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Le règlement de l'affaire Khashoggi sera difficile (Moon of Alabama)

par Moon of Alabama 15 Octobre 2018, 08:30 Khashoggi Disparition Assassinat Allégations Arabie Saoudite USA

Le règlement de l'affaire Khashoggi sera difficile
Article originel : Settling The Khashoggi Case Will Be A Difficult Matter
Moon of Alabama

Le règlement de l'affaire Khashoggi sera difficile (Moon of Alabama)

Les négociations sur l'affaire Khashoggi seront extrêmement difficiles. Les protagonistes sont des gens têtus et dangereux. Le problème pourrait facilement dégénérer.

L'empire ottoman a régné sur une grande partie du monde arabe. L'aspirant sultan néo-ottoman Recep Tayyip Erdogan souhaite retrouver cette position historique pour la Turquie. Son principal challenge dans ce domaine est constituée par les Al-Saouds. Ils ont beaucoup plus d'argent et sont stratégiquement alignés sur Israël et les Etats-Unis, tandis que la Turquie sous Erdogan est plus ou moins isolée. L'élément politico-religieux du challenge est représenté d'un côté par les Frères musulmans, les islamistes "démocratiques" auxquels appartient Erdogan, et les absolutistes wahhabites de l'autre côté.

Il y a d'autres aspects tactiques à ce conflit historique. Lorsque les Saoudiens ont coupé les liens avec le Qatar, c'est la Turquie qui a envoyé ses militaires pour empêcher une invasion saoudienne de ce petit mais extrêmement riche pays. Cela a donné à Erdogan le soutien financier dont il a un besoin urgent. En réponse à cela, les Saoudiens ont offert plusieurs centaines de millions de dollars pour soutenir la force de substitution YPK/PKK que les États-Unis utilisent pour occuper le nord-est de la Syrie. Ces groupes kurdes mènent une guérilla en Turquie et menacent son unité.

Le dirigeant saoudien de facto, le prince héritier (clown) Mohammad bin Sultan, a commis une énorme erreur lorsqu'il a ordonné l'enlèvement (ou le meurtre) du journaliste saoudien Khashoggi à Istanbul. L'opération bâclée a donné à Erdogan un outil pour régler son compte aux Saoudiens.

Mais il a besoin de l'appui des États-Unis pour y parvenir. La récente libération du pasteur étatsunien (et agent de la CIA) Andrew Brunson est censé lui acheter la bonne volonté du président étatsunien Donald Trump. Mais Trump a construit sa politique au Moyen-Orient sur ses relations avec l'Arabie Saoudite. Il ne peut les rendre fous de rage. Il faut trouver une solution.

Khashoggi était un type plutôt louche. Un "journaliste" qui était également agent pour les services de renseignement saoudiens et étatsuniens. Il a été l'une des premières recrues des Frères musulmans :

    Les intérêts intellectuels de Khashoggi ont été façonnés au début de ses 20 ans alors qu'il étudiait aux États-Unis et était également un membre passionné des Frères musulmans. La confrérie était une fraternité clandestine secrète qui voulait purger le monde arabe de la corruption et du régime autocratique qu'elle considérait comme un héritage du colonialisme occidental.

Khashoggi a participé au projet de déstabilisation de l'Afghanistan mené par les États-Unis, les Saoudiens et les Pakistanais. Il a rencontré et interviewé Oussama ben Laden en Afghanistan et au Soudan. L'homme avec le RPG sur la photo en haut à gauche est Jamal Khashoggi lui-même.

Le règlement de l'affaire Khashoggi sera difficile (Moon of Alabama)

Khashoggi est devenu un protégé du chef du renseignement saoudien de longue date, Turki Faisal Al-Saoud. Il a participé à plusieurs "projets" en Afghanistan, au Soudan et en Algérie. Khashoggi a suivi la Turquie en tant que "conseiller média" lorsqu'il est devenu ambassadeur à Londres et plus tard à Washington DC.

Jamal Khashoggi a soutenu les Frères musulmans pendant le "Printemps arabe". Cela était conforme au programme de changement de régime soutenu par Hillary Clinton/Barack Obama pour la majeure partie du Moyen-Orient. Après la chute du président Moubarak en Égypte et la victoire électorale de la confrérie, les dirigeants saoudiens craignaient d'être les prochains en ligne. Ils ont commencé à financer des contre-révolutions en Egypte et ailleurs. Sous le règne du roi Salman et de son fils, la suppression de tous les aspects de l'influence de la Fraternité s'intensifia. Ayant perdu sa protection, Khashoggi a décidé de quitter l'Arabie Saoudite :

    Des amis ont aidé Khashoggi à obtenir un visa qui lui a permis de rester aux États-Unis en tant que résident permanent.

Fred Hiatt, le rédacteur néo-conservateur du Washington Post, l'a engagé. Le Post a publié ses tribunes contre les dirigeants saoudiens en anglais et en arabe.

Récemment, Khashoggi a lancé un certain nombre de projets qui empestent les préparatifs d'une révolution des couleurs contrôlée par la CIA en Arabie Saoudite :

    Jamal Khashoggi, écrivain et commentateur prolifique, travaillait discrètement avec des intellectuels, des réformistes et des islamistes pour lancer un groupe appelé Democracy for the Arab World Now. Il souhaitait mettre en place une organisation de veille médiatique pour assurer le suivi de la liberté de la presse.

    Il prévoyait également de lancer un site Web axé sur l'économie pour traduire les rapports internationaux en arabe afin d'apporter des réalités qui donnent à réfléchir à une population souvent avide de nouvelles réelles, et non de propagande.

    Une partie de l'approche de Khashoggi consistait à inclure les islamistes politiques dans ce qu'il considérait comme le renforcement de la démocratie.
    ...
    Khashoggi avait incorporé son groupe de défense de la démocratie, DAWN, en janvier au Delaware, a déclaré Khaled Saffuri, un autre ami... Le projet devait atteindre les journalistes et faire pression pour le changement, représentant à la fois les islamistes et les libéraux, a déclaré un autre ami, Azzam Tamimi, un activiste et présentateur important palestino-britannique de télévision.
    ...
    Tamimi a dit que lui et Khashoggi avaient mis sur pied ensemble un projet pro-démocratie similaire en 1992 lors de leur première rencontre. Il s'appelait Amis de la démocratie en Algérie, a-t-il déclaré, et a suivi les élections ratées en Algérie, que le gouvernement a annulées pour éviter une victoire islamiste imminente.

Khashoggi a un nombre énorme d'amis à Washington DC. Les journalistes grand public le considèrent comme l'un des leurs. Comme eux, il ne mérite pas un destin aussi affreux. Les néo-libéraux aussi bien que les néoconservateurs ont apprécié son soutien au printemps arabe pour le "changement de régime" et ses efforts contre l'Arabie saoudite. Beaucoup de gens au Congrès le connaissent personnellement. Ils ont mis en place des procédures en vertu de la loi mondiale Magnitsky sur la responsabilité en matière de droits de l'homme qui conduiront à des sanctions contre des personnalités saoudiennes. Les médias, les banques et des personnalités bien connues se sont retirées d'une conférence financière de trois jours à Riyad, surnommée "Davos in the Desert".

Trump est sous pression pour "faire quelque chose", pour punir les Saoudiens et surtout MbS.

Mais la politique de Trumps au Moyen-Orient dépend de l'Arabie Saoudite et de Mohammad bin Salman personnellement. MbS finance l'occupation étatsunienne en Syrie. Le gendre de Trump, Jared Kushner, a construit son "plan de paix" pour Netanyahu grâce à l'appui des Saoudiens. Les sanctions contre l'Iran ne peuvent être maintenues que si le pétrole saoudien remplace la perte de la production iranienne. Le programme "Make America Great Again" de Trump a besoin de la demande saoudienne d'armes étatsuniennes. Il a également besoin des Saoudiens pour éviter une défaite totale en Afghanistan. Enfin et surtout, Trump percevra la question de Khashoggi comme faisant partie de la campagne anti-Trump.


L'ancien directeur de la CIA Brennan, un fervent anti-Trump, fait pression pour détrôner Muhammad bin Salman sur cette affaire :

Ayant travaillé en étroite collaboration avec les Saoudiens pendant de nombreuses années et ayant vécu et travaillé pendant cinq ans en Arabie saoudite en tant que fonctionnaire étatsunien, je suis certain que si une telle opération avait eu lieu dans une mission diplomatique saoudienne contre un journaliste de haut niveau travaillant pour un journal étatsunien, elle aurait nécessité l'autorisation directe des plus hauts dirigeants saoudiens, du prince héritier.
...
Je suis convaincu que les services de renseignement étatsuniens sont en mesure de déterminer avec un degré élevé de certitude ce qui est arrivé à Khashoggi. S'il est trouvé mort aux mains du gouvernement saoudien, son décès ne peut rester sans réponse - par l'administration Trump, par le Congrès ou par la communauté internationale. Idéalement, le roi Salman devrait prendre des mesures immédiates contre les responsables, mais s'il n'en a pas la volonté ou la capacité, les États-Unis devraient agir. Cela comprendrait des sanctions immédiates contre tous les Saoudiens impliqués, le gel des ventes militaires étatsuniennes à l'Arabie saoudite, la suspension de toute coopération de routine avec les services de sécurité saoudiens et une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, parrainée par les États-Unis, condamnant ce meurtre.

Les Saoudiens savent ce qui se passe et ils ne sont pas sans défense. En réponse aux menaces de sanctions, ils ont publié une déclaration " f*** you " et menacent ouvertement que toute sanction sera suivie d'une trentaine de mesures douloureuses :

Riyad est la capitale de son pétrole, et y toucher affecterait la production de pétrole avant toute autre marchandise vitale. Cela conduirait l'Arabie saoudite à ne pas s'engager à produire 7,5 millions de barils. Si le prix du pétrole atteignant 80$ a irrité le Président Trump, personne ne devrait exclure que le prix passe à 100$, ou 200$, ou même le double de ce chiffre.

Le prix d'un baril de pétrole peut être fixé dans une devise différente, le yuan chinois, peut-être, au lieu du dollar. Et le pétrole est la matière première la plus importante échangée par le dollar aujourd'hui.

Tout cela jettera le Moyen-Orient, tout le monde musulman, dans les bras de l'Iran, qui deviendra plus proche de Riyad que Washington.
...
Les Etats-Unis seront également privés du marché saoudien qui est considéré comme l'une des 20 premières économies du monde.

Il s'agit de procédures simples qui font partie de plus de 30 autres procédures que Riyad appliquera directement, sans sourciller si des sanctions lui sont imposées, selon des sources saoudiennes qui sont proches des décideurs.

La vérité est que si Washington impose des sanctions à Riyad, il poignardera à mort sa propre économie, même s'il pense qu'il ne poignarde que Riyad !

Le dollar étatsunien dépend de l'accord secret conclu en 1974 qui recycle les pétrodollars saoudiens en bons du Trésor étatsunien. Si les Al-Saouds commencent à toucher cette pierre angulaire de la relation, les États-Unis devront envahir et réduire leur pays en miettes. La Mecque et Médine seraient rendues aux Hachémites qui gouvernent aujourd'hui la Jordanie, la côte du Golfe, qui abrite l'industrie pétrolière et est principalement habitée par des chiites, deviendrait un état à part entière. Le Yémen regagnerait ses deux provinces du nord. Les plans en ce sens ont été élaborés il y a longtemps.

Il faut trouver une solution. Le plus simple serait que le roi Salman vire le fils et rétablisse Muhammad bin Nayef, que MbS avait détrôné, comme prince héritier. Nayef est l'homme de la CIA. Mais si Salman ne veut pas ou ne peut pas le faire, il faut trouver une excuse pour ce qui est arrivé à Khashoggi.

Les Saoudiens ont demandé à Erdogan d'accepter une "enquête conjointe" sur l'affaire Khashoggi. Il s'agissait d'une demande visant à trouver une solution à ce problème. Des rumeurs parlent d'une première offre de 5 milliards de dollars à titre de compensation. Le roi saoudien a dépêché le gouverneur respecté de la province de La Mecque, le prince Khalid_bin_Faisal_Al_Saoud, à Ankara pour conclure un accord. Les trois pays de l'UE : le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne invitent instamment les deux parties à utiliser ce mécanisme.

 

Le processus de clôture de l'affaire, si les deux parties le souhaitent, est assez clair :

Dans ses déclarations [...] le président Recep Tayyip Erdogan s'est arrêté avant d'accuser directement les Saoudiens. Des responsables turcs ont déclaré que leur président avait retenu son tir en partie parce qu'il espère que Washington aidera l'Arabie saoudite à reconnaître ce qui est arrivé à M. Khashoggi.
...
Certains alliés de l'Arabie saoudite à Washington reconnaissent que les pressions exercées par les États-Unis pourraient forcer le royaume à rendre compte du sort de M. Khashoggi - même s'il s'agit d'une version modifiée qui soustrait le prince héritier Mohammed, son dirigeant quotidien, à toute responsabilité.

Un élément voyou de l'État saoudien pourrait admettre avoir tué Khashoggi. MbS nierait avoir été mis au courant. Mais quinze de ses hommes les plus dignes de confiance, ceux qui ont été vus à Istanbul, devraient être punis. Comment le reste de ses gardes du corps réagirait-il à ça ?

Le vrai problème, c'est que les deux parties, Erdogan et MbS, sont extrêmement entêtées. Pour les deux hommes, la question est beaucoup plus importante que l'affaire Khashoggi. Le conflit a des dimensions historiques, stratégiques et très personnelles. Il est donc difficile de trouver un accord.

Erdogan sait qu'il est extrêmement chanceux que MbS ait commis cet acte stupide sous le nez de ses services secrets. Ça lui donne un outil pour soumettre les Saoudiens sur mesure. Il introduira peu à peu de nouveaux éléments de preuve pour accroître l'indignation suscitée par cette affaire et la pression sur l'Arabie saoudite.

MbS, de son côté, fera tout son possible pour conserver sa position. Il pourrait même laisser son père mourir subitement si le roi Salman décidait de le renvoyer. Khashoggi était clairement un danger pour le trône. MbS pense probablement qu'il a fait ce qu'il fallait et qu'il ne mérite aucune critique à ce sujet. Après tout, les enlèvements et, si nécessaire, les assassinats de dissidents à l'étranger sont une politique saoudienne de longue date qui ne provoque jamais de troubles graves.

Mohammad bin Salman a un allié puissant qui peut l'aider à réduire le bruit au Congrès et mettre la pression sur Trump.

Les sionistes reconnaissent déjà qu'aider MbS est dans leur intérêt :

"Khashoggi et la question juive"

    Eran Lerman, vice-président de l'Institut d'études stratégiques de Jérusalem et ancien chef adjoint du Conseil de sécurité nationale, a déclaré : "Il n'est certainement pas dans notre intérêt de voir le statut du gouvernement saoudien diminué à Washington."
    ...
    Lerman envisage un scénario où des organisations politiques juives à Washington - comme le Comité juif étatsunien, pour lequel il a déjà travaillé comme chef du bureau israélien - pourraient se rendre au Capitole, comme ils l'ont fait dans le passé, et faire discrètement pression pour les Saoudiens, ce qui pourrait paradoxalement rapprocher davantage les deux pays.

 

Aucun des protagonistes de ce drame géopolitique ne mérite la moindre pitié. Erdogan, Trump et MbS sont des voyous. Khashoggi a été un outil volontaire dans la destruction de nombreuses vies. C'est très divertissant de voir ces gens s'entretuer.

Mais le conflit est aussi dangereux. Cela pourrait dégénérer en quelque chose de beaucoup plus grand qui pourrait être douloureux pour beaucoup de gens. Malheureusement, il semble qu'il n'y ait personne qui puisse parler de façon sensée à ces gens et les amener à enterrer l'affaire. On peut s'attendre à ce que le conflit dure des semaines ou des mois pendant que les dommages collatéraux s'accumulent autour de lui.

Traduction SLT avec DeepL.com

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