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Pierre Le Corf: pourquoi aucun gouvernement occidental «ne veut qu'Idlib soit libérée» (Sputniknews)

par Sputniknews 22 Octobre 2018, 09:27 Pierre Le Corf Idlib Libération Terrorisme Collaboration Occident France USA Syrie Impérialisme

Idlib (c) Ammar Abdullah / Reuters

Idlib (c) Ammar Abdullah / Reuters

Si elle est proche, la libération de la province d'Idlib ne sera pas facile, les USA et leurs alliés ne voulant pas la voir nettoyée des terroristes, estime l'humanitaire français Pierre Le Corf dans un entretien accordé à Sputnik au cours duquel il évoque également la libération d'Alep dont les enseignements pourraient servir à Idlib.

Moment clef dans le conflit syrien, la libération à venir d'Idlib, le dernier fief des terroristes en Syrie, est déjà largement commentée dans les pays occidentaux. Cet emballement finalement logique quand on pense que la victoire des Syriens, qui sera la défaite des terroristes, est «quelque chose de fatal» qui fera échouer les projets de l'Occident, a expliqué Bachar el-Assad. Fondateur de l'ONG WeAreSuperheroes et humanitaire français Pierre Le Corf, qui vit à Alep, fait part à Sputnik de ses inquiétudes quant à la finale qui approche.

«La libération d'Idlib va être très difficile parce que toutes les forces de la coalition et les gouvernements qui se sont impliqués dans la guerre jusqu'à maintenant refusent qu'Idlib soit libérée. Parce que le jour où Idlib sera libérée, ce sera la fin de la guerre, ce sera [le moment] d'aller libérer les zones qui sont occupées [dans] le Nord illégalement: tant par la France que [par] les Américains, et même [par] les Italiens. Pour moi, aujourd'hui [aucun] gouvernement: tant la France que les États-Unis, l'Angleterre, etc., ne veut qu'Idlib soit libérée», déplore-t-il.

'Occident pourrait facilement sacrifier la population du gouvernorat d'Idlib pour pour empêcher le gouvernement syrien de reprendre le contrôle du gouvernorat d'Idlib, «pour être sûr qu'Idlib soit et reste une zone […] non libérée, soit pour créer une provocation globale, comme à l'arme chimique», poursuit-il. Ce qui fait alors écho aux multiples mises en garde du gouvernement russe au sujet de provocation en préparation avec un but précis: accuser Damas et avoir donc un prétexte de frapper le territoire syrien.

 

Pierre Le Corf, qui aide depuis déjà plusieurs années les habitants, dont certains touchés psychologiquement et parfois physiquement par la guerre, à retrouver une vie normale, craint que les événements à venir n'entraînent de nouvelles souffrances et ne «renforce[r] le crash du pays sur lui-même».

«Et j'ai peur d'une confrontation globale sous un prétexte quel qu'il soit: chimique, humanitaire. Tout va être mis en place pour faire en sorte de manipuler l'opinion dans ce qui va arriver par la suite».

Le Corf a vu la joie de la ville d'Alep épuisée après quatre années de combats et espère qu'Idlib connaîtra bientôt le même soulagement.

Comme il se le rappelle, il y avait des «couloirs humanitaires qui ont été ouverts à Alep, les gens qui voulaient sortir pouvaient sortir quand ils n'étaient pas tués par les groupes terroristes, car les couloirs humanitaires étaient les premiers qui étaient visés. Il était interdit pour les gens qui vivaient à Alep Est de sortir. Il avait une fatwa qui disait que si vous rejoignez la zone gouvernementale, ça veut dire que vous êtes pro-régime, ça veut dire que vous méritez la mort: soit l'emprisonnement, soit la mort».

 

Ce que Pierre le Corf espère pour Idlib, c'est «le minimum le morts, le minimum de guerre», que les couloirs humanitaires soient protégés pour que les gens qui veulent sortir puissent le faire en toute sécurité. «Si à Alep on n'a pas été libérés, ce seraient des milliers de morts en plus», constate Pierre Le Corf, alors que le siège a coûté la vie à plus de 31.000 personnes, selon le Centre de documentation des violations en Syrie.

Après quatre années de combats, la ville d'Alep a traversé encore des épreuves. Libérée le 22 décembre 2016, elle n'a pas encore eu le temps de se relever et, lors des festivités organisées le jour du premier anniversaire de sa libération, elle a été attaquée par des groupes radicaux. La mort… c'est déjà une banalité, c'est le quotidien, on ne ressentait et ne ressent plus rien — le plus terrible, c'était une main ou jambe arrachée, raconte le Français.

Tandis que la vie à Alep reprenait progressivement son cours normal, l'image qui était présentée d'elle dans la plupart des médias était souvent différente de la réalité qui, selon lui, était la suivante:

«Alep libérée, ça a été la liberté pour les gens, ça a été un courant d'air frais. Beaucoup de gens ont raconté des choses terribles sur la libération, etc. J'étais sur le couloir humanitaire, j'ai vu quand les gens sont arrivés, je travaille avec les familles qui arrivaient de l'autre côté. Les gens sont retournés chez eux où maintenant vivent dans leurs maisons, maintenant vivent libres, les enfants sont retournés à l'école, les gens sont en train d'essayer de reconstruire leur vie», résume-t-il, souriant.

La reconstruction d'Alep sera longue. La mosquée omeyyade et l'hôpital Kindi, l'un des plus grands centres pour le traitement du cancer au Proche-Orient, sans parler de nombreux quartiers résidentiels, jadis animés, sont désormais partiellement ou totalement en ruines.

 

Contrôlé par des terroristes du Front al-Nosra* depuis 2015, le gouvernorat d'Idlib a pu éviter d'être soumis à des opérations grâce à l'accord signé par les Présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan à Sotchi. Ce texte prévoyait de mettre en place une zone démilitarisée large de 15 à 20 km le long de la ligne de contact entre les forces gouvernementales et les groupes d'opposition armés avant le 15 octobre, ainsi que d'en faire retirer les armes lourdes de l'opposition. Les ministres de la Défense des deux pays ont signé de leur côté un mémorandum sur la stabilisation de la situation dans la zone de désescalade d'Idlib.

 

Le dossier syrien et notamment la situation à Idlib seront soulevés lors du sommet entre la France, la Russie, la Turquie et l'Allemagne qui se tiendra le 27 octobre à Istanbul. Selon le Président russe, il existe toujours «un risque de dissémination» des djihadistes, restant dans la zone de désescalade, dans les États voisins.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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