nous donne une grande chance de pouvoir le faire. C’est très bien pour les échanges culturels. Ce qui va se passer si l’Institut ferme, c’est grave parce que cela devient insupportable d’être enfermés comme cela et ne peut générer, à terme, que plus d’incompréhension et de violence ».
Les motivations du ministère français des Affaires étrangères sont floues, et en tout cas ne sont pas officielles. Selon Paris, il ne s’agirait d’une question de budget et d’organisation ??? La communication du consulat général de France à Jérusalem prête assez à sourire, affirmant que la fermeture de Naplouse n’est pas une réduction des activités et de la coopération… mais que c’est l’occasion de les développer hors les murs avec des partenaires locaux… A l’image de l’engagement de la France dans la région, la présence culturelle française dans les Territoires Palestiniens resterait forte avec les trois autres Instituts français de Gaza, Ramallah et Jérusalem. Bref : la guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force !
Ces derniers mois, la situation et la liberté de déplacement des diplomates étrangers se sont considérablement dégradées. Ils sont soumis à d’interminables fouilles israéliennes à la sortie de la bande de Gaza, ce qui est en totale contradiction avec les conventions diplomatiques. Les agents consulaires français sont également restreints dans leurs déplacements en Cisjordanie, classée en zone orange donc déconseillée. Comment expliquer ce resserrement d’un maillage déjà destiné à surveiller, punir et faire partir ? En tous les cas, avec l’Institut français de Naplouse qui ferme ses portes, c’est la disparition de la dernière représentation étrangère officielle dans le nord de la Cisjordanie.
Avant d’accéder à l’Elysée, Nicolas Sarkozy nous avait averti qu’il voulait rééquilibrer la diplomatie proche-orientale de la France en faveur d’Israël. Ce qu’il a fait ! François Hollande a fait mieux, donnant tous les gages possibles et inimaginables à Benjamin Netanyahou de son soutien inconditionnel à la politique israélienne d’annexion, de construction de nouvelles colonies et de répression des populations palestiniennes occupées. Emmanuel Macron est en train de faire pire. Pour quelles raisons ? Pour quels intérêts de la France ?
Un événement défie actuellement toutes les logiques possibles : l’adoption de la nouvelle loi israélienne officialisant un système d’apartheid entre les citoyens juifs et les autres, ne suscite aucune espèce d’indignation particulière. Où sont passés nos professionnels de l’indignation sélective, nos moralistes cathodiques, nos BHL, Franz-Olivier Giesbert, Caroline Fourest, Jean-Paul et Raphaël Enthoven et consort. Rares sont les violations des droits de l’homme qui pourraient échapper aux chevaliers blancs des matinales de France-Culture. Et pourtant cette évolution majeure d’une société israélienne – qui continue à se refermer et se renfermer – n’a pas suscité le moindre émoi de la radio publique, à l’exception des justifications empruntées de la voix de son maître, l’incontournable Frédéric Encel, ancien militant du Betar (groupuscule de l’extrême-droite israélienne).
Dormez brave gens, l’ordre règne à Tel-Aviv et à Jérusalem, même si les Chrétiens peuvent de moins en moins accéder aux lieux saints de leur religion. A la limite de la municipalité de Bethléem, le tombeau de Rachel avait toujours été un lieu ouvert à l’ensemble de la population ; Juifs, Musulmans, Agnostiques, Bretons et Papous. Désormais, ce lieux de culte a été annexé, devenant accessible aux seuls porteurs de kipa, sous la bonne garde de la soldatesque israélienne.
Etienne Pellot
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