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Cameroun : vers une élection inutile (Afriques en Lutte)

par Pierre Boutry 4 Octobre 2018, 11:47 Cameroun Elections Dictature Biya Françafrique France néocolonialisme Afrique

Cameroun : vers une élection inutile
Par Pierre Boutry
Afriques en Lutte

Cameroun : vers une élection inutile (Afriques en Lutte)

Déclaration de la Commission Afrique du Parti de Gauche

Biya 85 ans, assuré du soutien de la France, se représente à nouveau à l’élection présidentielle après 35 années de règne ! 35 ans de non-décision dont 5 passés à l’étranger au point que l’on peut se demander s’il a vraiment dirigé le pays. Ce qui est sûr c’est qu’il a construit un système basé sur la récompense, la peur et la répression, système qui fonctionne en mode quasi automatique.

Mais parfois le système déraille comme lors de la catastrophe ferroviaire d’Eseka qui a fait 82 victimes (mais en fait plutôt 200, la guerre des chiffres entre le pouvoir et l’entreprise gestionnaire permettant de ne pas indemniser les familles) et personne aux manettes pour gérer la situation ; qui plus est un Biya indifférent aux souffrances de son peuple en étant incapable de se rendre sur les lieux mêmes de la catastrophe !

Ou plus récemment en 2017 lors des premières manifestations dans les deux régions anglophones du pays, durement réprimées par les forces de sécurité : les revendications liées à la marginalisation des anglophones ont depuis dégénéré en un conflit séparatiste. Si elles avaient été entendues par le pouvoir, peut-être n’en serions nous pas à 400 morts civils anglophones tués à ce jour et à 20000 réfugiés au Nigéria. Biya dans ses illusions croit que promettre la création d’un ministère de la décentralisation et du développement local suffira alors qu’il s’est toujours refusé en 35 ans à une quelconque action en ce domaine.

Biya a paralysé l’administration d’un pays qui a tellement de richesses humaines et naturelles à un point où l’on se demande comment c’est possible. 60 ministres et secrétaires d’Etat dont la réunion en conseil des ministres par Biya constitue un évènement rare !

Ceux qui le présentent comme un résistant à l’impérialisme européen sous prétexte qu’il serait proche des chinois, devraient se souvenir de son empressement à signer avant quiconque un accord intermédiaire sur les APE, abolissant les préférences commerciales non réciproques, le 28 juillet 2014 ; accord qui est entrée en vigueur en août 2014. Une nouvelle étape dans l’application de cet accord a été conclue en août 2016, avec notamment la signature de décret d’application par Biya. Il prévoit une suppression de 80 % des droits de douanes pour les produits européens sur une période de 15 ans autrement dit la fin de tout espoir de développement d’une agriculture et d’une industrie nationale.

Rappelons aussi que le 21 décembre 2016 Biya a signé avec ses homologues de la Cemac à Yaoundé un accord de retour au FMI compromettant ainsi l’autonomie économique et financière du pays.

9 candidats se présentent face à lui ; mais en fait aucun ! Ce sont tous, à l’exception du candidat du Social Democratic Front (SDF), soit d’anciens ministres de Biya soit des représentants de partis issus du pouvoir en place et suscités par lui. Car il n’y a pas de vrai opposant qui proposerait face à la déliquescence du pays un vrai programme de gauche. Les partis qui pourraient y prétendre sont malheureusement trop faibles suite aux persécutions dont ils sont l’objet.

Le pouvoir en place n’a en effet rien trouvé de mieux que d’une part corrompre le SDF historique et d’autre part de favoriser la création puis la reconnaissance d’une UPC gouvernementale aujourd’hui atomisée en plusieurs groupes dont chacun soutient un candidat (Biya, Akere, Libii).

 

Quand à l’UPC-MANIDEM, fidèle aux orientations de rupture avec le néocolonialisme, elle se bat pour obtenir sa reconnaissance conformément à la décision du 18 février 2016 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en ces termes : « Demande à la République du Cameroun de prendre les mesures idoines en vue de garantir aux plaignants la pleine jouissance de leurs droits à la participation politique sous la bannière du parti UPC-MANIDEM dûment autorisé, aux termes de la loi n° 1990/056 du 19 décembre 1990 en vigueur… » demandant par ailleurs le versement de dommages et intérêts de l’Etat à l’UPC-MANIDEM. A ce jour et malgré toutes les relances, ce parti qui porte avec dignité le combat de libération des camerounais, se heurte à une fin de non recevoir.

Après 22 ans d’attente, le Conseil constitutionnel garant de la conformité des processus électoraux est enfin entré en fonctionnement cette année ! Il est vrai que ses 11 membres sont apparentés au RDPC, le parti au pouvoir !

La structure en charge de l’organisation des élections ELECAM a vu son président limogé récemment pour faute lourde et gestion opaque et calamiteuse des ressources de la structure ; la continuité est assurée puisque c’est son adjoint qui a été nommé pour le remplacer ! ELECAM dont les membres sont nommés par le président de la République et quasiment tous membres du parti gouvernemental le RDPC !

 

Qui plus est le Cameroun n’a pas adressé d’invitation formelle à l’Union européenne, comme il est d’usage pour les processus électoraux ; peut-être s’agit il d’un faux fuyant de la part de l’UE qui aura beau jeu de déclarer qu’elle n’a pris part au contrôle électoral et ne pourra être considérée comme complice si cela tourne mal ? Quoiqu’il en soit, cette élection présidentielle va donc se dérouler sans regard extérieur ce qui constitue une première depuis le retour du Cameroun au multipartisme en 1990.

Enfin, signalons que les media d’Etat et en particulier la CRTV assurent une couverture privilégiée au candidat Biya avec cinq équipes à sa disposition contre une équipe pour chacun des autres candidats.

 

A mesure que le scrutin approche, la situation sécuritaire dégénère chaque jour un peu plus dans le nord, où le groupe djihadiste nigérian Boko Haram reste actif ; dans l’est, où la menace de rebelles centrafricains est réelle ; et dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où les soldats font face quasi quotidiennement à des groupes séparatistes armés. Le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) y rase et incendie des villages entiers, l’armée se distingue par sa brutalité.

Toutes les conditions sont donc réunies pour un scrutin compromis dans des zones entières et frauduleux par absence de contrôle indépendant. Le peuple camerounais n’a aucune raison de se déplacer pour cette mascarade politique organisée par un régime cacochyme. Le peuple camerounais qui a dans un passé encore récent montré sa capacité de résistance, a mieux à faire à savoir préparer une révolution citoyenne qui doit passer par la conscientisation des masses et déboucher sur une conférence de dialogue national.

D’ores et déjà des forces politiques, sociales, religieuses se battent pour exiger une solution pacifique à la situation de crise majeure que traverse le pays. Quotidiennement elles usent de tous leurs efforts pour cela. Le Parti de Gauche leur réaffirme son soutien.

Pierre Boutry

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