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Avant la mobilisation des «gilets jaunes», un attentat ensanglante Strasbourg (WSWS)

par Alexandre Lantier 13 Décembre 2018, 16:00 Gilets jaunes Strasbourg Attentat France

Avant la mobilisation des «gilets jaunes», un attentat ensanglante Strasbourg (WSWS)

Un attentat atroce et sanglant commis à Strasbourg mardi soir a fait deux morts, une victime en état de mort cérébrale et 12 blessés dont six en urgence absolue. Cet événement démontre à nouveau le caractère absolument réactionnaire des attentats, souvent liés au terrorisme islamiste, qui ont frappé la France et toute l'Europe depuis 2015.

 

L'attentat sert déjà de prétexte à une tentative par l'élite dirigeante de fouler aux pieds les droits démocratiques, et de casser la contestation que mènent les «gilets jaunes» de la politique austéritaire et militariste de Macron, rejetée par une large majorité des travailleurs.

Il est trop tôt pour établir ce qui s'est passé à Strasbourg mardi. Un suspect, identifié par la police comme étant Chérif Chekatt, un strasbourgeois de 29 ans ayant un lourd casier judiciaire lié à des faits de droit commun, est toujours en fuite. Néanmoins, la classe politique et les médias ont déjà lancé une campagne tonitruante pour exiger que les «gilets jaunes» mettent fin à leur mobilisation, et pour dénoncer ceux qui s'interrogent sur une éventuelle implication de l'État dans l'attentat.

Cette tentative d'instrumentaliser un attentat sanglant, et la douleur des victimes pour mettre fin à la contestation de la politique largement impopulaire de Macron est antidémocratique et illégitime. S'il s'avère plus tard que Chekatt a mené l'attentat en tant que sympathisant d'un réseau terroriste islamiste tel que l'État islamique (EI, Daech), cela mettrait également en cause les liens établis entre l'État français et les réseaux islamistes dans le cadre de la guerre en Syrie.

Mardi soir, peu avant 20h, un individu a commencé à tirer sur des passants près du marché de Noël à Strasbourg. Il a déjoué des tentatives citoyennes de l'arrêter, et a pris otage un taxi, qu'il a forcé à le déposer dans le quartier de Neudorf. Cerné tard mardi soir par un lourd dispositif de police, il a néanmoins pu s'échapper.

Mercredi matin, la presse a confirmé l'identité d'un suspect identifié dans la nuit de mardi: Chérif C, âgé de 29 ans et condamné 27 fois en France, en Allemagne et en Suisse «pour des faits de droit commun» selon le procureur de Paris. Il aurait purgé des peines de prison de 2013 à 2015, quand le renseignement français l'aurait fiché S pour cause de violence et de radicalisation religieuse, et de 2016 à 2017 en Allemagne. Il était suivi «de manière assez sérieuse» depuis, selon Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.

Néanmoins, Nuñez a dit sur France Inter mercredi matin qu'il «faut être très prudents, la motivation terroriste de l'acte n'est pas établie.»

Dans une affaire de vol à main armée avec tentative d'homicide en août 2018, la police avait perquisitionné chez Chérif Chekatt mercredi matin. Elle y aurait trouvé une grenade défensive, un pistolet 22 «long rifle» et des couteaux. C'est à cause de la découverte de cette grenade chez Chekatt, et le fait que le suspect en fuite aurait évoqué auprès du taxi une grenade chez lui, que la police accuse Chekatt d'avoir commis l'attentat.

Sur Europe1, l'ancien juge terroriste Marc Trévidic a supposé que Chérif C s'était lancé dans cet attentat par désespoir face à la perquisition. «Ce n'est pas un attentat organisé, avec des gens qui auraient voulu faire quelque chose sur le marché de Noël, sinon ils l'auraient fait pendant que c'était ouvert», a-t-il dit. «C'est quelqu'un qui était aux abois, manifestement, par rapport à ce qui s'était passé le matin, qui savait qu'il était recherché. Il n'est pas resté sur place pour mourir non plus, on n'a pas affaire au terroriste habituel.»

Pour l'heure, aucune organisation terroriste n'a revendiqué l'attentat.

L'interprétation initiale qui émerge de cet attentat soulève de multiples questions quant au rôle de l'État.Comme tous les attentats menés en Europe depuis ceux des frères Kouachi contre Charlie Hebdo en janvier 2015, l'auteur de la fusillade serait un fiché S étroitement surveillé par l'État. Il est extraordinaire qu'une pareille personne ait pu amasser un arsenal d'armes à feu et de couteaux propre à organiser un massacre pareil, et qui plus est, échapper ensuite aux forces de l'ordre.

S'il s'avère que Chekatt a en effet organisé l'attentat à cause de sympathies qu’il aurait eues pour l’EI ou d’autres réseaux de ce genre, ceci mettrait aussi en cause de hauts responsables français. Avant l’attentat contre Charlie Hebdo, la France a financé l’EI à la hauteur de dizaines de millions d’euros pour essayer de renverser Assad, un fait révélé par les investigations judiciaires actuelles de Lafarge.

Pour l’heure, ce qui est évident est que l’élite dirigeante utilise cet attentat pour exiger que les «gilets jaunes» mettent fin à leur mobilisation. Damien Abad des Républicains a dit: «on a besoin d'un appel au calme, aux responsabilités, et on a besoin qu'une trêve s'impose car il faut qu'on protège aussi nos forces de l'ordre, qu'on assure la sécurité. … Les Français ne comprendraient pas que nos forces de police ne soient pas pleinement mobilisées sur cette lutte contre le terrorisme.»

Le porte-parole néo-fasciste Sébastien Chenu a averti que la situation serait «difficile» s’il y avait «des Français dans les rues, sur les rond-points». Il a ajouté: «Si nous entrons dans une situation d'urgence, extrêmement tendue, à la recherche d'un terroriste, je crois difficile de mélanger les choses (...) à partir du moment où la menace terroriste devient extrêmement prégnante, inquiétante.»

La classe politique officielle propose un retour à l’état d’urgence depuis les premières mobilisations des «gilets jaunes», et Castaner s’est dit prêt au besoin à y revenir. Ceci permettrait au gouvernement à nouveau de suspendre indéfiniment les droits démocratiques fondamentaux et de s’accorder de vastes pouvoirs pour interdire et réprimer l’opposition sociale.

En même temps, un torrent de dénonciations médiatiques du «complotisme» s’abat sur les «gilets jaunes» qui critiquent le rôle de l’État. Il n’est pas difficle de deviver le but de ces dénonciations. Ce sont des tentatives d’attaquer le soutien inébranlable dont le mouvement a joui jusqu’ici dans l’opinion et préparer une répression même plus féroce des manifestations.

Des sondages en ligne indiquent que 55 pour cent de «gilets jaunes» sur certaines pages Facebook croient que l’État a manigancé l’attentat de Strasbourg pour les viser. Un «gilet jaune» a écrit: «Vous pensez pas que l’attentat d’hier à Strasbourg est une manipulation? Au moins Macron aura une bonne excuse pour ne pas nous rassembler, je comprends pas, le gars il vient en plein marché Noël il tue des gens et aucun policier là-bas? C’est un coup d’Etat!» La presse dénonce à présent sans relâche des commentaires de ce genre.

Il est trop tôt pour dire précisément ce qui s’est passé à Strasbourg. Mais on peut déjà dire qui porte la responsabilité politique pour la vague de terrorisme, et à quoi sert l’état d’urgence. La guerre impérialiste en Syrie a fait naître des réseaux islamistes étroitement liés à l’OTAN, dont les crimes ont servi de prétexte à de larges attaques contre des droits démocratiques ciblant, avant tout, l’opposition sociale et politique dans la classe ouvrière.

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