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Monsanto : les semences du coton OGM appauvrissent le Burkina Faso (Osservatorio Diritti)

par Marta Gatti 17 Juillet 2019, 13:50 Burkina Faos OGM Monsanto Coton Appauvrissement Afrique Agriculture

Monsanto : les semences du coton OGM appauvrissent le Burkina Faso (Osservatorio Diritti)

 

Photo : Récolte du coton au Burkina Faso. Photo : @KKB Own work (via Wikimedia)

Le rapport du Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition envoie un avertissement aux autres pays africains qui ont adopté des OGM. Maigres gains, endettement des acteurs de la filière, réduction de la biodiversité et menace sur le droit à l’alimentation sont les effets constatés après huit ans d’utilisation des semences OGM du coton Monsanto.

L’adoption du coton BT de Monsanto aurait eu de lourdes conséquences économiques et sociales au Burkina Faso, en particulier pour la population rurale. C’est ce que dénonce un rapport récent publié par Réseau mondial pour le droit à l’alimentation et à la nutrition, « Bénéfice des entreprises ou diversité des systèmes alimentaires ? ». Mais procédons par ordre.

Le BT cotton, littéralement Bacillus Thuringiensis, est un coton qui contient des toxines répulsives pour certains types de parasites de la plante. Cette matière première avait été introduite au Burkina Faso en 2008 comme une solution pour relancer la production. Mais, à distance de huit ans, en 2016, Ouagadougou avait annoncé l’abandon de ce coton OGM. Une décision suscitée par une production en baisse et par la mauvaise qualité de la matière première finale.

Et aujourd’hui, à distance de deux ans, voici l’étude qui enquête sur les conséquences de ces choix et qui apparaît comme un avertissement pour les autres pays africains qui ont adopté des variétés de semences modifiées. Parmi les pays de l’Afrique subsaharienne qui ont introduit des semences modifiées, se trouvent l’Afrique du Sud et le Soudan.

Semences OGM du coton Monsanto, brevets et pesticides

Le texte se concentre sur l’impact qu’a eu la diffusion des semences commerciales au Burkina Faso, premier pays d’Afrique Occidentale à adopter des OGM et le coton BT. De 2008 à 2016, en effet, le pays a misé sur la culture du coton OGM, commercialisé par la multinationale Monsanto.

L’adoption de ces semences s’est interrompue en 2016, quand les plus gros producteurs de cette matière première en ont annoncé la suspension, due aux mauvaises performances du coton BT sur le marché et à la dégradation de la qualité de la matière première.

Dans le rapport, on voit que le cas du Burkina Faso constitue un exemple de la dépendance des paysans à des variétés protégées par brevet, accompagnées de paquets technologiques composés de pesticides et de fertilisants. Les chercheurs du réseau soulignent le fait qu’il n’existe pas encore d’étude officielle sur les impacts écologiques et économiques du coton BT dans le pays.

 

Paysans endettés et dépendants au Burkina Faso

Le coût élevé des semences du coton BT commercialisé par Monsanto aurait entraîné, dans de nombreux cas, l’endettement des producteurs et des divers acteurs de la filière. L’introduction des OGM a aggravé un système de dépendance des paysans, déjà présent avec la diffusion des variétés commerciales.

Dans de nombreux cas, les paysans auraient reçu à crédit semences et pesticides avant l’ensemencement, pour ne payer qu’ensuite, au moment de la récolte. Avec cette procédure, tout va bien tant que la récolte est bonne, mais les choses se compliquent en cas de mauvaise récolte. Non seulement les paysans obtiennent un gain plus faible, mais ils doivent aussi rembourser semences et produits chimiques, souvent à un prix fixe. Certains des paysans interviewés ont déclaré qu’ils ne se sont pas sentis libres de choisir d’adopter ou non les OGM. Malgré l’échec de la production BT, le Burkina Faso serait prêt à adopter de nouvelles semences modifiées.

Les associations paysannes concernées par cette étude ont dit qu’elles s’étaient senties dépossédées du contrôle sur la production et sur la sélection des semences. Elles ont en outre expliqué que les variétés commerciales ont une vie brève et doivent être de nouveau achetées tous les deux ou trois ans.

 

La coopération au développement soutient les semences sous brevet

Le rapport dénonce le fait que, au cours de la campagne agricole 2015/2016, le Burkina Faso a subventionné, à hauteur de 30 millions de dollars, pesticides, engrais chimiques et semences commerciales.

Selon ce document, les programmes et projets d’aide de la coopération internationale au développement promouvraient aussi la diffusion de semences protégées par brevet. Dans certains cas, des cours de formation à l’utilisation de pesticides et engrais sont prévus pour les paysans. Le but du gouvernement burkinabé serait de répandre l’utilisation de semences améliorées, de garantir la sécurité alimentaire et de moderniser le secteur agricole.

 

Droit à l’alimentation et biodiversité en danger

Selon le rapport, les programmes de soutien aux semences hybrides et commerciales mettraient en danger le droit à l’alimentation et à la nutrition, en particulier pour la population rurale qui fonde son régime alimentaire sur des semences locales. Les systèmes de semences modernes seraient aussi une menace pour la biodiversité et l’existence même des variétés traditionnelles.

« Diffusez de l’amour, pas du glyphosate »

Le document souligne aussi la responsabilité des États. Selon les chercheurs, il n’y aurait pas eu d’application du principe de précaution avant l’introduction à grande échelle des OGM dans la filière du coton.

 

Agriculture africaine, multinationales et brevets

Le 26 avril dernier, à l’occasion de la Journée Internationale de la propriété intellectuelle, l’Alliance pour la Souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) a diffusé un rapport sur le thème de la résistance à l’invasion des multinationales dans le système des semences africaines et sur la construction d’un système de semences paysannes pour la souveraineté alimentaire en Afrique.

Selon ce document, même les organisations supranationales africaines comme la SADC (la Communauté de Développement de l’Afrique australe) et le COMESA (le Marché Commun de l’Afrique orientale et australe) auraient poussé les États à approuver des règlements qui favorisent la diffusion des semences commerciales, à l’avantage des multinationales.

 

Des traités de libre-échange pour changer les lois sur les semences

Ces traités, lit-on dans une déclaration publiée le 19 avril par La Via Campesina, ont « conduit à l’effondrement de l’agriculture et des communautés paysannes et rurales, ce dernier conduisant à son tour à la perte de la souveraineté alimentaire et à la ruine des communautés rurales subsistant grâce à l’agriculture ». Le principal mouvement paysan mondial fait référence à la volonté de contrôle de la filière tout entière de la part des majors du secteur agricole : « de la semence à la table ».

Cette thèse est aussi soutenue par l’ONG Grain. En effet, dans un article paru au mois de mars, elle souligne les conséquences des accords commerciaux sur les lois sur les semences en Afrique :

« Bien que chaque État soit libre d’adhérer ou non aux traités, ces pays se trouvent souvent obligés de signer pour des raisons financières ».

 

Le marché des semences et la propriété intellectuelle

Cependant, quand il s’agit de réguler les transactions sur les semences, il faut tenir compte de leurs particularités. « La semence est polyvalente : elle peut être une ressource génétique sur laquelle on base la recherche, elle peut être un produit vendu pour sa farine et elle peut être une semence qui donnera naissance à une plante ». C’est l’agronome Giuseppe De Santis, du Réseau Semences Rurales (Rete Semi Rurali), qui le dit dans l’Observatoire des droits (Osservatore Diritti) : il insiste sur le rôle central des semences et sur leur polysémie quand il s’agit de réguler leur usage. Cela veut dire qu’une même composante de la plante a des valeurs et des marchés différents selon la façon dont elle est conçue.

Le marché des semences est en soi atypique parce que, comme le dit Giuseppe De Santis, « en théorie, on n’aurait pas besoin d’acheter des semences pour pouvoir remettre en culture son champ l’année suivante ». En effet, certaines variétés possèdent les mêmes caractéristiques que le géniteur qui les a générées.

Le système des semences, tel que nous le connaissons aujourd’hui, répond à la nécessité de protéger en premier lieu l’agriculteur : « Il le protège en ce qui concerne la sécurité de la semence, qui doit être saine et correspondre au meilleur rendement sur le terrain », explique l’agronome du Réseau Semences Rurales. C’est cette exigence qui a donné naissance aux lois sur les semences au début du XXe siècle et donc au marché des semences. « Le marché s’est de plus en plus spécialisé et monopolisé avec la révolution verte, qui a déterminé la séparation définitive entre les paysans et les « disciplines » de la production des semences ». Ainsi sont apparus des intermédiaires qui réalisent la sélection et l’amélioration des semences de départ. Leur produit final doit cependant être nettement différent du produit de départ pour pouvoir jouir de la reconnaissance de la propriété intellectuelle.

 

En Afrique les semences sont le patrimoine de tous

« La plus grande partie des variétés de semences qui sont commercialisées dans le monde relèvent du domaine public, elles ne sont pas brevetées, puisqu’elles proviennent d’un très long travail de sélection développé par les paysans pendant des millénaires », explique Giuseppe De Santis.

Ceci apparaît de façon évidente dans le marché africain, étant donné que la plus grande partie, entre 80 et 90 %, des semences, provient de systèmes paysans traditionnels. « En Afrique, le thème de la propriété intellectuelle est une question politique », souligne l’agronome, qui ajoute : « La plus grande partie des paysans continue à utiliser des semences traditionnelles ». La tranche de marché concernée par la propriété intellectuelle est encore faible.

« Il existe cependant un mécanisme d’aide internationale et de coopération qui sert de cheval de Troie pour la diffusion de variétés modernes de semences ».

 

Régimes standardisés et réduction de la biodiversité

La réduction des variétés cultivées et la diffusion des semences modernes ont influé sur la diminution de la biodiversité, mais c’est la standardisation des régimes alimentaires qui a joué le rôle essentiel. C’est encore une fois l’agronome du Réseau Semences Rurales qui soutient cette idée : « Le système alimentaire mondial provoque une érosion génétique systématique ».

« Au Sénégal, dans de nombreux secteurs, la baguette a remplacé le mil, mais le Sénégal ne produit pas de blé », souligne-t-il. « Cela a eu un impact sur les variétés de mil que les gens consomment et donc qui sont cultivées ».

 

Fusion Bayer-Monsanto : risques des unions de filière

L’autorisation conditionnelle de la Commission Européenne à la fusion entre Bayer et Monsanto date du mois de mars. Cette union intervient dans un marché déjà dominé par un petit nombre de groupes, après le mariage entre Chem China et Syngenta, Dow Chemical et DuPont. « Qui contrôle les semences contrôle aussi ce que nous mangeons », souligne l’agronome du Réseau Semences Rurales :

« Les fusions sont préoccupantes parce que ce sont des fusions de filière : semences, produits phytosanitaires et distribution ».

Ce qui se répand, à travers les semences, c’est le modèle alimentaire global promu par les colosses de l’agrobusiness.

Marta Gatti

 

Article original : Osservatorio Diritti
Traduit par Rosa Llorens pour 
Tlaxcala

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