One more fake. Double fausse information russophobe pour le JT de France 2 [Vidéos]

"Une Fake News, c'est une fausse information qui n'est pas cautionnée par les autorités". Fabrice Eppelboin, professeur de géopolitique appliqué au cyber et sur les cultures contemporaines issues de l'internet à Sciences Po. (Gros déballage sur la désinformation médiatique française durant la guerre en Libye sur Europe 1).

Décidément il n'est pas simple d'informer quand on est journaliste dans le P.A.F, les médias d'Etat sont sans doute l'exemple paradigmatique de cette difficulté quand on connaît leurs liens organiques avec le pouvoir en place dans le cadre du régime de la Vème République, triste héritage de l'ORTF. (Pujadas n'est pas le dernier des journalistes à avoir été renvoyé de la chaîne, Canet, rédacteur en chef d'Envoyé spécial, a connu le même sort). Cela est particulièrement vrai concernant l'information sur la politique étrangère française ou sur certains dirigeants étrangers rétifs à l'impérialisme franco-étatsunien (Maduro, Poutine, Président iranien). On avait connu la fausse information du JT de France 2 concernant les manifestations en Iran que la rédaction avait rectifié le lendemain suite à un article du Monde.
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Voici une nouvelle fausse information sur Poutine que l'on pourrait qualifier de russophobe dénoncée par un autre média d'Etat mais cette fois-ci russe (Russia Today) mais aussi par Libération.

Dans son JT de 20h du 10 août, France 2 s'est intéressée aux activités de vacances de certains chefs d'Etat. La chaîne publique décerne ainsi «la palme» à Vladimir Poutine, entre autres pour une «chasse au tigre». La journaliste de France 2 déclare dans ce reportage sur les vacances de Poutine : " «C'est de loin Vladimir Poutine qui épate le plus la galerie : chasse au tigre en Sibérie, plongée dans les eaux glacées du lac Baïkal – avec le maître du Kremlin, la propagande ne prend jamais de congés».

Sauf que selon Russia Today, il s'agit d'une fake news : "Car les images mises en avant par la journaliste ne correspondent en rien à la description qu'elle en fait. Si on y voit le président russe au côté d'un tigre, l'image est un cliché datant de 2008 mettant en valeur un programme national de préservation du tigre de Sibérie, auquel Vladimir Poutine a apporté son soutien. Tout l'inverse, donc, d'une chasse au fauve...".

Libération précise dans un article intitulé : "Non, Poutine ne chasse pas le tigre pendant ses vacances" : "un reportage dans le JT de France 2, vendredi, affirme, photo à l'appui, que le président russe chasse le tigre pendant ses vacances. C'est une vieille intox".

Toutefois, Libération donne une autre version que celle de Russia Today dans son article du 13 aout : " Il ne s’agit donc pas de chasse au tigre comme France 2 a coutume de le dire. Pour autant, la version officielle demeure elle aussi contestée par les défenseurs de l’environnement russes, qui ont dénoncé une opération de propagande, et avaient affirmé en 2012 avoir des preuves que le tigre que Poutine avait endormi n’était pas un tigre sauvage, mais un tigre venant d’un zoo, et que l’animal était mort des suites de la mise en scène. Ainsi, le tigre, aurait été amené d’un zoo de la ville de Khabarovsk, dans l’est du pays, à plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à la réserve naturelle d’Ussuri. De là, shooté aux tranquillisants, l’animal aurait été placé dans un piège pour attendre le Premier ministre. Le tigre aurait ensuite été ramené au zoo de Khabarovsk, où il serait mort dans les jours suivants, incapable de se remettre des trois tranquillisants administrés pour la réussite de l’opération de com'. La tigresse Serga -dont on aurait par la suite continué à donner des nouvelles- serait ainsi un «tigre de substitution.». A chacun sa propagande.

Après la publication de l'article de Libération, le présentateur du JT de France 2 de 20h du 13 aout 2018 a précisé à la toute fin du journal qu'il s'agissait d'une erreur à 36'00'' : "Voilà et puisque l'on parle de photo, une petite précision avant de se quitter. Dans notre édition de vendredi soir (10.08.18) nous évoquions Vladimir Poutine qui aurait pratiqué la chasse au tigre en Sibérie. Il s'agissait en réalité d'une photo prise lors d'une expédition pour observer les tigres sauvages. Une erreur s'est donc glissée dans le commentaire. Fin de ce journal..."

Une couverture qui n'est semble-t-il pas à la mesure de la première information diffusée en plein milieu du journal au cours d'un reportage explicite le 10 aout 2018 mais sans doute cela n'en valait pas la peine. L'article a depuis été retiré du site de France 2 ce qui est bien naturel puisqu'il s'agissait d'une fausse information.

Toutefois, le commentaire du présentateur du JT de 20h de France 2 est un peu court car ce n'est pas la première fois que la rédaction de France 2 fait cette erreur. En 2013 déjà, certains avaient dénoncé l’utilisation par France 2 de la même image pour illustrer la supposée passion de Poutine pour la chasse, suggérant déjà que le président était un tueur de tigre.

Nous livrons cette vidéo à titre d'illustration et d'information et ne cautionnons absolument pas les propos portés par la présentatrice de ce mini-reportage à l'encontre des journalistes de la chaîne France 2.

Ce n'est donc pas la première fois que cette fausse information est diffusée sur l'antenne et l'on est en droit de penser que c'est en grande partie parce que Libération l'a signalée le 13 aout 2018 dans un article publié en fin de matinée que la rédaction du JT de France 2 a corrigé le tir à la fin du journal de 20h du 13 aout 2018. La réactivité de la chaîne est semble-t-il assez rapide lorsque des confrères français d'envergure critiquent les erreurs ou approximations du JT pour ne pas dire fausses informations voire fake news (un mot qui fâche).
Lire à ce sujet :
- Iran. Suite à une publication du "Monde", le JT de France 2 reconnaît une fausse information diffusée la veille, "Arrêt sur images" revient sur l'histoire

Pourtant, en mars 2015, 20 Minutes avait commenté en ces termes le cliché de Vladimir Poutine et le tigre : «Sur cette photo, [Vladimir Poutine] passe un collier muni d'un GPS à un individu âgé de cinq ans, dans la réserve de l'Académie des Sciences de Russie du Grand Est.» Mais l'info n'est peut-être pas parvenue encore à la rédaction de France 2 ?

Mais l'affaire ne s'arrête pas là et connaît un certain nombre de rebondissements à cause encore une fois de la chaîne Russia Today si mal vu par le pouvoir français actuel.

Voilà ce qu'écrit la maudite Russia Today pro-Poutine : "après la «fake news» sur Vladimir Poutine et la chasse au tigre, la chaîne publique France 2 semble s'être autorisée de nouvelles approximations lors du 20 heures du 21 août... (le présentateur du JT de France 2) enchaîne sur le cas du réalisateur russo-ukrainien Oleg Sentsov, condamné en Russie en août 2015 à 20 ans de prison et qui observe une grève de la faim depuis plus de 100 jours. Le journaliste présentateur fait alors l'affirmation suivante (lien vers la vidéo, à 17 minutes et 40 secondes) : «A l'étranger encore, de nouveaux appels en faveur de la libération du cinéaste Oleg Sentsov, cet opposant ukrainien qui a entamé une grève de la faim depuis maintenant cent jours. Il a été condamné à 20 ans de travaux forcés pour avoir défié Vladimir Poutine lors de la crise ukrainienne. Il peut mourir à tout moment, disent ses soutiens», affirme Julian Bugier. Avant de laisser place à un sujet en images illustré par le bandeau : «Le tragique combat d'Oleg Sentsov»....En premier lieu, Oleg Sentsov n'a pas été envoyé au bagne pour avoir «défié Vladimir Poutine». A cet égard, le sujet en image qui suit l'introduction de Julian Bugier n'est pas exempt non plus d'erreurs. La voix off y explique que Oleg Sentsov a été condamné pour «apologie du terrorisme». Ce n'est pas le cas. Le 25 août 2015, la cour pénale de la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, l'a reconnu coupable de «terrorisme» et de «trafic d'armes». Le réalisateur a été condamné pour avoir coordonné l’action en 2014 d’un groupe d’activistes liés au mouvement paramilitaire néonazi ukrainien Secteur Droit (Pravy Sektor), interdit en Russie."

En d'autres termes la rédaction de France 2 allègue que le cinéaste Oleg Sentsov, en passe de mourir d'une grève de la faim dans les geôles russes, a été condamné pour "apologie du terrorisme" en "défiant Poutine" tandis que Russia Today allègue que le réalisateur a été condamné pour avoir "coordonné l’action en 2014 d’un groupe d’activistes liés au mouvement paramilitaire néonazi ukrainien Secteur Droit (Pravy Sektor), interdit en Russie."
 

A notre connaissance, le JT de France 2 n'a pas mentionné d'erreur dans ces JTs suivants au sujet d'Oleg Sentsov. Qui dit vrai ? Télé-Macron ou Télé-Poutine ? Chacun a sans doute sa propre vision de l'histoire ?

Néanmoins, nous serons d'autant plus circonspect que le JT de France 2 a déjà propagé des fausses informations longtemps après les faits comme celui du "massacre annoncé de Benghazi" en Libye malgré un reportage diffusé sur ce sujet sur France Télévisions et un rapport parlementaire britannique affirmant qu'aucun massacre n'a jamais été préparé par le régime de Kadhafi sur Benghazi à la veille de l'intervention militaire franco-britanico-qatari sous couvert des USA en mars 2011. Pour mémoire, ce présumé massacre prémédité par Kadhafi a servi de base pour lancer la guerre atlantiste contre le régime de Kadhafi avec la bénédiction des Russes et des Chinois soit dit en passant. Alors prudence, prudence...

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- Un prof de Science Po balance sur les "fake news" véhiculés par les médias français (Vidéo)
- Salon Le rapport du Parlement britannique détaille comment la guerre de 2011 de l'OTAN en Libye fut basée sur des mensonges
- Rapport du Parlement britannique
- [Exclusif] Le documentaire "Tuez Kadhafi !" revient sur les fake news diffusées par les médias français et atlantistes pour légitimer la guerre contre la Libye de Kadhafi (Vidéos)
- Rapport parlementaire britannique : La guerre franco-britannique soutenue par les USA contre la Libye est basée sur des mensonges (EuroNews)

En somme, il n'est pas facile quand on est journaliste de travailler dans le P.A.F avec une certaine liberté de manoeuvre et plus généralement dans la presse française quand on traite de sujet ayant trait à la politique étrangère française.

Comme disait l'ingénieur de recherche à l’Ina, titulaire d’un doctorat de l’université Paris-Sud Orsay, Nicolas Hervé : "Quand on est sur un théâtre de guerre comme la Libye où en gros c'est l'armée et donc l'Etat qui contrôle l'information qui est diffusée, etc. La manière dont les informations vont être remontées à la population française alors que le pays est en guerre, etc, le gouvernement va naturellement déformer l'information, la faire paraître sous un beau jour, etc. Après la question est de savoir dans quelle mesure est-ce que les journalistes sont conscients ou pas du fait qu'ils relayent une parole officielle sans chercher à en savoir plus ou même à masquer un certain nombre de choses, ça c'est un autre débat. Et on arrive, si l'on parle des médias traditionnels, sur les questions du pouvoir des médias, de qui sont les actionnaires des médias, quelles sont les velléités qu'il y a derrière et ces questions là. Mais ça c'est des questions qui sont différentes de la notion de fake news mais qui ne sont pas complètement décorrélées parce que effectivement la confiance dans la manière dont les médias traitent l'information cela va avoir aussi une influence sur ce que l'on va pouvoir percevoir à côté..."  Gros déballage sur la désinformation médiatique française durant la guerre en Libye sur Europe 1. Selon un prof de Science Po : "Une fake news : c'est une fausse information qui n'est pas cautionnée par les autorités" (Vidéo)

Heureusement, la France n'est pas en guerre contre la Russie mais les représentations des médias atlantistes concernant le pouvoir russe et la Russie auprès de l'opinion publique occidentale n'ont rien d'enthousiasmant et n'ont certainement pas poussé les supporters de football d'Europe occidentale et notamment de France à se rendre en masse au mondial de football en Russie en juin-juillet 2018. C'est une question d'atmosphère ou/et de stigmatisation ? Allez savoir ?
- Coupe du monde 2018 : Mais pourquoi les supporters français sont-ils si peu nombreux ?

En tous les cas, en ce qui concerne le traitement de l'actualité russe et plus particulièrement de Poutine en chasseur de tigres par la rédaction de France 2, il n'en a pas fallu plus pour que le Mélenchon sorte de ses gonds dans un post sur Facebook pour le moins abrupt : "Encore un exploit de la direction politique de France 2. La propagande anti russe la plus grossière mitonnée par un groupe de faussaire. Après un petit coup de fil?".

Allons, allons, le temps de l'ORTF du Général est bien derrière nous. Et ceux qui ont dénoncé le régime de la Vème par le passé ont été les premiers à profiter du régime présidentiel fort une fois parvenu au pouvoir. Du "coup d'état permanent" et de son incidence structurelle sur les médias et le magistère intellectuel, médiatique et politique ?

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