Menacés, le réalisateur et le monteur d’un film documentaire sur des milliers d’habitants chassés d’un terrain revendiqué par le président Joseph Kabila dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) ont été obligés de quitter leur ville par mesure de précaution. Reporters sans frontières (RSF) tient les autorités congolaises responsables de leur sort et demande que leur protection soit garantie.
A peine leur documentaire diffusé, le réalisateur Gaël Mpoyo et le monteur Franck Zongwe Lukawa ont dû fuir leur ville de Bukavu, dans l’est de la RDC. La veille, le 6 juillet, les deux journalistes, se sentant déjà menacés, avaient préféré ne pas assister à la première de “Mbobero : la raison du plus fort est toujours la meilleure”.
“Plusieurs inconnus sont venus à mon domicile pour demander à ma famille où je me trouvais” raconte Gaël Mpoyo qui a réalisé cette enquête de 27 minutes rassemblant les témoignages de plusieurs habitants chassés de leurs villages sur un terrain revendiqué par le président Josephe Kabila. Mercredi 11 juillet, le journaliste a également reçu un texto très menaçant lui demandant d’arrêter de s’en prendre au président et de retirer son film mis en ligne deux jours plus tôt. “Nous savons où tu te caches et suivons de près tous tes mouvements” conclut l’expéditeur anonyme du SMS.
Le documentaire commandé par l’ONG Nouvelle dynamique de la société civile en RDC (NDSCI) fait également intervenir des avocats qui contestent la politique de déguerpissement menée par les forces de sécurité. D’après l’enquête, plus de 2500 personnes ont été délogées, 317 maisons ont été détruites et un hôpital a été rasé depuis 2016.
Dans communiqué la NDSCI se dit “consternée par la vague de menaces et autres intimidations” dont sont victimes plusieurs de ses membres, les témoins ainsi que l’équipe de réalisation. Selon les informations obtenues par RSF, en plus des deux journalistes, au moins trois autres personnes ayant participé au documentaire ont dû quitter leur domicile par mesure de précaution.
“Nous tenons les autorités congolaises responsables du sort de ces journalistes et de leurs sources. Leur devoir est de les protéger et de leur permettre de travailler dans un environnement sans crainte de représailles, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Les menaces qui ont suivi la diffusion de ce documentaire témoignent d’un climat très lourd et menaçant pour les journalistes de RDC et des difficultés à aborder des sujets mettant en cause le pouvoir alors que se profile une élection présidentielle attendue depuis deux ans.”
Le gouverneur de la province du Sud-Kivu, que RSF a alerté sur la situation, n’a pas donné suite aux appels et aux SMS envoyés. L’Union nationale de la presse congolaise (UNPC) a également demandé aux autorités locales de “tout mettre en oeuvre pour sécuriser Gaël Mpoyo et toute sa famille”.
Dans un communiqué, Journaliste en danger (JED), organisation partenaire de RSF en RDC, dit considérer ces menaces comme “extrêmement sérieuses” compte tenu du “climat d’insécurité généralisé” régnant dans la province du Sud-Kivu où “plusieurs journalistes ont été assassinés dans des circonstances non-élucidées à ce jour”.
L’élection présidentielle qui devait avoir lieu à la fin de l’année 2016 à l’expiration du mandat de Joseph Kabila est prévue le 23 décembre prochain. A quelques mois de cette échéance, RSF et JED ont demandé un moratoire sur le registre de déclaration préalable à la création de tout site d’information ouvert par arrêté ministériel. En juin dernier, les deux organisations avaient également appelé à la réouverture de quatre radios et télévisions proches de l’opposition toujours fermées malgré l’accord politique dit de la “Saint-Sylvestre” du 31 décembre 2016 prévoyant leur remise en service avant l’élection présidentielle.
La RDC occupe toujours la 154e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.
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