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Un Brexit «sans accord» se profile après que l’accord de retrait de May avec l'UE est rejeté pour la troisième fois (WSWS)

par Robert Stevens 1 Avril 2019, 07:31 Brexit Grande-Bretagne May

Un Brexit «sans accord» se profile après que l’accord de retrait de May avec l'UE est rejeté pour la troisième fois (WSWS)

La Première ministre britannique Theresa May avait besoin du soutien de 318 députés pour faire adopter son accord de retrait de l'Union européenne vendredi, mais en l’occurrence elle n’a obtenu que 286 voix.

 

 

Avec 344 députés votant contre, soit une majorité de 58, la marge de défaite était moins importante que les deux précédentes, soit 230 voix en janvier et 149 plus tôt en mars. Mais la défaite a déclenché une stipulation de l'UE qui fait avancer la nouvelle date de sortie du 22 mai au 12 avril.

Alors que le président du Parlement, le conservateur Tory John Bercow, a jugé que May ne pourrait pas remettre la motion inchangée sur son accord au vote une troisième fois, le vote de vendredi portait sur l'acceptation de l'accord de retrait et non de la déclaration politique qui l'accompagne. La Déclaration politique est un document plus court de 26 pages exposant les aspirations du Royaume-Uni en ce qui concerne les relations futures avec l'UE.

Le parti travailliste de l'opposition a rejeté cette manœuvre. Son secrétaire fantôme du Brexit, Sir Keir Starmer, a déclaré à l'émission Today de la radio BBC: «Enlevez la déclaration politique et cela nous laisse dans le flou. Vous n'avez aucune idée de ce pour quoi vous votez.»

May a pu gagner le soutien de 277 députés conservateurs, dont 41 conservateurs «pro-Brexit pur et dur». Ces derniers étaient convaincus qu'il valait mieux voter pour fixer la date d'un accord auquel ils étaient opposés que de risquer un délai prolongé, voire un éventuel renversement de la décision référendaire de 2016.

Cependant, 34 membres du Groupe européen de recherche ont voté contre, ainsi que 10 députés du Parti unioniste démocrate d’Irlande du Nord (DUP).

Malgré le fait que les députés travaillistes aient été tenus par le discipline du parti de s’opposer à l'accord de May, Kevin Barron, Rosie Cooper, Jim Fitzpatrick, Caroline Flint et John Mann - et deux blairistes qui siègent maintenant en tant qu'indépendants, Ian Austin et Frank Field - ont soutenu May.

Le vote a eu lieu le jour où le Royaume-Uni devait initialement quitter l'UE. Bien que l'accord de May avec l'Union européenne ait été conclu il y a des mois, des parties de l'accord portaient sur une proposition de «filet de sécurité» qui pourrait maintenir indéfiniment l'Irlande du Nord dans l'Union européenne, un anathème pour le DUP et des dizaines de conservateurs membres de l’aile dure pro-Brexit.

Plus tôt cette semaine, May s’était engagée à démissionner de son poste de chef du parti conservateur (et donc de son poste de Premier ministre) et à déclencher une course à la direction du parti si les députés de son parti profondément divisé acceptaient d’adopter l’accord. Grâce à cette promesse, elle a obtenu les voix de Boris Johnson et de son soutien dans toute bataille pour devenir chef du parti, Jacob-Rees Mogg. Mais même cela n'était pas suffisant pour faire adopter son accord.

***photo***

Theresa May [Credit: Number 10 Downing Street]

L'émission des actualités phare de la BBC, « Newsnight », a rapporté jeudi soir qu'un ministre du gouvernement, interrogé pour savoir pourquoi May persistait pour mettre le même accord à un troisième vote, avait répondu: «Bon dieu, qui sait? Cela me dépasse complètement. Ici, on est parmi les morts-vivants.»

Les événements de vendredi n'ont fait qu'approfondir la crise de l'impérialisme britannique, on ne compte plus les scénarios possibles pour la suite des événements.

Un départ chaotique «sans accord» de l'UE est une possibilité réelle. Dans une déclaration qui a immédiatement suivi le vote au parlement, la Commission européenne a averti: «L'UE se prépare à cela depuis décembre 2017 et est désormais pleinement préparée pour un scénario de "sans d'accord" à partir du 12 avril à minuit.»

Le président de la Commission européenne, Donald Tusk, a organisé un sommet d'urgence le 10 avril pour traiter la crise du Brexit, deux jours seulement avant la nouvelle date de sortie prévue. Selon le Guardian, « des sources ont suggéré que Downing Street [la résidence du premier ministre] devrait informer Bruxelles, avant le 8 avril, de la marche à suivre pour permettre aux États membres de se préparer pour le sommet.»

L'armée britannique se prépare à déployer 50.000 soldats dans les rues du Royaume-Uni dans l’éventualité d’un Brexit «sans accord», en prévision d'une perturbation massive des activités sociales de base et de troubles civils. Ces préparatifs visent directement la classe ouvrière.

Une autre prolongation de la législation de l'article 50 régissant le Brexit est également possible, obligeant le Royaume-Uni à participer aux élections européennes au mois de mai.

S’adressant aux députés après avoir perdu le vote pour son accord, May a déclaré: «Je crains que nous n'atteignions les limites de ce processus à la Chambre des communes. Cette Chambre a rejeté une sortie sans accord. Elle a rejeté le refus du Brexit. Mercredi, elle a rejeté toutes les variantes de l'accord sur la table. Et aujourd’hui, elle a rejeté l’approbation de l’accord de retrait [séparé de la déclaration politique] et la poursuite d’un processus tourné vers l’avenir.»

Une «solution alternative» doit être trouvée, a affirmé May, menaçant les députés irréductibles pro Brexit que tout autre accord avec l'UE serait «presque certain» d'impliquer la participation britannique aux élections européennes.

La référence oblique de May aux «limites de ce processus» est largement interprétée comme une menace pour que ses députés rebelles optent pour «l'option nucléaire» - déclenchant une deuxième élection générale anticipée si son accord est rejeté à nouveau. Compte tenu de l’état des relations politiques au sein du parti conservateur, cette menace pourrait devenir une réalité politique.

May devrait organiser de nouvelles discussions avec son cabinet au cours du weekend, alors que des informations circulent selon lesquelles une réunion présidée par la Première ministre tout de suite après la défaite du vote a été dominée par des ministres insistant pour que May s'oppose à un Brexit doux et se prépare à un Brexit sans accord.

Un partisan «pro-Brexit» qui a soutenu May lors du vote de vendredi a déclaré: «J’ai dû renoncer à toutes mes convictions et voter en faveur. Maintenant que nous avons perdu ce vote, la Première ministre n’a qu'une seule chose à faire; nous faire sortir [de l’UE] le 12 avril. Récupérer notre pays et mener à bien ce que nous avons promis. Car si l’on ne fait pas, que Dieu nous aide.»

La prochaine étape de la crise se déroulera lundi, lorsque les députés reviendront au Parlement pour un second tour de «votes indicatifs». Mercredi dernier, les députés avaient procédé à des votes indicatifs sur huit propositions différentes du Brexit, mais aucune d'entre eux n'avait trouvé une majorité.

Le président de la Chambre choisirait parmi les options les plus populaires de la semaine dernière afin que les députés puissent en dégager une seule, qui serait probablement celle d'un Brexit associée à un accès à une forme d'union douanière avec l'UE.

Toutefois, selon Sky News, May est prête à ramener son accord pour un quatrième vote mercredi prochain, le mettant à un vote éliminatoire contre la proposition qui émergerait du vote indicatif des députés.

Alors que la Première ministre figure parmi les morts-vivants identifiées par son ministre anonyme, Jeremy Corbyn, le leader prétendu «de gauche» du Parti travailliste, travaille d’arrache-pied pour s’assurer que la plus grave crise à laquelle l'impérialisme britannique doive faire face en temps de paix soit résolue par le système parlementaire vermoulu et ses partis pourris, qui représentent des factions opposées pro et anti-européennes de l'élite dirigeante, avec la classe ouvrière réduite à un rôle de spectateurs.

Dans sa contribution au débat de vendredi, Corbyn a déclaré à la Chambre qu'elle devait «trouver un compromis pour résoudre ce problème». Les travaillistes travailleraient avec les députés de tous les partis autour d'un certain nombre d'options pour un Brexit doux, a-t-il dit. Il a déclaré que le plan privilégié du Parti travailliste sur le Brexit était «fondé sur la conviction qu'une union douanière permanente» avec l'UE, ainsi que «l’alignement avec le marché unique» offrait «le meilleur compromis» pour un «pays profondément divisé et […] une Chambre profondément divisée.»

Un tel résultat «est largement soutenu par les grandes organisations de l'industrie et des entreprises et par les syndicats» a-t-il souligné.

Pour apaiser l'aile blairiste du Parti travailliste, il a déclaré qu'il n'exclurait pas un soutien à un second référendum sur l'adhésion à l'UE, avant de conclure: «Si nous ne pouvons pas à se mettre d’accord [convenir d'un accord au Parlement] lundi, alors je ne vois pas d'autre solution que des élections générales.»

Corbyn a évoqué cette possibilité, sachant que la plupart des députés travaillistes s'opposent résolument à ce qu'il devienne Premier ministre. Les blairistes craignent que son élection ne puisse encourager les revendications des travailleurs et des jeunes qu’il mette à exécution sa rhétorique contre l'austérité et la guerre.

Huit des blairistes, qui ont fait scission pour créer le Groupe Indépendant (TIG) avec trois ex-conservateurs le mois dernier, calculent que si les événements conduisent à des élections générales, une scission beaucoup plus importante du parti travailliste pourrait se concrétiser autour de la politique du Brexit. TIG est essentiellement une opération pour se préparer en vue de ce scénario. Hier, il a demandé à la Commission électorale d’être enregistré comme parti politique, sous l’étiquette de Change UK-The Independent Group, à temps pour pouvoir participer à d'éventuelles élections européennes et à une éventuelle élection générale au Royaume-Uni.

 

(Article paru en anglais le 30 mars 2019)

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