Le Washington Post traite Bin Salman de "meurtrier"

Le Washington Post - où travaillait le journaliste Kashoggi disparu au consulat saoudien en Turquie et présumé assassiné par des agents saoudiens - ne décolère pas envers le prince Bin Salman qui dirige de facto l'Arabie saoudite. Dans un article publié tout récemment et intitulé : "Will You Work For A Murderer ?" ("Travailleriez-vous pour un meurtrier ?"), le WaPo s'interroge sur les problèmes de conscience que pourraient avoir les Etatsuniens travaillant pour l'Arabie saoudite. Selon le WaPo, "C'est la question à laquelle une foule d'anciens généraux, diplomates et espions pourraient bientôt être confrontés."

L'article évoque un dialogue imaginaire entre une fille et son père colonel qui travaille pour les Saoudiens. Et le Colonel de tenter de justifier l'inadmissible :

"Aujourd'hui, alors que de plus en plus de preuves impliquent le dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed bin Salman, dans l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul, l'équation a changé. Comment un colonel de l'armée de l'air à la retraite pourrait-il expliquer son travail quand sa fille lui demande : "Papa, pourquoi tu travailles pour un meurtrier ?"

Salman Trump (c) Reuters

"Eh bien, ça aide à payer tes futurs frais de scolarité à l'université", pourrait-il répondre. "Et en plus, je vais enfin pouvoir voler en classe affaires. Riyad n'est pas un pique-nique, mais ils viennent toujours passer quelques nuits dans un hôtel cinq étoiles à Londres ou à Abu Dhabi sur le chemin du retour. . . . Et si je ne le fais pas, quelqu'un d'autre le fera.".

Telle est, en substance, la réponse du président Trump, du moins jusqu'à présent. Oui, les Saoudiens ont peut-être commis un crime monstrueux. Mais, a dit le président, "ils dépensent 110 milliards de dollars pour acheter de l'équipement militaire et d'autres choses. Si nous ne leur en vendons pas, ils diront : "Eh bien, merci beaucoup. Nous l'achèterons à la Russie.”"

Puis le WaPo s'interroge sur le deux poids deux mesures de la géopolitique étatsunienne au Moyen-Orient concernant l'Iran et l'Arabie saoudite toujours au travers du dialogue entre le père et sa fille pour finalement aborder en filigrane les crimes saoudiens au Yémen :
 

"Vous voyez, dit-il, nous avons besoin de l'aide de l'Arabie saoudite pour tenir tête au très mauvais acteur dans la région, l'Iran".

"Oh," dit-elle, espérant que cette réponse sera plus satisfaisante. "Qu'est-ce qui rend l'Iran si mauvais ?"

"Eh bien, ils ne laissent pas leur peuple s'exprimer librement, ne pratiquent pas la religion de leur choix, ne s'habillent même pas comme ils le souhaitent", répond le colonel.

"Et l'Arabie Saoudite ?"

"Eh bien.... "répond-il. "Non. Pas exactement. Mais l'Iran fait aussi des choses terribles dans son quartier : combats en Syrie, ingérence au Liban."

Maintenant, elle a presque peur de demander. "Et l'Arabie Saoudite. . . ?”

Le colonel, pensant aux crimes de guerre saoudiens au Yémen - les bus remplis d'enfants explosés, les 400 000 enfants souffrant de malnutrition, la pire épidémie de choléra de l'histoire moderne - se tait...

Sur un article de deux pages, le WaPo n'aura jugé utile que de laisser 3 lignes sur les crimes saoudiens au Yémen ravagé par les bombardements et le blocus de la coalition saoudienne qui ont fait des milliers de morts et plonge le pays dans une terrible catastrophe humanitaire. A chacun ses priorités et ses centres d'intérêt serait-on tenté de dire. Il aura donc fallu qu'un journaliste du WaPo soit probablement assassiné pour que ce journal soit vent debout contre l'Arabie saoudite et traite Bin Salman de "meurtrier". Plus c'est proche plus ça touche, plus c'est loin plus on s'en fout ?

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